L'Hindouisme

L’hindouisme, ou sanātanadharma qui n'a ni fondateur ni Église, est l'une des plus vieilles religions du monde encore pratiquées. Avec près d'un milliard de fidèles, c'est actuellement la troisième religion dans le monde après le christianisme et l'islam, issue du sous-continent indien qui reste son principal foyer de peuplement.

La particularité de l'hindouisme est de n'avoir ni prophètes ni dogmes centraux. Cependant, les hindous contemporains croient en l'autorité du Veda, qui, selon la Tradition, fut révélé aux hommes, grâce à la « vision » des Rishi. Le terme persan hindu (du sanskrit Sindhu) désignait au départ, pour les musulmans qui pénétrèrent en Inde, les habitants du bassin de l'Indus.

L'hindouisme se présente comme un ensemble de concepts philosophiques issus d'une tradition remontant à la protohistoire indienne, la pratique hindouiste étant sans doute issue d'une tradition orale très ancienne, proche de l'animisme. On retient parfois une tripartition historique qui fait de l'hindouisme la dernière phase du développement des religions en Inde, après le védisme aryen (~1500 à 900 av. J.-C.) et le brahmanisme (~900 à 400 av. J.-C.).

 

Au-delà du syncrétisme théologique, l'hindouisme d'avant les invasions islamiques et le colonialisme européen qui soumirent l'Inde à leur autorité était un vecteur pour toutes les sciences : le droit, la politique, l'architecture, l'astronomie, la philosophie, la médecine, etc., comme d'autres savoirs qui avaient en commun le substrat religieux.

 

 

La Śruti

Les Védas sont les textes les plus anciens qui nous soient parvenus en langues indo-européennes. Les Védas sont considérés par les hindous comme faisant partie de la Śruti (connaissance révélée). La tradition déclare qu'ils sont directement révélés par le Brahman aux rishis alors que ces derniers étaient en méditation profonde. Les hymnes des Védas ont été transmis oralement de père en fils et de professeur à disciple. Par la suite, ces hymnes ont été compilés par un sage appelé Vyāsa (littéralement, le compilateur, bien que le nom puisse avoir désigné un groupe de personnes personnifiées pour les besoins de la tradition) ou encore Vedavyāsa (diffuseur des Védas).

Les textes les plus anciens sont formés des quatre Saṃhitā, ou recueils constituant les quatre Veda, à savoir : le Ṛgveda ou « Veda des strophes », le Yajurveda ou « Veda des formules », le Sāmaveda ou « Veda des mélodies » et l’Atharvaveda à caractère magique. Le Ṛgveda contient des mantras pour invoquer les devas pour les rites de feu-sacrifice ; le Sāmaveda, c'est le cantique, avec des notations musicales ; le Yajurveda a de véritables instructions pour les sacrifices ; et l'Atharvaveda comprend des charmes philosophiques et demi-magiques (sic) — des charmes contre les ennemis, les sorciers, les maladies et les erreurs pendant le rite sacrifiant. À ces quatre Védas ont succédé les Brāhmaṇās qui sont des interprétations sur le Brahman, les Āraṇyaka ou « Traités forestiers » à réciter loin des agglomérations et les Upaniṣad ou « Approches » à caractère spéculatif qui ont pour seule matière la métaphysique. Les upaniṣad qui font partie de la Śruti closent le canon védique.

 

 

