Le Costa Rica

 

Période précolombienne

Les premières traces de vie au Costa Rica remontent entre 10 000 et 7 000 av. J.-C. avec l'arrivée de groupes de chasseurs-cueilleurs dans la vallée Turrialba. Dans cette zone, des pointes de flèches d'origines différentes ont été découvertes, ce qui peut laisser penser que des groupes d'origines différentes ont convergé vers cette région. L'agriculture apparaît vers 5 000 av. J.-C., avec la culture de tubercules. Les premières traces de techniques d'utilisation de la céramique remontent entre 3 000 et 2 000 av. J.-C. La culture du maïs apparaît entre 300 et 500 av. J.-C.

À partir des années 800 jusqu'à l'arrivée des Espagnols au XVIe siècle se présente une augmentation de la taille et de la complexité de la conception interne des villages, et les différences régionales s'accentuent. La présence de nombreux cimetières, simples et complexes, les œuvres d'infrastructures massives, la diversité de biens domestiques et de luxes, le développement d'orfèvre, l'échange régional et les conflits entre les cacicazgos pour les territoires et les ressources sont des éléments caractéristiques de cette époque.1

Les Chorotoga, agriculteurs dont la société est divisée en classes (nobles, prêtres, peuple, esclaves, prisonniers de guerre), correspondent au peuple le plus développé. Ce nom dériverait de Cholula, ville aztèque située au Mexique, ou bien signifierait « peuple qui fuit » d'après deux racines nahuatl, la tribu originaire du Sud mexicain ayant fui ses ennemis avant de venir s'établir au nord-ouest du Costa Rica vers le IXe siècle ap. J.-C. Ils possèdent une langue écrite, fixée sur des parchemins en peau de chevreuil, un calendrier rituel d'origine maya, et se servent de fèves de cacao, plante qu'ils ont acclimatée dans la région, comme monnaie d'échange. Influencés par l'art mexicain, ils maîtrisent l'art de la céramique mais sont surtout réputés pour leurs ornements en jade.

 

Premières incursions espagnoles

Christophe Colomb arrive dans la région le dimanche 18 septembre 1502, au cours de son quatrième et dernier voyage d'exploration, après quatre mois et huit jours en mer. Il débarque entre l'île Quiribri (aujourd'hui nommée Uvita) et le village indien de Cariari (actuel emplacement de Puerto Limon). Dans la mesure où les Espagnols ne posent pas pied à terre, c'est d'abord les indigènes qui, à la nage, viennent leur proposer des marchandises à troquer. Quelques marins s'aventurent ensuite à l'intérieur des terres en compagnie de guides. Lorsqu'ils lèvent l'ancre, le 5 octobre, Colomb décide de capturer sept Indiens, et en retient finalement deux (ceux qu'il juge les plus importants), pour qu'ils lui fassent connaître les richesses du pays et, notamment, ses mines d'or. Il poursuit sa route vers le Sud et rencontre des Indiens Guaymi dans la baie de Chiriqui (actuel Panama). Il écrit aux rois d'Espagne que des Indiens couverts de bijoux lui ont parlé de mines d'or, ce qui l'aurait amené à nommer, selon la légende, cette partie de la terre ferme la « côte riche ».

Se fiant à ces descriptions, les explorations suivantes se concentrent sur le Panama. En 1508, Alonso de Ojeda et Diego de Nicuesa sollicitent le roi Ferdinand à Madrid pour obtenir l’autorisation de conquérir la « Tierra Firme », qu'il divise en deux parties : la Nouvelle Andalousie (Est du Venezuela, Ouest de la Guyane et Nord du Brésil), à l'Est du Río Atrato, pour Ojeda, et la Castille d'Or, ou Veraguas (Amérique centrale, jusqu'au Panama, et moitié de l'actuelle Colombie), à l'Ouest, pour Nicuesa. Mais des dissensions éclatent entre les deux hommes et cette première tentative de colonisation se termine sur un échec. Devant l'avancée de Nicuesa, les Indiens brûlaient leurs propres récoltes ; dépourvus de ressources alimentaires, fréquemment attaqués et atteints de maladies tropicales, les Espagnols voient leurs effectifs réduits de moitié, et le gouverneur retourne en Espagne en 1511. Quelques survivants se regroupent autour de Vasco Núñez de Balboa, un jeune voyageur clandestin cherchant à échapper à des créanciers à Saint-Domingue, et atteignent la mer du Sud (c'est-à-dire l'océan Pacifique) le 25 septembre 1513, en traversant l'isthme panaméen.

