La Réunion

 

Découverte et les premiers habitants

La Réunion est une des seules îles de la région dont les premiers habitants aient été des Européens. En effet, l’île était totalement inhabitée avant d’être découverte par des navires européens en route vers les Indes. Si l’on date sa découverte de 1500, des explorateurs arabes semblent l’avoir déjà repérée avant.

Un navigateur portugais, Diogo Dias, y aurait débarqué en juillet 1500. Un autre navigateur portugais, Pedro de Mascarenhas y débarque le 9 février 1512 ou 1513, jour de la Sainte-Apolline, alors qu’il est sur la route de Goa. L’île apparaît ensuite sur des cartes portugaises sous le nom de Santa Apolonia. Vers 1520, La Réunion, l'île Maurice et Rodrigues sont appelées archipel des Mascareignes, du nom de Mascarenhas. Aujourd’hui, ces trois îles sont couramment appelées les Mascareignes.

Au début du XVIIe siècle, l’île est une escale sur la route des Indes pour les bateaux anglais et néerlandais. Le 23 mars 1613, l'amiral néerlandais Pierre-Guillaume Veruff, de retour de Java, fait escale à La Réunion. Un navigateur anglophone baptise par ailleurs l’île encore inhabitée England's forest.

Les Français y ont ensuite débarqué pour en prendre possession au nom du roi en 1642 et l’ont baptisée île Bourbon, du nom de la famille royale. En 1646, douze mutins chassés de Madagascar sont abandonnés à La Réunion.

C'est en 1665 qu'arrivent les vingt premiers colons de l'île de Bourbon. Cinq navires composaient l’escadre commandée par M. Véron : L’Aigle blanc, La Vierge, le Bon port, Le Saint-Paul et Le Taureau. Le navire amiral battait pavillon de la Compagnie des Indes Orientales. La Loire charriait encore des glaçons quand la flotte quitta le quai de la Fosse à Nantes dans les premiers jours de février 1665. Prenant la direction des ports et des établissements de la côte de Malabar et du golfe de Bengale, elle arriva à l’île de Bourbon le 9 juillet 1665. La traversée fut marquée par une tragédie, qui fit douze victimes, lors de l’escale au Cap-Vert le jeudi Saint 4 mars 1665. Le 11 avril suivant, ayant rendu à ses morts un dernier hommage, la flotte remit à la voile. « Elle continua son voyage sans accident », note le chroniqueur Rennefort.

Parmi les vingt colons venus de France, on note la présence d'Hervé Dannemont (devenu Dennemont), né le 17 décembre 1635 à Brix (Manche), fils de Jacques Dannemont, maître verrier et de Marie Lecarpentier. Il a épousé vers 1668 à Saint-Paul, Léonarde Pillé, originaire de Granville. Hervé Dennemont serait décédé le 16 novembre 1678. Les Dannemont de Normandie sont représentés, aujourd'hui, par une trentaine de familles sur l'île de la Réunion. On les trouve également à l'île Maurice mais aussi à Madagascar... En Normandie, la famille s'est éteinte au XVIIIe siècle, le nom ayant muté en Dalmont. (Sa descendance est bien connue grâce à Camille Ricquebourg, auteur du dictionnaire généalogique des familles de Bourbon).

Françoise Chatelain de Cressy est arrivée pendant cette période et est à l’origine de plusieurs familles connues de Bourbon.

À partir de 1715, l’île connaît un important essor économique avec le développement de la culture et de l’exportation du café. Cette culture a été à l’origine du développement considérable de l’esclavage dans la colonie. Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais, gouverneur de l’île de 1735 à 1745, a apporté une dimension stratégique au développement de l’île, devenue pourvoyeuse en vivres de l’île de France (aujourd’hui île Maurice) et de la flotte française engagée dans la guerre franco-anglaise des Indes. Citons également le rôle de l’intendant Pierre Poivre, qui a considérablement enrichi la flore locale et diversifié les ressources agricoles par l'introduction de très nombreuses espèces tropicales, et notamment le girofle et la noix de muscade dont le commerce fut florissant au XVIIIe et début du XIXe siècle.

 

Bouleversements révolutionnaires

Le 19 mars 1793, pendant la Révolution, son nom devient « île de La Réunion » en hommage à la réunion des fédérés de Marseille et des gardes nationaux parisiens, lors de la marche sur le palais des Tuileries, la journée du 10 août 1792, et pour effacer le nom de la dynastie des Bourbons. Le 26 septembre 1806, l’île prend le nom de Bonaparte et se retrouve en première ligne dans le conflit franco-anglais pour le contrôle de l’océan Indien.

L'abolition de l'esclavage votée par la Convention nationale le 4 février 1794 se heurte au refus de son application par La Réunion, comme par l'Île de France. Une délégation accompagnée de forces militaires, chargée d'imposer la libération des esclaves, arrive à l'Île de France le 18 juin 1796 pour se voir aussitôt expulsée sans ménagements. Il s'ensuit une période de troubles et de contestations du pouvoir de la métropole qui n'a plus aucune autorité sur les deux îles. Tout rentre dans l'ordre avec le rétablissement de l'esclavage colonial par Napoléon Ier en 1802.