La Smriti : les textes hindous post-védiques

Les Vedas sont désignés sous le nom de Shruti (ce qui est révélé). Les textes plus récents sont appelés Smriti (ce qui est rappelé ou mémoire/tradition). Tandis que la littérature shruti est composée en sanskrit védique, les textes smriti sont en sanskrit classique (plus facile) et, pour certains, en prâkrit ou langue commune. Puisqu’accessible à tous, la littérature smriti a connu une grande popularité dans toutes les couches de la société indienne, et ce dès le début. Aujourd’hui même, la plus grande partie du monde hindou est plus familière avec le smriti qu’avec la littérature shruti réservée (tardivement) à la caste dominante des brahmanes. La smriti correspond ainsi à la littérature populaire et, en tant que telle, elle est théoriquement moins ardue que la shruti (la shruti, remontant à l'aube de l'Inde c'est-à-dire à l'époque védique, est aujourd'hui, du fait de son langage et de son vocabulaire, sujette à interprétation). La smriti (collection de 36 textes selon Paithina) est le pendant populaire de la shruti, à travers l'histoire des dieux et des héros, elle instruit sur la pensée indienne. Les textes révélés ou Shrutis font autorité sur les textes mythologiques ou Smritis et cela indépendamment du sujet traité. La majorité des livres de la Smriti font référence aux textes sacrés des Vedas ; leur but est de décoder les messages ancestraux et de les enseigner à la population. Cette seconde littérature n'est pas pour autant de moindre valeur, elle est au contraire très riche et offre des dialogues philosophiques très poussés.

 

 

Cosmogonie et divinités

La cosmogonie hindoue enseigne que le principe de toute vie, de tout progrès, de toute énergie, réside dans les différences, les contrastes.

La cosmogonie hindoue est la théorie hindouiste de la création de l'univers et de son image.
Celle-ci est caractérisée par un recours constant au chiffre.

Le monde a été créé en forme d'œuf (l'« œuf de Brahmâ »). La moitié supérieure de l'œuf cosmique se divise en sept zones : les trois premières, terre, air et ciel, forment ensemble le triloka (« trois mondes ») et sont surmontées par quatre régions célestes constituant la demeure des dieux.
La moitié inférieure de l'œuf cosmique comprend sept régions infernales (patala), qui forment des étages et sont habitées par des démons et des serpents.
Au-dessous de l'œuf cosmique se trouve l'Océan primitif, formé par sept autres zones infernales.

La Terre est divisée en sept continents entourés de sept mers.

 

 

Le Brahman

Le Brahman (prononcé comme /brəh mən/) est un concept provenant à l'origine des Védas. C'est l'indescriptible, le neutre, l'inépuisable, l'omniscient, l'omniprésent, l'original, l'existence infinie, l'Absolu transcendant et immanent, l'Éternel, l'Être, et le principe ultime qui est sans commencement et sans fin, – dans l'univers entier. C'est la Réalité Ultime, l'Âme Absolue ou Universelle (Paramatman), l'Un. Il ne doit pas être confondu avec la divinité Brahmâ ou le nom des prêtres hindous, les brâhmanes.

 

Cet Absolu, que les hindous désignent aussi par le nom de tat en sanscrit (« Cela ») est par sa nature même impossible à représenter. L'Absolu est tantôt manifesté : Tat Tvam Asi : Tu es Cela), ou « Tout cela est Brahman » disent les textes sacrés, tantôt non-manifesté : « le Brahman est Vérité, le monde est Illusion », disent aussi les textes sacrés.

 

 

Trimürti

La nature du Brahman ne l'empêche pas de se manifester sous la forme d'un dieu personnel. L'hindouisme, selon les courants religieux, donne divers noms au dieu personnel. Un nom général existe cependant, celui d'Ishvara (litt., « le Seigneur Suprême »), terme surtout philosophique car, dans la pratique du culte et de la vie quotidienne, on ne s'adresse guère qu'à l'un des membres de la Trimourtî : (Shiva, Vishnou, ou, plus rarement, Brahmâ, car ce dernier, en créant les créatures vivantes, a engendré le samsara, le cycle des réincarnations que l'on doit abandonner, « opposé » à Moksha, la libération).

Les dieux personnels majeurs sont ceux de la Trimūrti. Ce sont dans l'ordre Brahmâ, Vishnou et Shiva, qui correspondent respectivement à l'action créatrice, conservatrice et destructrice de l'Absolu transcendant (Brahman). Ils représentent trois aspects inséparables de la structure de l'Univers.

Dans les manifestations personnelles (divinités) du dieu impersonnel (Brahman), l'hindouisme est une religion polythéiste ; à ce titre, cette religion comporte une variété et une diversité (le chiffre est parfois considéré symbolique) de 330 millions de divinités.