En 1513, Pedro Arias de Ávila est nommé gouverneur et capitaine général de Castille d'Or. Il y arrive en 1514 et poursuit les exactions des expéditions précédentes, que Charles Quint lui avait pourtant ordonné de faire cesser. Cependant, il fonde le 15 août 1519 la ville de Panama, qui sert dès lors de point de départ des expéditions futures vers le Costa Rica et une partie du Nicaragua. Une seconde expédition vers le Costa Rica a lieu en 1522 sous le commandement de Gil González Dávila. Au cours d'une marche de plus de 700 kilomètres sur le versant pacifique, du Costa Rica au nord du Nicaragua actuel, il baptise selon ses notes de voyage environ 32 000 Indiens, commerce avec eux et parvient à amasser d'énormes quantités d'or. Mais il doit s'enfuir devant la cupidité du gouverneur de Panama, Pedro Arias de Ávila, qui a par ailleurs mis à mort son propre beau-fils, Vasco Núñez de Balboa.

Plusieurs tentatives de colonisation ont lieu. Francisco Hernández de Córdoba fonde la ville de Bruselas (es) en 1524, près de l'actuelle Puntarenas, mais ce premier établissement périclite rapidement et disparaît en 1528, à cause de maladies, de dissensions entre Espagnols et d'attaques d'Indiens (effectuées en réponse à des exactions des envahisseurs). Ces attaques ont aussi raison de la Villa de la Concepción, fondée en 1535, et de Marbella et Badajoz (es), fondées en 1540. Les conquistadors se contentent surtout de piller le littoral, de capturer et de réduire les Indiens en esclavage.

 

Colonisation

Le statut juridique du territoire n'est défini avec certitude qu'en 1560, alors qu'une partie de l'ancien duché de Veragua, créé en 1537 par Charles Quint pour Luis Colón de Toledo (qui réclamait l'héritage de son grand-père), est rattachée, à la suite de l'échec de son expédition, au Guatemala, et devient la Nouvelle-Cartago, puis la province de Costa Rica.

En 1561, sur décision du roi Philippe II, Juan de Cavallón (es) arrive au Costa Rica avec 90 Espagnols recrutés au Guatemala et au Nicaragua, des esclaves noirs, des Indiens nicaraguayens, ainsi que des animaux d'élevage (chevaux, vaches, cochons, chèvres, canards, poulets), et fonde la première colonie permanente du pays, Garcimuñoz (es), dans la région centrale. L'année suivante vient Juan Vázquez de Coronado (es) ; en 1563, il déplace Garcimuñoz vers un lieu plus fertile, enrichi par les dépôts volcaniques issus du mont Irazú, et la renomme Cartago, qui devient la capitale de la colonie en 1564.

Coronado est considéré par certains historiens comme le vrai conquérant du Costa Rica. D'une grande habileté politique, il pacifie le pays en parvenant à obtenir la soumission des Indiens, soutenant leurs guerres intestines quand celles-ci lui permettent de rester à l'écart, en paix. Du reste, les Indiens, sédentaires et agriculteurs, sont lassés de devoir abandonner leurs récoltes pour se cacher dans les campagnes. Le chef indien Quitao compte ainsi parmi ceux qui finissent par se rendre au gouverneur espagnol. Il faut cependant attendre l'arrivée du gouverneur Pero Afán de Ribera y Gómez (es) pour que le Costa Rica soit complètement pacifié, les Indiens de la cordillère de Talamanca s'étant faits plus actifs dans la résistance.