Pendant les guerres napoléoniennes en 1810 l’île passe sous domination britannique, puis est rétrocédée aux Français lors du traité de Paris en 1814.

Après les catastrophes climatiques de 1806-1807 (cyclones, inondations), la culture du café décline rapidement pour se voir substituer la culture de la canne à sucre, dont la demande métropolitaine augmente, du fait de la perte, par la France, de Saint-Domingue, et bientôt de l’île de France (île Maurice). Du fait de son cycle de croissance, la canne à sucre est en effet insensible à l’effet des cyclones. Survenue en 1841, la découverte d’Edmond Albius sur la pollinisation manuelle des fleurs de la vanille permet bientôt à l’île de devenir le premier producteur mondial de vanille. Essor également de la culture du géranium dont l’essence est très utilisée en parfumerie.

De 1838 à 1841, le contre-amiral Anne Chrétien Louis de Hell est gouverneur de l’île. Un changement profond de la société et des mentalités liés aux événements des dix dernières années conduisent le gouverneur à saisir le Conseil colonial de trois projets d’émancipation.

Le 20 décembre 1848, l’abolition de l'esclavage est finalement proclamée par Sarda Garriga (le 20 décembre est un jour férié à La Réunion). Louis Henri Hubert Delisle devient son premier gouverneur créole le 8 août 1852 et reste à ce poste jusqu’au 8 janvier 1858. L’Europe a de plus en plus recours à la betterave pour remplir ses besoins en sucre. Malgré sa politique d’aménagement et le recours à l’engagisme, la crise économique couve et devient patente à compter des années 1870.

Par la suite, le percement du canal de Suez conduit le trafic marchand à s’éloigner de l’île. Cette dépression économique n’empêche toutefois pas la modernisation de l’île, avec le développement du réseau routier, la création du chemin de fer, la réalisation du port artificiel de la Pointe des Galets. Ces grands chantiers offrent une alternative bienvenue aux travailleurs agricoles.

 

Guerres et modernisation

La seconde moitié du XIXe siècle voit la population réunionnaise évoluer, par l’arrivée massive d’engagés indiens dont une partie s’installe définitivement dans l’île, et par la libération de l’immigration en 1862. De nombreux Chinois et musulmans indiens s’installent alors, et forment deux importantes communautés qui participent à la diversification ethnique et culturelle. À partir de la fin du XIXe siècle, les sources d’engagements se tarissent peu à peu. Nombre de propriétaires terriens louent alors leurs terres (pratique du colonage), d’où l’émergence d’une population de travailleurs agricoles indépendants.

La participation de La Réunion à la Première Guerre mondiale se traduit par l’envoi de nombreux Réunionnais aux combats dans la métropole et sur le front grec. L’aviateur Roland Garros se couvre de gloire et meurt en plein ciel en 1918. L’amiral Lucien Lacaze est nommé ministre de la Marine puis ministre de la Guerre de 1915 à 1917. La guerre a des conséquences économiques favorables pour La Réunion : la production de sucre augmente fortement et les cours grimpent, la métropole étant privée de ses terres betteravières, théâtre des combats.

Pendant l’entre-deux-guerres, la modernisation se poursuit : l’électricité apparaît dans les foyers aisés, et assure l’éclairage public de Saint-Denis. Le télégraphe (1923) et la radio (1926) mettent les Réunionnais en contact avec le monde. En 1939, 1 500 foyers privilégiés sont abonnés au téléphone. On voit apparaître automobiles et avions. L’industrie sucrière se concentre et les sociétés anonymes se substituent aux exploitants individuels de sucreries. Ces progrès profitent essentiellement aux foyers de propriétaires terriens, d’industriels, de cadres, de gros commerçants, et la masse de la population demeure pauvre. Autre évolution importante de l’entre-deux-guerres : la mortalité baisse et la natalité, très forte, augmente, d’où une croissance exponentielle de la population, croissance qui se poursuit de nos jours.

La Seconde Guerre mondiale est une épreuve très dure : bien que La Réunion soit épargnée par les combats, elle souffre terriblement de l’arrêt quasi total de ses approvisionnements. Le 28 novembre 1942, un débarquement des Forces françaises libres a lieu sur l'île : l'administration locale fidèle au gouvernement de Vichy est renversée, le territoire passant sous contrôle de la France libre.1

 

La départementalisation

En mars 1946, La Réunion devient département français, tout comme la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. Auparavant, son statut était celui d'une colonie, ce qui impliquait que les lois votées en métropole n'étaient pas systématiquement appliquées dans l'île. Pour cela, il fallait à chaque fois une décision du gouvernement français.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la situation de l'île était catastrophique pour l'immense majorité de la population, en particulier pour les plus pauvres. Ils souffraient de maladies, du paludisme en particulier. Les salaires étaient très bas, le coût de la vie élevé, les infrastructures scolaires et sanitaires quasi inexistantes.

Cette situation avait empiré pendant la guerre. Cependant, tous ne la vécurent pas de la même façon : tandis que les riches continuaient à bien vivre, de nombreuses familles réunionnaises n'avaient qu'un seul repas par jour, très souvent constitué uniquement de manioc.