« Si dans la Multitude nous poursuivons avec insistance l'Un, c'est pour revenir avec la bénédiction et la révélation de l'Un se confirmant dans le Multiple. »

— Shrî Aurobindo.

L'hindou peut vénérer le Brahman sous la forme d'une divinité de son choix, sans pour autant rejeter l'existence d'autres divinités, considérant Ganesh, par exemple, comme l'incarnation suprême du Brahman (cet hindou sera un ganapatya, et shivaïte) : dans ce cas, l'hindouisme est un hénothéisme. Néanmoins, selon cet aphorisme du Brahmanoûtchîntamam :

« Celui qui adore un Dieu comme différent de lui, en pensant : "il est un autre. Je suis un autre", cet homme ne connaît pas le Brahman : il est pareil à un animal pour les Dieux. »

Dans l'hindouisme, il n'y a pas de conflit entre polythéisme et monothéisme : la religion, la philosophie et les théories qui les accompagnent ne sont que des chemins qui tentent de décrire le (Brahman) au-delà duquel il n'y a plus rien, et la manière de se fondre en lui.

 

 

La syllabe mystique OM

Om (ou Aum) est un des symboles sacrés de l'hindouisme. C'est le son primordial qui surgit du chaos avant la Création, il est la source de l'existence.
Il est utilisé comme préfixe et parfois suffixe aux mantras et à toute prière hindoue. Il représente la contraction des trois états de la matière : Sattva, Tamas et Rajas, et représente l'univers.

Écrit « Om », il est la contraction de Aum, « m » étant la résonance et « o », la vibration originale.

Le son Ôm (ou Aum, ॐ) est empli d'un message symbolique profond : il est considéré comme la vibration primitive divine de l'Univers qui représente toute existence, entourant toute nature dans Une Vérité Ultime.

Ainsi, le son, produit d'une façon prolongée, résultat de la combinaison de trois sons A-U-M (de la triade à l'unité), signifie « ce qui a été, est et sera », et possède, pour ceux qui se vouent à la méditation, une force à la fois magique et religieuse. Une Upaniṣad affirme :

« Comme s'agglomèrent toutes les feuilles enfilées sur une tige qui les traverse, de même toute parole se fond dans le son OM. Le son OM est tout cet univers. »

 

 

Écoles et courants

Des élaborations philosophiques, constituant la source de ce qu'on appelle aujourd'hui « hindouisme », ont été transmises oralement pendant des siècles et ont commencé à être transcrites dans la première moitié du Ier millénaire av. J.-C. Le système religieux et culturel qu'on appelle hindouisme s'est développé dans le sous-continent indien et n'est que rarement sorti de ses frontières.

 

Les six grands systèmes philosophico-théologiques

L'hindouisme a développé des astika antiques, ou écoles orthodoxes (car acceptant l’autorité des Vedas) de philosophie, ou shaddarshana. Ces systèmes, ou « visions » (darshana), de l'hindouisme classique sont au nombre de six ; chacun d'entre eux est le fruit d'une longue élaboration dont témoigne une vaste littérature :

  1. Sāṃkhya, l'un des plus anciens est le système de pensée fondé sur un dualisme entre l'esprit (Puruṣa) et la nature (Prakriti), qui fut à l'origine détaché des spéculations théologiques.
  2. Purva-Mimamsa (également appelé Karma Mimansa ou la Mîmâmsâ), système tourné vers l'éclaircissement du Veda.
  3. Uttara Mimamsa (plus communément appelé l'Advaita Vedānta), système centré sur la métaphysique et la nature mystique des Upanishads.
  4. Yoga, un système basé sur une pratique personnelle (posturale, respiratoire et méditative) pour atteindre la libération, la délivrance (मोक्ष, mokṣa).
  5. Vaisheshika, le système qui a proposé la théorie atomique pour la première fois.
  6. Nyâya, le système de la logique de l'Inde (les 16 critères de « raisonnement valide ») et dernier des courants philosophiques hindous.