L'arrivée des Espagnols et la colonisation ont conduit à une forte diminution de la population originelle, due principalement aux épidémies, mais aussi à la chasse aux esclaves et aux assassinats. De 400 000 Indiens avant la colonisation, les Espagnols n'en comptent que 21 000 en 1569-1570, lorsqu'ils convoquent la population autochtone en vue de l'établissement de l'encomienda (pourtant officiellement interdite par les « lois nouvelles » de 1541).

On considère la conquête du Costa Rica est terminée vers 1570-1580. Deux communautés se sont durablement installées : une qui compte une cinquantaine de familles à Cartago, l'autre dans la future ville de San José. Les immigrants espagnols arrivent d'Estrémadure, d'Andalousie et de Castille. Ils fondent Espíritu Santo de Esparza et Nicoya sur la côte Pacifique.

 

Ère de subsistance

Peu de nouveaux colons, cependant, s'installent au Costa Rica. Les ressources en or sont parties en Espagne et aucune mine de métaux précieux n'est découverte. La colonie, délaissée par la Couronne, ne possède plus rien à vendre, et la monnaie se fait rare (à tel point qu'à la fin du XVIIe siècle les fèves de cacao autrefois utilisées par les Indiens redeviennent pour un temps la seule monnaie d'échange). L'isolement est également géographique, dans la mesure où il faut trois mois à cheval pour se rendre dans la région en partant du Guatemala.

Les premiers habitants européens — y compris des hidalgos, seul cas en Amérique latine — sont donc poussés à travailler la terre, au sein d'exploitations peu étendues et essentiellement consacrées à une agriculture de subsistance. La vie sociale et notamment religieuse est particulièrement ténue, les prêtres se plaignant de voir les églises vides, et cherchant, sans succès, à obliger les gens à se rendre à la messe, ou à regrouper les habitations autour des églises. C'est que la plupart des familles ne possèdent pas même les vêtements appropriés, souvent faits de peaux de chèvres ou d'écorces d'arbres. Les chroniqueurs de l'époque rapportent qu'un même habit pouvait servir à tous les membres d'une famille, et même aux voisins voire aux amis selon les circonstances ; selon certaines légendes, le même costume de cérémonie religieuse pouvait servir à 30 ou 40 personnes

La relative pauvreté des propriétaires terriens, l'absence de main-d'œuvre indigène abondante, l'homogénéité ethnique et culturelle, et l'isolement du Costa Rica des centres de pouvoir situés au Mexique et dans les Andes sont les principaux facteurs qui ont contribué au développement d'une société agraire autonome et individualiste, empêchant l'établissement de grandes haciendas. Une tradition d'égalitarisme apparaît en parallèle. Cette tradition survécut à l'accentuation des différences entre classes qui apparut vers le XIXe siècle avec l'introduction de la culture du café puis de la banane et qui permirent une accumulation de richesses.

 

L'indépendance

En 1821, le Costa Rica proclame une déclaration d'indépendance commune avec quatre autres provinces d'Amérique centrale, le Guatemala, le Honduras, le Salvador et le Nicaragua, le Belize étant britannique et le Panama appartenant encore à l'actuelle Colombie.

Le Costa Rica fait partie un temps de l'empire mexicain d'Augustín Iturbide. Une guerre civile éclate entre les conservateurs de Cartago et Heredia, partisans d'un rapprochement avec le Mexique et les libéraux de San José et Alajuela partisans de l'indépendance. Ces derniers l'emportent sur les premiers à la bataille d'Ochomogo et le pays rejoint les Provinces unies d'Amérique centrale (entre 1823 et 1839). La capitale est transférée de Cartago à San José en 1824. Juan Mora Fernández devient le premier président de la République et mène une politique libérale et réformiste. Le pays connaît une nouvelle guerre civile, dite guerre des ligues en 1835.

