L'Érythrée

 

 

Histoire ancienne

L'Érythrée est connue dans l'histoire depuis très longtemps. Les côtes érythréennes sont considérées, avec celles de la Somalie et du Soudan, comme le pays nommé Punt ou Ta Netjeru (Pays des Dieux) par les habitants de l'Égypte antique. La première mention remonte au XXVe siècle av. J.-C. La plus ancienne référence connue à la mer d'Érythrée est attribuée à Eschyle (Fragment 67), qui la désigne comme « le bijou de l'Éthiopie » (Éthiopie désignait alors la partie de l'Afrique située au sud de l'Égypte).

Vers le VIIIe siècle av. J.-C., un royaume connu sous le nom de D'mt s'établit au nord de l'Érythrée et de l'Éthiopie, avec Yeha comme capitale. Il est suivi par le Royaume d'Aksoum, au Ier siècle av. J.-C., bien que les continuités restent floues.

Le Périple de la mer Érythrée, un texte du IIe siècle, précise qu'il existait en Afrique de l'Est une route commerciale qui reliait le monde romain à la Chine.

Les peuples du Centre de l'Érythrée et du Nord de l'Éthiopie partagent un héritage historique et culturel commun, issu du Royaume d'Aksoum et des dynasties qui ont suivi au long du Ier millénaire av. J.‑C. et de la langue ge'ez. Le tigrinya et l'amharique, langues officielles respectivement en Érythrée et en Éthiopie, sont des langues cousines du ge'ez, la langue liturgiques de l'Église orthodoxe monophysite éthiopienne, ainsi que de l'Église d'Érythrée qui s'en est détachée à l'indépendance du pays.

 

Histoire médiévale

La culmination de l'influence musulmane en l'Érythrée remonte à 1557 avec l'invasion ottomane de Soliman le Magnifique et la conquête de Massaua, Arqiqo et Debarwa, capitale de Bahr negus Yeshaq (qui régnait sur une région très similaire à l'Érythrée contemporaine). Yeshaq reprit Debarwa et l'or que les envahisseurs y avaient amassé. En 1560, Yeshaq fit alliance avec les Ottomans contre le nouvel Empereur éthiopien mais rompit son alliance lors du couronnement du roi d'Éthiopie Sarsa Dengel. Lors de l'attaque des hauts-plateaux érythréens par l'imam Ahmed Gragne, le negassi Yeshaq pouvait compter sur ses soldats menés notamment par l'Adkamé Melaga, gouverneur de la province de Seraye. Il noua une deuxième alliance avec les Ottomans peu de temps après mais fut battu définitivement en 1578, laissant aux Ottomans la maîtrise de Massaua (l'un des plus grands ports de la région), d'Arqiqo et des côtes environnantes.

 

Pendant la période décentralisée en Éthiopie du Zemene Mesafent, des seigneurs de guerres originaires de la province éthiopienne de Tigré eurent de l'influence sur certaines régions de l'Érythrée actuelle. Les incursions musulmanes se poursuivirent, en particulier sur la côte et les plaines qui furent islamisées à la fin de la période médiévale. Au milieu du XIXe siècle, quelques immigrants issus de la péninsule Arabique, les Rashaida s'installèrent en Érythrée où ils forment aujourd'hui moins de 1 % de la population.

L'État ottoman garda le contrôle des zones côtières du nord durant près de trois siècles avant de céder leurs possessions, la province de Habesh, à l'Égypte en 1865, qui la cédera à son tour à l'Italie en 1885. L'intérieur des terres, en particulier les hauts plateaux de Hamasien, Akkele Guzay et Serae, majoritairement chrétiens orthodoxes gardèrent leur indépendance. Un prêtre italien catholique du nom de Sapetto acheta le port d'Assab au sultan Afar, un vassal de l'empereur d'Éthiopie, pour le compte du conglomérat commercial italien Rubatinno. Plus tard, lorsque l'Égypte se retira du Soudan pendant la révolte Mahdiste, la Grande-Bretagne conclut un accord permettant aux forces égyptiennes de se retirer à travers l'Éthiopie, en échange de quoi ils autoriseraient l'Empereur à occuper les plaines dont il s'était disputé la possession avec l'Empire ottoman et l'Égypte. L'Empereur Yohannès IV crut que cela incluait Massaua mais l'Égypte et la Grande-Bretagne cédèrent le port à l'Italie qui l'unit au port d'Assab pour former un comptoir. L'Italie profita des troubles qui agitèrent le nord de l'Éthiopie suite à la mort de Yohannès IV pour occuper les hauts plateaux et établir une nouvelle colonie en Érythrée, reconnue par le nouvel empereur de l'Éthiopie, Ménélik II.