 

La départementalisation, une revendication de la gauche

Dans ce contexte, des militants communistes, syndicalistes, démocrates ou humanitaires se regroupèrent au sein du CRADS (Comité républicain d'action démocratique et sociale) dont l'objectif était d'obtenir l'assimilation de l'île à la France. Cette revendication n'était d'ailleurs pas nouvelle. Elle fut évoquée sous la IIe et la IIIe Républiques et plus encore durant les années 1930, à l'époque du Front Populaire. Une des revendications des organisations ouvrières était alors : "La Réunion, département français". Ce furent surtout des hommes de gauche qui la réclamèrent. Les possédants, eux, s'inquiétaient plutôt de voir appliquer dans l'île les lois de la métropole, surtout celles concernant la législation sociale et l'impôt sur le revenu, inexistant dans les colonies.

Pour le CRADS, dont les principaux dirigeants étaient de Lépervanche et Raymond Vergès, cette revendication devait permettre l'application des mesures sociales votées en métropole, et donc une amélioration des conditions de vie des masses populaires. Parmi les slogans de la campagne du CRADS lors des élections municipales et législatives de 1945, on trouvait : "La Réunion, département français ; les personnes âgées pourront ainsi bénéficier d'une allocation vieillesse, d'une meilleure protection sociale, (existera aussi) la scolarisation gratuite pour tous les enfants."

Aux élections d'octobre 1945, Raymond Vergès et de Lépervanche furent élus à l'Assemblée. Après quoi, ils demandèrent avec des députés antillais et guyanais le changement de statut de l'île, ainsi que celui de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane.

Revendiquer l'application à la Réunion de toutes les lois sociales en vigueur en France était tout à fait normal. Mais cela aurait pu se faire sans cautionner les autorités de la métropole et sans pousser la population à placer sa confiance dans un État bourgeois et colonial dont les forces réprimaient les travailleurs à chacun de leurs mouvements. Mais Raymond Vergès, de Lépervanche et les députés des Antilles ou de Guyane se répandirent plutôt en louanges à l'égard des représentants de l'impérialisme français.

 

L'allégeance à l'impérialisme français

À cet égard, le discours de Vergès, et plus encore celui que prononça le Martiniquais Aimé Césaire et qu'appuya Vergès, lors de la discussion de la loi de départementalisation, furent des plus significatifs. Ainsi, Vergès expliquait : "Depuis toujours, nous avons demandé notre intégration à la France. Hier, quand elle resplendissait de tout son éclat, nous voulions nous fondre en elle. Aujourd'hui que sa puissance a été amoindrie, que la trahison de ses élites officielles, que les plus cruelles épreuves, que le massacre organisé par des brutes savantes l'ont si atrocement blessée, notre volonté n'est que davantage affermie."

De son côté, Césaire était encore plus net quand il s'exclamait: "À l'heure où, ça et là, des doutes sont émis sur la solidité de ce qu'il est convenu d'appeler l'Empire, à l'heure où l'étranger se fait l'écho des rumeurs de dissidence, cette demande d'intégration constitue un hommage rendu à la France et à son génie. (...) Si les Antilles et la Réunion ont besoin de l'assimilation pour sortir du chaos politique et administratif dans lequel elles se trouvent plongées, elles en ont surtout besoin pour sortir du chaos social qui les guette. Tous les observateurs sont d'accord pour affirmer que les problèmes se posent à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Réunion avec une telle acuité que la paix sociale est gravement menacée." Et pour conclure, Césaire affirmait : "Quatre colonies arrivées à leur majorité demandent un rattachement plus strict à la France. Vous apprécierez cette pensée à sa juste valeur, j'en suis sûr, à l'heure où l'on entend des craquements sinistres dans les constructions de l'impérialisme."

On ne pouvait faire plus nettement allégeance à l'impérialisme français, ni plus nettement se poser comme le garant de son ordre social. Mais les gouvernements français, eux, ne furent pas particulièrement reconnaissants. S'il y eut un changement de statut, il n'y eut pas de changement immédiat dans les conditions de vie de la classe ouvrière et des plus pauvres. Contrairement à ce que disait de Lépervanche, qui avait assuré qu'à la fin de l'année 1946 tous "jouiront des droits économiques et sociaux accordés aux Français du continent", il fallut en fait attendre des années, voire des dizaines d'années ; il fallut aussi bien des luttes pour que soient appliquées à la Réunion les lois de la métropole. Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, le smic local n'a été aligné sur celui de France... qu'en 1996 ! 2

 

Départementalisation et occidentalisation

À la départementalisation, la Réunion est en ruines. Au début des années cinquante, le paludisme, fléau sanitaire majeur depuis un siècle, est éradiqué. Le nombre de lits d’hôpital triple en dix ans. Il s’ensuit une amélioration importante de la santé publique, une chute considérable de la mortalité… et une augmentation galopante de la population, la natalité culminant à un niveau record proche de 50 pour mille. Dès la fin de la guerre, des liaisons aériennes régulières mettent La Réunion à trois journées seulement de la métropole. Autre conséquence de la départementalisation : une augmentation considérable du nombre de fonctionnaires, bien rémunérés, qui génèrent un flux commercial nouveau provoquant l’émergence d’une classe moyenne vivant du commerce, d’activités libérales et de fonctions d’encadrement. L’élection de Michel Debré à la députation, en 1962, apporte un atout considérable au développement, du fait de la dimension du personnage et de son poids politique en métropole.