Même si les États, récemment devenus indépendants, forment une Fédération, les disputes sur la délimitation des frontières vont s'ajouter aux conflits internes. Ainsi, la région de Guanacaste, située au nord du pays, est annexée par le Costa Rica aux dépens du Nicaragua. En 1838, alors que la Fédération a de facto cessé depuis longtemps de fonctionner, le Costa Rica s'en retire officiellement en affirmant sa souveraineté sous la présidence de Braulio Carrillo.

Depuis 1830, l'essor de la production du café (le grano del oro) fait émerger la classe des cafetaleros qui chasse en 1849 le président réformateur José María Castro et le remplace par Rafael Mora, plus conservateur. C'est au cours de son mandat qu'a lieu l'épisode William Walker. L'aventurier américain se rend maître du Nicaragua et envahit le Guanacaste en novembre 1856. Battu par les troupes costaricaines, Walker se réfugie à Rivas où le jeune costaricien Juan Santamaría se sacrifie pour faire sauter le fort, reconnu dès lors comme héros national.

En 1873, Tomás Guardia devient le huitième président du pays. Il fait construire la liaison ferrée entre San José et la mer des Caraïbes pour faciliter l'exportation du café. La liaison sera mise en service en 1890 au prix de 4 000 vies humaines (principalement chinoises et jamaïcaines). Grâce à cette voie de communication, United Fruit Company, entreprise bananière s'implante au Costa Rica, et comme dans les autres pays d'Amérique centrale, va jouer un rôle politique déterminant pendant des décennies.

 

Période contemporaine

Le processus de démocratisation commence à la fin du XIXe siècle. le président Bernardo Soto organise en 1889 les premières élections démocratiques. Il est battu et doit se retirer sous la pression de la rue. Toutefois, lorsque Alfredo González Flores propose en 1917 un système d'impôt progressif, il est renversé par les cafetaleros qui institue la dictature de Federico Tinoco. Mais ce dernier est à son tour écarté par une manifestation pacifique de femmes et d'étudiants. Le Costa Rica évite dans une grande mesure la violence qui sévit à l'époque en Amérique centrale. Si la vie politique est relativement pacifiée par l'esprit paternaliste des dirigeants libéraux, la situation économique s'aggrave à la suite de la crise de 1929.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le président Rafael Ángel Calderón réalise des réformes sociales. Il est soutenu à la fois par les communistes et l'Église catholique, mais combattu par les grands propriétaires. Toutefois l'ampleur des dépenses publiques et la crise économique qui perdure lui fait perdre le soutien populaire. Il ne peut se faire réélire ni en 1944, ni en 1948. Les dernières élections sont contestées après qu'un incendie ait détruit le bâtiment qui accueillait les bulletins de vote. Les élections sont annulés le 10 mars 1948.

C'est le moment que choisit José Figueres Ferrer pour créer des Forces armées de libération nationale qu'il lance contre la faible armée gouvernementale. Une période de guerre civile s'ouvre alors, d'une durée de 44 jours, faisant plus de 2 000 morts. C'est l'un des soulèvements les plus meurtriers du Costa Rica. Cependant, la junte victorieuse que dirige Figueres rédige une constitution garantissant des élections libres avec suffrage universel et abolissant l'armée. Figueres lutte contre le communisme et la corruption ; lance un programme de réformes sociales ; nationalise les banques et l'électricité, donne le droit de vote au femmes. Figueres devient de ce fait un héros national et sera de nouveau réélu président en 1953 et 1970 comme chef du Parti de libération nationale (PLN).

Depuis lors, le Costa Rica a organisé quatorze élections présidentielles. Le 6 avril 2014, Luis Guillermo Solís remporte les élections présidentielles sans opposition au second tour.2

 

 

Économie

L'économie du Costa Rica est dépendante du tourisme (deux millions de visiteurs par an), de l'agriculture et de l'industrie high-tech, en particulier pour ses exportations.

La situation géographique du Costa Rica dans l'isthme centre-américain permet un accès aisé au marché nord-américain, puisque se trouvant sur le même fuseau horaire que Dallas et Chicago aux États-Unis. Il possède un accès maritime direct à l'Europe et à l'Asie.