Les nâstika ou écoles non-orthodoxes — qui ne sont pas discutées dans cet article — sont le jaïnisme, le bouddhisme et le chârvâka, l'athéisme ancien classique de l’Inde qui réfute l’existence de l’âme ou âtman (sauf pour le jaïnisme, mais ce dernier ne reconnaît pas l'autorité brahmanique du Véda).

 

Bouddha dans l'hindouisme

Dans l'hindouisme, Bouddha est considéré comme un Avatar de Vishnou. Dans les textes pouraniques, il est le vingt-quatrième des vingt-cinq avatars, préfigurant une prochaine incarnation finale. Un certain nombre de traditions hindoues parlent du Bouddha comme du plus récent, précédant l'avatar à venir Kalkî, des dix avatars principaux connus sous le nom de Dashâvatar (Dix Incarnations de Dieu).

 

 

 

Croyances, rituels et pratiques communes

 

 

Les quatre buts de la vie

En parallèle des quatre périodes de la vie hindoue, l'hindouisme considère qu'il existe quatre buts à l'existence ou pouroushârtha. Les désirs humains étant naturels, chacun de ces buts sert à parfaire la connaissance de l'homme puisque, par l'éveil des sens et sa participation au monde, il en découvre les principes. Cependant, l'hindou doit se garder d'en être charmé, sous peine d'errer sans fin dans le cycle du samsâra.

 

  1. Kâma ou le désir : et plus particulièrement le désir et le plaisir amoureux. Dans la mythologie, le dieu Amour, Kâma est la source de la création. Les Kâmasûtra exposent les moyens d'exalter les sens et d'épanouir la vie de couple. L'homme et la femme s'unissent et recréent l'unité divine. Le plaisir doit être dirigé dans le but de la connaissance et ne doit pas devenir un mode de vie qui conduirait à accomplir des actes immoraux ou adharmiques (contraire au Dharma, voir ci-dessous).
  2. Artha ou la prospérité matérielle : L'homme doit participer à la société en se créant un patrimoine et des relations qui seront le fruit de son travail. Il doit faire attention de ne pas se faire abuser par le charme d'une vie d'aisance, mais doit en retirer un enseignement. La période de Grihastha est propice au développement de ce but.
  3. Dharma ou le devoir : Le Dharma doit diriger toutes les quatre périodes de la vie hindoue. Le devoir permet à l'homme de poursuivre sa vie sur le droit chemin, en se conformant au droit et à la morale qui sont transcrits dans les Dharma-Sûtra ou la Manu-Samhitâ dite Lois de Manu.
  4. Moksha ou la délivrance : Durant les deux dernières périodes de la vie de l'hindou, celui-ci recherche moksha, la libération du cycle des réincarnations. Mais il s'agit surtout du but de la vie de l'hindou qui peut y parvenir selon différents moyens, comme le Bhakti-Yoga. D'après la tradition hindoue, l'homme qui a manqué sa délivrance doit parcourir un cycle de 8 400 000 re-naissances dans d'autres conditions que la condition humaine avant d'y accéder à nouveau. Néanmoins, il ne faut pas oublier que pour l'hindouisme, grâce à la bhakti (dévotion), même un animal peut atteindre la Délivrance grâce à sa dévotion envers une divinité, contrairement au bouddhisme, au jaïnisme ou au sikhisme, religions indiennes qui considèrent qu'il faut être né humain pour pouvoir accéder au moksha. La conquête de cette liberté absolue constitue le but de toutes les philosophies et de toutes les techniques mystiques indiennes.

Ces vers de Kâlidâsa résument parfaitement cette pensée :

« Enfants, ils s'attachent à l'étude ; jeunes gens, recherchent les plaisirs ; vieillards, pratiquent l'ascèse ; et c'est dans le yoga qu'ils achèvent leur existence. »

— (Raghuvamça)

 

Les quatre étapes de la vie

La vie spirituelle d'un hindou est traditionnellement divisée en quatre stades ou âshrama. Ces quatre stades sont étroitement liés aux quatre buts de la vie, chacun de ces stades permettant d'atteindre au mieux ces buts. Cette rigueur permettait d'accéder à une vie spirituelle remplie.