Dans les années 1970 et 80, la Réunion accède vraiment à la modernité. Une université apparaît et se développe, ainsi que l’enseignement technique. La télévision supplante la radio. Les commerçants abandonnent leurs « boutiques chinois » et « bazar zarabs » pour créer supérettes et supermarchés. Le tourisme commence à se développer. Le réseau routier se densifie et se modernise, mais le parc automobile évolue plus rapidement encore. L’habitat s’améliore, et la construction de logements, dopée par des avantages fiscaux spécifiques aux DOM, est très active. L’économie change. Dans l’agriculture, les cultures maraîchères et fruitières, l’élevage se développent pour satisfaire les besoins d’une population qui augmente et consomme. La canne à sucre, toutefois, maintient son rang de première production agricole. Le BTP se porte bien. Mais c’est désormais le secteur tertiaire qui tire l’économie : commerce, services, et, de plus en plus, tourisme. Aujourd’hui, le tourisme est la première activité de l’île, avec la construction.3

« La jeunesse de la population constitue une donne importante de la vie politique locale. Elle contribue à expliquer, avec les tensions sociales, les poussées de fièvre que connaît fréquemment l'île (manifestations violentes dans le quartier du Chaudron à Saint-Denis en 1992 et 1997).

Comme dans tout l'outre-mer, le débat politique porte sur le statut de l'île et l'autonomie, insuffisamment reconnue, aux yeux de la gauche, par les lois de décentralisation de 1982. Par ailleurs, La Réunion est davantage engagée dans la coopération régionale que ses homologues. Elle fait en effet partie de la Commission de l'océan Indien (C.O.I.), créée en 1984. »4

En mai 2004, la Commission de l'Union africaine émet un Plan stratégique dans lequel le continent africain désigne l'occupation étrangère de La Réunion, considérée comme africaine.

 

 

Une population colorée et métissée

La population de La Réunion est composée de populations issues de Madagascar, de l’est de l’Afrique continentale (les Cafres), de l'ouest et du sud-est de l’Inde, le Gujarat (les Zarabes) et le Tamil Nadu (les Malbars) ainsi que du sud de la Chine notamment de Guangzhou (Canton) et bien sûr d’Europe, toutes arrivées dans l’île au cours des différentes phases de la colonisation et du développement de l’île. Aujourd'hui, la population de l'île est particulièrement métissée.

Les premiers colons, au XVIIe siècle, sont des Européens, essentiellement des Français, accompagnés parfois d’épouses malgaches et de serviteurs du même pays (on ne peut pas encore les désigner comme esclaves). À partir de l’essor de la culture du café (1718), le recours à l’esclavage s’intensifie et draine vers l’île Bourbon des flux considérables d’asservis venus essentiellement de Madagascar et d’Afrique orientale, mais également d’Inde, de Malaisie… Les esclaves constituent les trois quarts de la population à la fin du XVIIIe siècle (37 000 esclaves en 1789. Au début du XIXe siècle, l’esclavage est contesté, tant du point de vue moral que du point de vue de l’efficacité économique, et il apparaît un faible courant d’immigration d’engagés (travailleurs « libres » qui s’engagent à travailler un certain nombre d’années chez un maître).

Après l’abolition de l'esclavage, en décembre 1848, les exploitants se tournent vers l’engagement, qui apporte un flux important de travailleurs venus d’Inde (essentiellement de la côte de Coromandel, précisément du Tamil Nadu, au sud-est du sous-continent, et non de la côte de Malabar, au sud-ouest d’où l’on a tiré par erreur l’appellation locale « malbars » désignant ce groupe ethnique), de Madagascar, d’Asie du Sud-Est, de Chine… En outre, la fin du XIXe siècle voit arriver de la province de Guangdong des paysans cantonais qui, fuyant la pauvreté et plus tard les bombardements japonais, œuvrent d’abord dans l’agriculture avant de s’installer dans le commerce de détail. Toutes ces communautés ont tendance à se fondre dans un creuset, dont résulte un métissage qui fait émerger un type « créole », et également une culture créole…

La période esclavagiste a constitué une époque de racisme exacerbé, et d’antagonisme fort entre les communautés. Les préjugés raciaux sont restés vivaces jusqu’après la Deuxième Guerre mondiale. La population réunionnaise s’est alors rapidement transformée, avec la généralisation de l’éducation, la démocratisation résultant de la départementalisation, le progrès économique qui a profité aux membres des diverses communautés en faisant émerger de nouveaux secteurs d’activité profitables aux diverses communautés, ce qui a complètement changé l’échelle sociale. Un métissage accru fait que l’on distingue de moins en moins les ethnies. Les préjugés raciaux auraient ainsi pratiquement disparu. Si La Réunion constitue un modèle pour l’harmonie ethnique, les disparités demeurent fortes au plan des revenus, de la formation, des patrimoines. Si les travailleurs indépendants et les salariés disposent de revenus corrects, voire confortables, la masse des chômeurs (30 %, et 50 % chez les jeunes), des RMIstes (plus de 67 000, 8,5 % de la population) constitue le problème majeur auquel est confrontée l’île. L’émigration, bien qu’active, ne peut à elle seule résoudre le problème. La croissance économique forte n’a qu’un effet limité en termes de baisse du chômage.5

 

 

Inégalités et pauvreté : où va La Réunion ?