Actuellement, les revenus du pays proviennent essentiellement des exportations de produits agricoles traditionnels, tels que la banane, le café, le sucre, le cacao et l'ananas. Le Costa Rica produit un café de haute qualité qui est essentiellement exporté vers les États-Unis. Cependant, les revenus proviennent également de produits non traditionnels tels que les fleurs, ou encore les mini végétaux. Le secteur des services s'est fortement développé durant ces dernières années, ce qui a permis de créer 10 000 emplois.

Le tourisme est le secteur doté de la meilleure croissance, et depuis le début des années 2000, il rapporte plus de devises que n'importe lequel des principaux produits agricoles d'exportations. Grâce aux hauts niveaux d'éducation de ses habitants et à des politiques adéquates pour attirer les entreprises. Le pays a commencé au milieu des années 90 à produire des matériaux et des produits technologiques et de micro technologie. Ainsi, depuis 1997, et avec l'entrée de l'entreprise Intel, le pays a fortement accru ses revenus. Le Costa Rica est le pays préféré de beaucoup de multinationales pour installer leurs entreprises de services, parmi lesquels Procter & Gambel, Coca-Cola, Intel, Hewlett-Packard, Sykes, Sony, DHL, Amazon, GlaxoSmithKline, Pfizer, Western Union, Baxter, IBM, Oracle, Walmart et Dole Food Company.

En 2006, l'usine de fabrication de microprocesseur Intel fut responsable de 20 % du total des exportations et représente 4.9 % du PIB du pays. L'économie a cru de 8.8 % en 2006, 6.8 % en 2007, et 3 % en 2008. Au premier semestre de 2009, le PIB par glissement annuel est de 3.5 %. Le taux d'inflation costaricien est le sixième plus élevé de la région.

La pauvreté est estimée à 21% (16% de pauvreté relative et 5% de pauvreté extrême).

L'économie émerge de la récession en 1997 et montre depuis une croissance supérieure à 4,3 % dans les années 2000. Elle reste néanmoins fragile, avec une dette publique de 50 % du PIB, et surtout ne profite pas à tous avec un chômage en progression et surtout 21 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.3

 

 

Le Costa Rica et le mythe du pays « le plus heureux du monde »

Le Costa Rica est arrivé en tête du classement des 149 pays les plus heureux du monde, publié par la New Economics Foundation (NEF) (Happy Planet Index, 2009). Nic Marks, l’éditeur anglais de cette étude, s’est donc rendu dans ce pays d’Amérique du Sud, et là-bas, il s’est déclaré « très ému de comprendre les raisons de ce record ». Il a ajouté : « comment faire pour que d’autres pays suivent l’exemple du Costa Rica ? »

Le voyageur britannique a eu droit à une visite guidée par les autorités, aux anges, du « pays le plus heureux du monde ». Cependant, on s’est bien gardé de lui présenter la jeune Lineth Campos. L’histoire remonte à deux ans : lors d’une cérémonie officielle à Nicoya (dans la province de Guanacaste, au nord-ouest du pays), cette jeune fille s’était attiré les foudres du président Óscar Arias et de ses ministres, en récitant les vers d’un poème d’Alvaro Villegas :

« Guanacaste, Guanacaste… paradis naturel qui éveille la convoitise des impérialistes… / Dans le passé, il y a eu les latifundia, puis, l’exploitation des créoles dans les mines et les haciendas, et à présent, l’exploitation touristique ».

L’enquête de la NEF semble répondre aux attentes des agences de « tourisme d’aventure » et aux intérêts des promoteurs immobiliers qui ciblent les retraités d’Europe et des États-Unis. C’est sans doute pourquoi la NEF bénéficie du soutien d’institutions telles que l’« Université de la Paix ». Cet établissement, dont le président d’honneur est le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, compte notamment parmi ses membres l’ancien président « démocrate » d’Uruguay, Julio María Sanguinetti, et le technocrate chilien Francisco Rojas Aravena…

Les enquêtes menées dans le cadre du programme « Étude de la nation » présidé par Jorge Vargas Curell, font entendre un tout autre son de cloche. Les chiffres obtenus sont en effet moins optimistes : plus d’un million de pauvres ont été recensés au Costa Rica, soit 25 % de la population, dont 7 % se trouvent dans des conditions d’extrême pauvreté (avec des revenus de 80 dollars par mois dans les villes et 63 dollars par mois dans les campagnes) ; et 40 % des enfants et des adolescents vivent dans la pauvreté.