  1. Le Brahmacarya est la période de la vie de l'éducation. Elle consiste en l'étude approfondie des textes sacrés, principalement des Vedas. Ce stade est réservé aux enfants et aux étudiants, la chasteté et la continence en sont les principales vertus. Le guru ou maître spirituel est alors considéré comme le représentant de la divinité, l'élève lui doit obéissance et respect.
  2. Le gṛhastha correspond aux nécessités de suivre une vie active et mondaine : c'est celle du père de famille dans la force de l'âge dont le but est d'avoir une descendance et doit s'enrichir pour la survie de sa famille.
  3. Le Vânaprastha est le stade qui correspond à une vie de retraite loin des attachements de la vie matérielle et de la famille. Une fois les buts matériels réalisés, l'observant quitte son foyer pour obtenir le salut.
  4. Le Samnyâsa est le dernier stade de la vie qui permet d'atteindre Moksha, la libération spirituelle.

Aujourd'hui, ces observances ne sont plus suivies avec rigueur. La philosophie de la bhakti qui consiste dans le culte des dieux tend à supplanter cette tradition.

 

La société brahmanique — Les quatre varnas (système de caste)

« Les quatre varnas assumaient avec rigueur leurs responsabilités. Les brâhmanes suivaient scrupuleusement les règles de vie recommandées par les Écritures : ils étaient pleins de foi, de douceur et de bonnes manières, savants connaisseurs des Védas et de leurs six branches. Les kshatriyas, guerriers, s'exerçaient dans les vertus de courage, de fidélité et de détermination : ils étaient attachés au code d'honneur de leur varna. Les vaïshyas, commerçants, artisans et agriculteurs, remplissaient avec honnêteté et dévouement les devoirs de leur métier, sans penser à des gains illicites. Les shoûdras servaient avec joie les autres varnas, et ils étaient hautement respectés pour leur zèle par les brâhmanes, les kshatriyas et les vaïshyas. »

 

 

— Vâlmîki, Le Râmâyana.

 

Après l'arrivée des Indo-Aryens, un peuple de nomades indo-européens, les prêtres de l'Indus affirmèrent leur suprématie en mettant en place le système des castes, qui repose sur une division de la société en quatre varnas (« couleurs ») ou groupe de classes. La société hindoue a été depuis traditionnellement divisée à partir de ces quatre grandes classes, basées sur la place que l'homme a dans le rituel védique et la profession :

  • les Brahmanes : les prêtres, le clerc enseignant ;
  • les Kshatriyas : les guerriers, les rois et les administrateurs ;
  • les Vaishyas: les paysans, commerçants et artisans ;
  • les Shudras: les serviteurs.

Ces classes sont dénommées varna et le système a été appelé Varna Vyavastha. Le système de varna est une partie intégrante de l'hindouisme, et il est strictement sanctionné par les Écrits du Véda. Les textes de la Smriti (y compris les Lois de Manu) ont élaboré les règles de ce système.

 

Évolution du système de castes

Le système de castes basé sur la naissance, qui existe en Inde moderne, n'existait pas dans l'hindouisme védique antique. Un hymne célèbre du Veda indique ainsi :

« je suis un poète, mon père est un médecin, le travail de ma mère est de moudre le blé… »

— (Rig-Veda 9,112,3)

Précédemment, le système était seulement basé sur la profession, la place dans le rituel védique et le caractère, et il y a toujours eu des exemples où les gens ont librement changé de profession et se sont librement inter-mariés.

Plus tard, ce système fut fixé sur la naissance. Ainsi, avec l'évolution de plusieurs sous-castes (avec une classe des intouchables hors du Varna Vyavastha), le système a évolué vers le système de castes comme nous le connaissons aujourd'hui.