En 2013, à La Réunion, 343 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit 42 % de la population (quatre fois plus qu'en métropole) indique une note de l'Insee Réunion-Mayotte. L'institut souligne que seuls les départements de la Seine-Saint-Denis et du Nord comptent un nombre de pauvres supérieur à La Réunion, alors qu'ils sont deux à trois fois plus peuplés. Pas moins de 17,1 % des Réunionnais âgés de 15 à 64 ans touchent le RSA et 30 % des plus de 60 ans le minimum vieillesse, contre 3,5 % dans les deux cas pour la France métropolitaine. Le manque d'emploi est le premier facteur de pauvreté. Dans l'île, le taux de chômage atteignait 28,5 % en 2012. Il s'élevait à 56 % pour les 15-24 ans. Un grand nombre de chômeurs, en fin de droits, ne sont pas indemnisés.

Entre 2007 et 2010, la situation s'est améliorée, indique une autre étude l'Insee Réunion-Mayotte : il faut dire que le taux de pauvreté était de 46,5 % en 2007. Au cours de la période le niveau de vie médian a augmenté de 11 % après inflation, contre 2,7 % en métropole. Un chiffre étonnant quand on sait qu'au cours de cette période le taux de chômage est passé de 24,6 à 28,9 %.

L'Insee relève que les revenus d'activité sont en baisse pour les plus pauvres, mais qu'ils sont compensés par la hausse des prestations chômage et de retraite. La mise en place du revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA) en 2009 - qui peut représenter une augmentation de 10 % pour les bas salaires - a joué. Le développement d'emplois dans les services marchands profite aux couches moyennes.

Cet optimisme mérite d'être nuancé. Les inégalités demeurent énormes dans l'île, sans commune mesure à ce que l'on peut connaître en métropole. Les données de l'Insee s'arrêtent en 2010, depuis la crise s'est accentuée. "À partir de 2011, le nombre d'allocataires des minimas sociaux progresse fortement, avec l'arrivée de nombreux chômeurs en fin de droits", écrit l'Insee Réunion. En mai 2013, le RSTA a été supprimé, ce qui a réduit les niveaux de vie des salariés les moins bien payés et va augmenter les inégalités. Un développement plus harmonieux de l'île est possible, encore faut-il qu'une répartition plus juste des richesses soit engagée.6

 

 

Une jeunesse en désarroi

Mars 2009, février 2012, février 2013, l'été austral est souvent très chaud à la Réunion. Barrages routiers, feux de poubelles, pillages de magasins, affrontements avec les forces de l'ordre : chaque année ou presque, les manifestations pour réclamer du travail dégénèrent en émeutes urbaines. Il faut dire que l'île bat tous les records de chômage, avec un tiers de la population active sans emploi dont, véritable baril de poudre, 56% des jeunes de moins de 25 ans ! 7

 

 

Des révoltes logiques ?

Par Geoffroy Géraud Legros.

Dans l’ensemble de la République, c’est à La Réunion que les écarts entre les revenus sont les plus prononcés. 9 des 10 communes les plus inégalitaires de la République se trouvent à La Réunion. Une inégalité structurelle qui s’aggrave au fur et à mesure que s’accroissent chômage et pauvreté. Dans un tel contexte, les événements urbains dont l'île a été le théâtre notamment en février 2012 apparaissent comme autant de révoltes logiques.

 

Désœuvrement, démission des parents, malaise social, perte des valeurs et des repères, désespoir, jeunesse paresse, assistanat… Les considérations dites de bon sens ne manquent pas aux commentateurs qui recherchent une « explication » aux comportements des protagonistes de l’explosion sociale qui a frappé notre île en février 2012.
Répétées en boucle, mille fois inscrites sur les forums, reprises par nombre de journalistes, ces formules, ne signifient en réalité pas grand chose : en effet, quelles seraient ces « valeurs » que nous aurions « perdues » ? Pourquoi la « jeunesse » créole d’aujourd’hui serait-elle plus « paresse » que ne l’étaient les générations précédentes ? Que veut dire « assistanat » ?

 

Misérabilisme et paternalisme

Autant de vrais-faux problèmes qui enferment le débat public entre les prises de positions autoritaires (il faut remettre de l’ordre, rétablir le service militaire, les mettre en prison, etc.), un certain misérabilisme (c’est la faute de la société, nous sommes tous responsables), teinté de paternalisme (il faut leur réapprendre les valeurs)... et dissimulent l’essentiel : le caractère profondément inégalitaire de la société réunionnaise. Une inégalité enracinée, « structurelle », mesurée par des instruments socio-économiques, dont le coefficient dit “de Gini”.