En résumé, le Costa Rica est un pays où, selon le politologue Andrés Mora Ramírez, « la résignation prend le masque du bonheur ». Depuis 2010, avec la mise en place des politiques néolibérales, le chômage n’a cessé d’augmenter et le fossé entre les plus riches et les plus pauvres de se creuser. Les inégalités ont atteint leur plus haut niveau « depuis un quart de siècle ».

Mora Ramírez fait ici allusion à l’échec de l’impopulaire Parti de libération nationale (PLN — au pouvoir). Ce parti, né des idéaux socio-démocrates de José Figueres en 1948, s’est converti selon lui au fil des années « …en un mouvement de droite et un vrai cheval de Troie du grand capital international et de ses groupes dominants ».

Considérer comme un privilège d’être un « pays sans armée », celle-ci ayant été abolie par la Constitution de 1949, relève également du mythe costaricien. Selon certaines fondations allemandes réactionnaires, comme la Konrad Adenauer (démocrate-chrétienne), cette singularité institutionnelle aurait fait du Costa Rica l’un des pays les « plus démocratiques et les plus sûrs d’Amérique Latine ». Cette affirmation est vraie jusqu’à un certain point, si l’on compare le Costa Rica avec ses pays voisins, où la situation sociale est dramatique.

Cependant, les blessures du peuple restent ouvertes. En effet, beaucoup de Costariciens sentent bien que ces soi-disant « démocratie », « sécurité », et ce prétendu « bonheur » du pays sont en contradiction avec le sens profond des vers déclamés par Lineth ; ces vers qui ont été écrits pour célébrer l’esprit patriote et anti-impérialiste qui mit en déroute le flibustier yankee William Walker lors de la bataille de Santa Rosa, dans la province de Guanacaste, le 20 mars 1856.

En fait, plutôt qu’un « pays heureux », le Costa Rica est aujourd’hui un protectorat virtuel des États-Unis, et la pierre angulaire des plans de domination du Pentagone en Amérique Centrale et dans les Caraïbes. Par exemple, en juillet 2010, l’Assemblée législative a approuvé à l’unanimité l’entrée sur le territoire national de 7 000 Marines et de 46 navires de guerre, équipés d’hélicoptères et d’avions de combat ; ce qui est une violation flagrante de la Constitution.

L’autorisation d’entrée avait été demandée par l’ambassade des États-Unis à San José, au moyen d’une lettre sans traduction officielle. Le gouvernement de Laura Chinchilla l’avait immédiatement transmise à l’Assemblée législative. L’accord stipulait que le pays « le plus heureux du monde » renonçait à formuler la moindre réclamation « …pour tout dommage, destruction de la propriété d’autrui, blessures ou décès du personnel des deux pays qui pourraient résulter de ces activités ». En bref, les troupes yankees ne relevaient pas de la juridiction du Costa Rica.

En attendant, les vers clamés par Lineth redonnent courage :

« Réveille-toi, frère du Guanacaste, et réveille ton esprit insoumis / ôte ta muselière, retire ta bride, et sois digne de l’audace et de la fierté du peuple chorotega, prends en main les rênes du poulain sauvage et dompte le taureau féroce de l’impérialisme… »4

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Costa_Rica
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Costa_Rica
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Costa_Rica
(4) José Steinsleger http://www.mondialisation.ca/le-costa-rica-et-le-mythe-du-pays-le-plus-heureux-du-monde/5367265 Article original en espagnol : Costa Rica y el mito del país ” más feliz del mundo “, publié le 15 janvier 2014.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par Jessica Pagazani, le 29 janvier 2014