Avec la modernisation, les différences des castes s'estompent dans l'Inde moderne, mais les tensions et les préjugés restent persistants, surtout envers les Dalit (« intouchables »).1

Les intouchables forment un groupe d'individus exclus du système des castes (stricto sensu, ils sont considérés à proprement parler comme « hors du système des castes » au même titre que les populations aborigènes du pays ou les étrangers).

Depuis l'indépendance de l'Inde (1947), considérer un citoyen indien comme « intouchable » est interdit par la constitution de l'Inde. Ils représentaient environ 170 millions de personnes en 1996 et sont désignés généralement par le terme de dalit qui signifie « opprimé », même s'ils sont parfois encore appelés harijan (« enfant de dieu », forme utilisée par Gandhi, mais qu'ils ont toujours rejetée). L'appartenance à une caste est héréditaire, ce qui limite les possibilités d'ascension sociale. Être « intouchable » ne signifie pas forcément être pauvre socio-économiquement. Les Dom (ou Domba, une des plus basses castes) crémateurs de Bénarès, sont parmi les plus riches hommes de la ville et continuent de brûler les morts. Parallèlement, les Brâhmanes, considérés comme la plus haute caste (car chargée de maintenir le savoir sacré) vivent, pour 53,9 % d'entre eux, en dessous du seuil de pauvreté.2

 

Explication théologique

Le système des varnas s'explique théologiquement : en Inde, on considère que la société est également organisée selon l'équilibre du dharma. Cette organisation permet l'harmonisation des rapports entre les hommes et de définir les actes qui leur incombent. Ce souci d'équilibre a une origine doctrinale, car elle répond à la symbolique des gounas, ou qualités/saveurs. Aux trois gounas correspondent trois couleurs (le noir, le rouge et le blanc) qui sont chacune associées à une varna. À l'origine, l'hindou ne naît pas dans une varna : il s'insère dans celle-ci en fonction du rôle qu'il est amené à jouer et des responsabilités qui lui reviendront. Beaucoup de textes mythologiques dénoncent l'usurpation au titre de brâhmane de certains personnages qui, sous couvert de la naissance, profitaient d'un statut valorisant sans s'acquitter de leurs devoirs. Mais, à la suite des invasions comme de la colonisation britannique, la règle s'est resserrée au profit des castes dirigeantes, enfermant les shoûdras dans un statut de dominés par la société.

« Il n'est point d'entité, ni sur la terre, ni au ciel parmi les dieux, qui ne soit sujette au jeu de ces trois qualités (gunas) nées de la nature. Les œuvres des brahmanes, des kshatriyas, des vaïshyas et des shoûdras se distinguent selon les qualités (gunas) nées de leur propre nature intérieure. »

— (Bhagavad-Gîtâ, XVIII, 40 et 41)

La croyance hindoue soutient que ce système est « nature » (voir Collection Hatha-Yoga vol. 11 : La vie dans la cité), qu'on le retrouve dans le règne animal (fourmis, abeilles et les mammifères vivant en troupeaux) et dans l'organisation familiale (respect et autorité des parents et ancêtres), comme dans la société. Du point de vue hindou, ce système serait évolutif et s'adapterait avec la société.

Il existerait ainsi une distinction entre le système tel qu'il serait exprimé par les textes et son application courante. Aurobindo écrit : « Les paroles de la Gîtâ se rapportent à l'ancien système de chaturvarna, tel qu'il existait ou est supposé avoir existé en sa pureté idéale — fut-ce jamais autre chose qu'un idéal, une norme générale, suivis de plus ou moins près dans la pratique ? »

Il est possible d'être rejeté de sa caste, mais, pour cela, les fautes de l'individu doivent être relativement graves. En Inde, on reconnaît cinq péchés majeurs ou mahâpataka, le plus grave étant le meurtre d'un brahmane (ou brahmahatyâ), mais la consommation d'alcool, le vol, l'adultère avec la femme de son gourou et la protection de criminels sont également sévèrement punis. Perdre sa caste peut être douloureux pour un hindou, puisque vivre au sein d'une communauté soudée offre un certain nombre d'avantages et de protections.