 

La Réunion, terre d’inégalité sociale

En février 2012, une expertise commentée par la presse en ligne a établi que 9 des 10 communes les plus inégalitaires de la République se trouvent à La Réunion. Avec un quotient de 0,43 – un niveau d’inégalité comparable à celui de l’Ouganda – Le Tampon, en première position, est la commune du territoire français où l’écart entre les plus riches et les plus pauvres est le plus fort. Suivent Saint-Leu (où, selon une enquête, se trouvent les patrimoines les plus élevés de l’île), Saint-Denis, Saint-Paul, L’Étang-Salé, Trois-Bassins, Petite-Île, Les Avirons, et Sainte-Suzanne, 10e commune la plus inégalitaire avec un niveau comparable à celui du Sénégal ou de Singapour.

 

Une inégalité croissante

Si les mécanismes de redistribution apportent des correctifs non négligeables à ces indicateurs sans équivoque, l’enquête montre que La Réunion contemporaine se situe à un niveau d’inégalité comparable à celui de la France de 1900… avant, donc, les grandes réformes sociales qui ont marqué le XXe siècle.

C’est dans ce gouffre qui sépare la frange de Réunionnais qui « ont beaucoup » de la multitude qui n’a presque rien, que se trouve sans doute l’explication la plus évidente des mouvements sociaux qui ont secoué notre pays. Un effet mécanique d’une inégalité qui va croissant, et devrait, selon l’étude précitée, mener La Réunion, avant la fin du siècle, à un écart entre riches et pauvres comparable à celui de la France de 1780.

 

Abîme post-colonial

Les mesures prises dans l’urgence, et fort limitées, que les collectivités ont choisi de financer, telles que l’établissement de la fameuse liste des 60 produits aux prix plus ou moins minorés, apparaissent dès lors bien futiles.

Elles pourraient même, de l’avis de plusieurs économistes réunionnais, avoir pour effet pervers et immédiat l’augmentation des produits de consommation courante, si les opérateurs (dont les grandes surfaces) en anticipent l’effet en augmentant les prix avant leur entrée en vigueur. Enfin, le choix de faire assumer une bonne part de ces baisses par les ressources des collectivités locales, dont les moyens sont déjà notoirement insuffisants, réduira nécessairement le champ de l’action sociale.

 

Vaines postures ritualisées

Les médias populaires de l’île relaient l’incompréhension croissante d’une part de l’opinion, face à la position commune énoncée par le représentant de l’État et la Présidente du Conseil général, qui ne souhaitent ni mettre les opérateurs économiques à contribution, ni faire jouer la solidarité nationale.

Dans le même temps, de plus en plus de critiques s’élèvent contre les tenants du « dialogue social », que ceux-ci soient adeptes du consensus ou se présentent sous le jour de la radicalité. Et il est vrai que ces postures ritualisées paraissent bien vaines, lorsqu’elles prétendent réduire un abîme creusé en trois siècles d’histoire coloniale et postcoloniale par le simple fait de s’asseoir auprès d’un Préfet ou d’interpeller un ministre... 8

 

 

Les enfants victimes de la crise

D’après une étude de l’Observatoire Régional de la Santé de La Réunion portant sur les années 2011 à 2014, 39 % des enfants réunionnais vivent dans des familles dont aucun parent n’a d’emploi. C’est quatre fois plus qu’en métropole. La moitié des jeunes de moins de 20 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté. 35 % des élèves en CM2 sont en surcharge pondérale (contre 23 % en métropole). Les taux de suicide, de grossesses précoces et de contraceptions d’urgence, mais aussi de violences intrafamiliales sont nettement supérieurs à La Réunion.

Les conséquences du fonctionnement de la société capitaliste affectent encore plus durement les populations des régions les moins développées économiquement. Les conséquences du chômage et des bas salaires ne sont pas uniquement ressenties par les parents privés d’emplois ou ne disposant que de bas revenus, elles affectent aussi la vie des enfants et contribuent à la désocialisation de ces derniers. Depuis leur naissance jusqu’à leur mort, les enfants de travailleurs et de chômeurs voient leur vie dépendre des choix de la bourgeoisie en matière d’emplois, de logement, d’éducation, de développement du pays, d’organisation de la société en général.

Et pour les plus pauvres, qui constituent la moitié de la société réunionnaise, c’est une catastrophe dont ils ne pourront se sortir que par la lutte.9

 

 

Le bluff de « l’égalité réelle »

Le 11 février 2016, à l’occasion du dernier remaniement ministériel, la députée PS de La Réunion Ericka Bareigts a été promue secrétaire d’État à l’ Égalité réelle. Dans une société construite sur les inégalités, dans un monde qui entretient les divisions, et avec un gouvernement dont toute la politique consiste à les maintenir, l’objectif de l’égalité réelle est démagogique et mensonger, et en même temps l’aveu que l’égalité tout court, proclamée à toute occasion, n’existe pas !

À La Réunion, l’égalité réelle est depuis un certain temps déjà agitée par de nombreux politiciens, y compris par des représentants du gouvernement qui prétendent vouloir agir pour combler le fossé qui, dans la sphère économique et sociale, sépare les DOM de la métropole. Cette prétention prête à sourire quand on sait le vide de la politique de Hollande, et de tous ses prédécesseurs, en ce domaine.