Gandhi fut un grand défenseur des quatre castes sacrées hindous, qui pour lui représentent l'essence cosmique de toute société humaine au niveau universel (Brâhmanes/Savants ; Kshatriya/Défenseurs ; Vaïshya/Paysans-Artisans ; Shûdra/Serviteurs) :

« Chacun de nous a des occupations qui lui sont propres. Ces occupations ne sont pas des castes [Jati, litt. « Naissance »] ; elles sont ce que l’hindouisme désigne sous le nom de varna [litt. « Couleur »]. Varna n’a rien de commun avec la caste telle que nous la connaissons aujourd’hui. Les castes sont une institution humaine, tout juste bonne à être détruite, mais varna est une loi divine. Nous pouvons la négliger et subir les conséquences de cette attitude, mais si nous l’observons nous en tirerons profit. Un menuisier, un forgeron, un maçon, un balayeur, un professeur, un soldat, ont chacun des occupations différentes, mais aucun d’eux n’est supérieur ou inférieur aux autres. Si nous commençons à empiéter les uns sur les autres, nous créons une confusion (sankar) de toutes les varnas. C’est pourquoi, dès que vous enlevez à la loi de varna les cuisants sentiments d’infériorité qu’on y a mis, non seulement elle agit comme loi, mais encore elle fournit une occasion de faire ce pour quoi nous avons le plus d’aptitudes. »

 

 

Ahimsâ (la non-violence), le régime végétarien et la vache sacrée

Ahimsâ est un concept qui recommande la non-violence et le respect pour toute vie, humaine et animale, et même végétale. Ahimsâ est assez souvent traduit par non-violence. En fait, ce terme signifie, dans son sens exact, non-nuisance à l'égard de tous les êtres vivants ou respect de la vie sous toutes ses formes. Dans un sens positif, ou actif, l'ahimsâ est synonyme de compassion, de générosité. La racine sanskrite est hims (« nuire ») avec le privatif « a ».

 

La croyance en la réincarnation est fondamentale dans le bouddhisme, le jaïnisme et l'hindouisme : nous avons été, nous sommes et nous serons (peut-être) tous des animaux au cours de nos innombrables vies.

L'Ahimsâ est la notion philosophique de l'hindouisme (mais aussi du bouddhisme ou du jaïnisme) qui introduit le végétarisme comme norme dans l'alimentation. D'après certaines estimations, 85 % de la population hindoue suit un régime végétarien (pas de viande, de poisson ni d'œufs ; les œufs fécondés sont considérés comme aliments non végétariens, en Inde) : surtout dans les communautés orthodoxes de l'Inde du Sud, dans certains États du Nord comme le Gujarat ou du Sud au Karnataka (où l'influence des jaïns est significative). Ce régime alimentaire est principalement fondé sur une nourriture à base de laitages et produits verts. Quelques-uns évitent même l'oignon et l'ail, qui sont considérés comme ayant des propriétés rajas, c'est-à-dire « passionnelles ». Dans l'Inde traditionnelle, un brahmane n'était rien sans sa vache, car elle lui fournissait l'offrande aux dieux la plus appréciée. Le svadharma (le dharma personnel) des brahmanes inclut le végétarisme, le brahmane étant appelé à mener une vie absolument pure. L'hindouisme encourage le végétarisme. La consommation de viande, de poisson (et d'œufs fécondés) n'est pas promue, seulement tolérée, dans le cadre du rang que l'hindouisme lui a assigné dès les Védas : inférieur, non respectueux de l'ahimsâ et impur par rapport à un régime végétarien.

Certains brahmanes sont non seulement végétariens mais végétaliens, c'est-à-dire qu'ils ne consomment aucun produit d'origine animale (lait, etc.).

D'une façon générale, les Upanishads, déjà (à partir du VIe siècle av. J.-C.), soulignent que les bêtes et les humains sont semblables, puisque tous hébergent en eux l'âtman, et de ce fait sont les sanctuaires du Brahman (« Absolu », la plus haute notion de Dieu, dans l'hindouisme). C'est précisément parce que tous les êtres vivants sont le sanctuaire du Brahman qu'il n'y a pas en Inde de temple du Brahman, comme il y a des temples de Vishnou ou de Shiva.