Un des objectifs affichés de l’égalité réelle serait de faire coïncider le taux de chômage de La Réunion avec celui de la métropole. Or, à ce jour, le chômage n’a fait qu’augmenter. Il y a en 2016 plus de 170 000 Réunionnais privés d’emploi, pour une population de 850 000 habitants. Pourtant, au prétexte de soutenir la création d’emplois, des aides et des subventions ont été généreusement versées au patronat, qui en a profité pour garantir voire accroître ses profits, mais en aucun cas pour créer le moindre emploi.

Et les inégalités dans le travail se retrouvent dans tous les autres domaines de la vie sociale. Près de 40 % des ménages vivent sous le seuil de pauvreté. Des dizaines de milliers de Réunionnais ne disposent pas de logement et sont obligés de cohabiter à deux, voire à trois générations sous le même toit, ou de loger dans de véritables taudis.

Au vu de la politique du gouvernement auquel appartenait Ericka Bareigts et de la propension de la nouvelle secrétaire d’État à aller au-devant des desiderata des patrons, il était plus que certain qu’aucune égalité dont pourraient bénéficier les classes populaires ne serait mise en œuvre. En 2010, Ericka Bareigts envisageait sans ciller l’augmentation des factures d’eau de 50 %, pour que Veolia et la CISE n’aient rien à débourser pour l’épuration des eaux usées. En 2012, alors que les patrons transporteurs manifestaient pour que leurs dettes sociales soient effacées, elle s’est précipitée dans les locaux du Medef « pour entendre leurs inquiétudes et leurs attentes concernant la commande publique ». En octobre 2014, elle s’est félicitée de la décision du gouvernement de relever à 9 % le crédit d’impôt pour les entreprises dans les DOM…

Aux journalistes qui demandaient à Ericka Bareigts ce qu’elle a ressenti à l’annonce de sa nomination au poste de secrétaire d’État, elle a répondu que c’était dans la suite logique du travail qu’elle avait mené depuis des années et qu’elle était prête à continuer à s’y « sacrifier »… uniquement pour complaire aux intérêts patronaux ! 10

 

 

Enfants réunionnais : l’État reconnaît ses crimes

Le 8 janvier 2017, à Guéret dans la Creuse, a eu lieu la troisième et dernière audition par une commission du ministère de l’Outre-mer, des anciens enfants réunionnais exilés de force entre 1963 et 1982 dans 65 départements français.

L’État avait nié pendant trente ans un drame dénoncé dès 1972 par l’Union générale des travailleurs réunionnais de France et relayé notamment par Le Canard enchaîné et Hebdo TC (Témoignage chrétien). En 2002, suite à une plainte déposée par un des anciens Réunionnais déportés, la ministre socialiste Élisabeth Guigou avait commandé un rapport à l’Inspection générale des affaires sociales : il dédouana alors totalement l’État français. En 2007, la cour administrative d’appel de Bordeaux débouta une demande de réparation déposée par des anciens déportés, au motif qu’il y avait prescription. Le même motif fut retenu par le Conseil d’État en juillet 2008 et par le tribunal administratif de La Réunion en 2009.

Mais, depuis février 2014, une résolution adoptée par l’Assemblée a reconnu que « l’État a manqué à sa responsabilité morale [envers] les enfants réunionnais placés en métropole dans les années 1960 et 1970 ». Maintenant que les responsables de toute cette politique ont disparu, il semble qu’il soit moins gênant pour l’État de reconnaître les méfaits d’un plan mis en œuvre par Michel Debré, ancien Premier ministre de de Gaulle, et député de La Réunion de 1963 à 1974.

La Réunion était devenue un département français en 1947, mais la politique coloniale de l’État n’avait pas disparu. Les familles vivaient dans une grande misère, sans tous les droits sociaux. Les allocations comme le smic et le RMI y étaient inférieures de 40 %, et le restèrent d’ailleurs respectivement jusqu’en 1996 et 2002.

C’est ce mépris social et colonialiste qui est à la base de l’enlèvement forcé de 2 150 enfants – selon les recherches récentes de la commission gouvernementale – pour repeupler les campagnes françaises du Gers, de l’Aveyron, du Tarn, de Lozère, du Cantal et surtout de la Creuse. Debré voulait ainsi contenir le développement démographique de l’île par un contrôle des naissances et un programme d’émigration imposée qui frappaient d’abord les plus pauvres.

Comme le raconta en 2000 Jean-Jacques Martial, dans son autobiographie Une enfance volée, certains enfants furent tout simplement enlevés. Les autorités faisaient pression sur les parents, souvent illettrés et incapables de vérifier à quoi il s’engageaient. Un Réunionnais de la Creuse racontait récemment : « Ma mère ne savait ni lire, ni écrire, ni compter, et on m’a simplement dit que j’allais en métropole pour rattraper un retard scolaire. » Les dirigeants de la DDASS affirmaient en effet que les enfants allaient partir quelque temps en France acquérir un bon bagage scolaire et qu’ils reviendraient chaque année pour les vacances. Mais, une fois partis, les parents n’eurent plus jamais de nouvelles de leurs enfants.

À leur arrivée dans la Creuse, ils étaient conduits au foyer de Guéret, qui servait de centre de tri, puis séparés de leurs frères et sœurs. Ils étaient répartis dans des familles qui touchaient des aides pour recevoir ces prétendus orphelins. Aux travaux pénibles à la ferme s’ajoutaient souvent le racisme et les vexations de toutes sortes. Marie-Josiane Grenier, transplantée en 1966, selon l’expression hypocrite des autorités, ose seulement aujourd’hui dénoncer « les viols dès qu’elle devient jeune fille et les passages à tabac pour qu’elle se taise ».

Isolés dans un monde tout aussi peu préparé à leur accueil qu’ils ne l’étaient eux-mêmes à leur exil forcé, les enfants vécurent un cauchemar uniquement reconnu des décennies plus tard.11

 

 

Couvre-feu contre les gilets jaunes

L’appel des gilets jaunes à manifester le 17 novembre 2018 contre la hausse du prix des carburants et des taxes, lancé en France, a trouvé un large écho à La Réunion.

Tôt samedi matin, les manifestants ont commencé à ériger les premiers barrages. Pas moins d’une quarantaine, plus ou moins filtrants, ont été mis en place, en particulier dans des endroits stratégiques comme à proximité de l’aéroport ou du port, de la route du littoral et des nœuds de circulation sur les grands axes routiers.

Dimanche 18, puis lundi et mardi, la mobilisation s’est poursuivie sur une trentaine de barrages, dont le nombre de participants et le mode d’organisation variaient. La présence de militants associatifs donnait un caractère démocratique et réfléchi à certains barrages, où les questions d’urgence médicale ou autres étaient prises en compte pour laisser passer les véhicules.

Pour les manifestants, les revendications sur les carburants, les taxes, le coût de la vie et le montant des salaires, des pensions et des allocations s’entremêlaient. Dans l’opinion, le soutien à ce mouvement est très vite passé de la question des taxes à celle de la cherté de la vie, à la nécessité d’augmenter les salaires et les retraites.

Loin de relayer ces revendications, les responsables politiques et les médias ont fait leurs choux gras des tragiques accidents et dérapages qui se sont produits la nuit, dans les quartiers les plus déshérités, où sont concentrés les habitants les plus marginalisés.

Le préfet a fait appel à des renforts de gendarmerie arrivés de Mayotte le lundi 19 novembre et de métropole le mardi 20 et a instauré pour trois jours un couvre-feu à partir de 21 heures

Dans 14 des 24 communes de l’île. Dans la nuit du 20 au 21, cela a plutôt jeté de l’huile sur le feu, car ce n’était pas le nombre de gendarmes qui allait résoudre la crise profonde d’une société rongée par le chômage massif, en particulier de la jeunesse.

La préfecture a reçu tour à tour des élus, des représentants patronaux et une délégation composée d’une poignée de gilets jaunes parmi les 200 porte-parole venus des quatre coins de l’île. Mardi 20 novembre au soir, elle est ressortie aussi en colère qu’elle était rentrée, exaspérée par le mépris du préfet qui s’est contenté de leur déléguer un sous-fifre et refusait le principe de la présence des medias pour rendre publiques les rencontres et discussions à venir.

Le président de la région a annoncé le gel pour trois ans de l’augmentation des taxes sur le carburant. Des élus locaux de droite et de gauche ont proposé des mesures qui consistaient principalement à demander au gouvernement de revenir sur ses décisions comme la suppression de l’APL, ou celle des emplois aidés, ou encore l’extension des défiscalisations pour les entreprises.

Quant aux syndicats de salariés, également conviés aux discussions par le préfet, ils ne se sont pas vraiment fait entendre. La CGTR a pris une position très générale sur la nécessité d’augmenter les salaires et les pensions.

Le mouvement était une formidable contestation de la politique qui vise à enrichir les riches et à laisser sur le bas-côté l’ensemble des classes populaires qui n’auraient pas su « traverser la rue ».12

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/La_R%C3%A9union
(2) Correspondant L.O http://www.lutte-ouvriere-journal.org/lutte-ouvriere/1967/divers/article/2006/04/12/12839-ile-de-la-reunion-mars-1946-la-departementalisation.html
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/La_R%C3%A9union
(4) http://www.larousse.fr/encyclopedie/departement/La_R%C3%A9union_974/138726
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/La_R%C3%A9union
(6) http://www.observationsociete.fr/in%C3%A9galit%C3%A9s-et-pauvret%C3%A9-o%C3%B9-va-la-r%C3%A9union
(7) http://www.lexpress.fr/region/dom/a-la-reunion-une-jeunesse-en-desarroi_1283836.html
(8) Geoffroy Géraud Legros http://www.7lameslamer.net/La-Reunion-des-revoltes-logiques.html
(9) Correspondant L.O. http://www.lutte-ouvriere-journal.org/2015/08/05/la-reunion-les-enfants-victimes-de-la-crise_37668.html
(10) Émilie Grondin http://www.lutte-ouvriere-journal.org/2016/02/17/ile-de-la-reunion-le-bluff-de-legalite-reelle_65756.html
(11) Émilie Grondin http://journal.lutte-ouvriere.org/2017/01/11/enfants-reunionnais-letat-reconnait-ses-crimes_74243.html
(12) Émile Grondin https://journal.lutte-ouvriere.org/2018/11/21/ile-de-la-reunion-couvre-feu-contre-les-gilets-jaunes_115133.html