On peut constater que dans la plupart des villes saintes hindoues, il existe une interdiction de tous les aliments non-végétariens et de tous les alcools, et une interdiction légale existe même sur l'abattage de vaches dans presque tous les États de l'Inde. Le cuir d'une vache morte de cause naturelle est cependant acceptable.

 

La vache sacrée

La plupart des hindous voient la vache comme le meilleur représentant de la bienveillance de tous les animaux — puisqu’elle est l'animal le plus apprécié pour son lait, elle est vénérée comme une mère. La vache est le symbole du pouvoir du brâhmane et de l'Ahimsâ.3

La vache est en effet vue en Inde comme une « Mère universelle » (la vache, sous le terme gaya, veut dire aussi « douceur »), du fait qu'elle donne son lait à tous, même à ceux qui ne sont pas ses veaux ; en Inde, la vache n'est pas seulement « sacrée » en tant que telle – bien qu'étant décrite par la littérature hindoue comme l'origine et le fruit de tout sacrifice aux dieux –, elle représente la sacralité de toutes les créatures. La vache a été et est encore vénérée dans de nombreuses civilisations et religions dans le monde, les plus notables étant l'hindouisme, le zoroastrisme, aussi bien que les religions de l'Égypte ancienne, de la Grèce et de la Rome antiques.4

 

Le cycle de la vie

L'hindou croit en une vie après la mort, et avant la naissance, le corps n'étant qu'une enveloppe matérielle temporaire. Le gourou Yâjnâvalkya (630-583 av. J.-C.) enseignait qu'à sa mort chaque homme subissait une dissolution ; le corps retournait à la terre, le sang à l'eau, le souffle au vent, la vue au soleil et l'intellect à la lune, mais les « actions non rémunérées » (celles qu'on a produites sans en récolter les conséquences) se réunissaient pour s'incarner de nouveau en un être. De cette façon, la notion, présente dans les Upanishads, de la migration des âmes (ou jiva, c'est l'atman - qui, lui, est purement immatériel - dans ou avec le corps organique) et de leur renaissance, se joignait à celle du karma (littéralement, l'« action »). Cependant, selon l'anthropologue Robert Deliège, la croyance en la réincarnation n'est pas uniformément ancrée en Inde, il y a des variations selon les populations, les milieux sociaux, les régions.

Le karma était à l'origine le seul acte rituel ; mais par la suite, considéré comme moteur du samsâra, il est identifié à toute action déterminant de façon automatique non seulement la renaissance après la mort, mais aussi les formes de cette future existence et la situation que l'individu connaîtra dans sa nouvelle vie.

En d'autres termes, l'homme devient ce qu'il accomplit : les bonnes actions d'une existence antérieure améliorent les conditions de vie de l'existence à venir, tandis que de mauvaises actions les aggravent.

Aussi chaque individu détermine-t-il par la loi de maturation des actes son propre destin dans la vie à venir, le « théâtre » de son fruit renouvelé (il n'est pas question de récompense ou de punition, puisqu'il n'y a personne pour récompenser ou punir).

Par ailleurs, dans cette succession d'existences terrestres, l'âtman demeure l'essence invariable propre à l'individu, malgré la totale mutation de l'être, représentant ainsi la continuité du moi dans la migration des âmes, « par quoi nous sommes identiques les uns aux autres et identiques aux puissances de l'univers ».

Les différentes écoles de philosophie indienne enseignent plusieurs voies pour parvenir à la libération (moksha) de l'âme. À travers notamment la pratique du yoga, l'hindou peut choisir entre une variété de chemins tels que la dévotion (bhakti yoga), l'action désintéressée (karma yoga), la connaissance (jnana yoga) ou la méditation (raja yoga). La voie du bhakti yoga est la plus pratiquée car plus facile d'accès que les autres.5

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Hindouisme
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Intouchable_%28Dalit%29
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Hindouisme
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Vache_sacr%C3%A9e
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Hindouisme