 

Colonisation par l'Italie

La colonisation en 1885 par l'Italie fixa les frontières de l'Érythrée moderne. La présence italienne dans la corne de l'Afrique fut formalisée en 1889 avec la signature du traité de Wuchale avec Ménélik II – bien que Ménélik revint plus tard sur l'accord. Les relations entre l'Italie et l'Éthiopie furent marquées pour les cinquante années qui suivirent par de fréquentes tentatives de l'Italie d'étendre sa base coloniale vers la Somalie et l'Éthiopie, en particulier en 1896 lorsque l'Éthiopie battit l'armée italienne dans le Tigré.

L'arrivée au pouvoir de Benito Mussolini en 1922 fut l'occasion de profonds remaniements du gouvernement colonial en Érythrée. Le régime fasciste adopta des lois raciales et ségrégationnistes et les Érythréens employés dans la fonction publique furent relégués aux postes subalternes. Les réformes agricoles se poursuivirent, mais réservées aux fermes possédées par des Italiens. En 1935 – 1936, l'Italie mena une nouvelle campagne visant à coloniser l'Éthiopie.

La période durant laquelle l'Érythrée fut colonisée par l'Italie fut faste pour le développement des infrastructures portuaires (port de Massaoua), ferroviaire (chemins de fer d'Érythrée), ou par câble (le téléphérique de Massaoua à Asmara constituant la plus longue ligne de téléphérique du monde). Lors de la défaite italienne de la Seconde Guerre mondiale, l'Érythrée fut placée sous administration militaire britannique.

 

Administration par la Grande-Bretagne et fédéralisation

Les forces armées britanniques battirent l'armée italienne en Érythrée en 1941 à la bataille de Keren et placèrent le pays sous administration britannique en attendant que les forces alliées décident de son sort. Faute d'accord entre les alliés, l'administration britannique se poursuivit jusque dans les années 1950. Au sortir de la guerre, la Grande-Bretagne proposa de partager l'Érythrée entre l'Éthiopie et le Soudan selon les frontières religieuses. L'URSS, comptant sur une victoire communiste lors des élections italiennes, soutint dans un premier temps une rétrocession de l'Érythrée à l'Italie sous tutelle ou comme colonie. Les États arabes soutinrent quant à eux la formation d'un État indépendant.

En 1950, constatant l'absence d'un accord entre les alliés et face aux requêtes de l'Érythrée à l'auto-détermination, les Nations unies envoyèrent une commission dans l'espoir de trouver une solution. La commission proposa une forme d'union avec l'Éthiopie, proposition adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies avec une disposition mettant fin à l'occupation britannique pour le 15 septembre 1952. La Grande-Bretagne organisa des élections le 16 mars 1952 en vue de constituer une assemblée représentative de 68 membres divisée à parts égales entre chrétiens et musulmans. L'assemblée approuva un projet de constitution proposée par le commissariat de l'ONU le 10 juillet. Le 11 septembre 1952, l'Empereur d'Éthiopie Hailé Sélassié Ier ratifia la constitution. L'Assemblée représentative devint alors l'Assemblée érythréenne et la résolution des Nations unies visant à fédérer l'Érythrée avec l'Éthiopie devint effective. La résolution ne donna pas suite aux désirs d'indépendances des Érythréens mais leur accordaient certains droits démocratiques et une certaine autonomie. Ces droits furent cependant abrogés ou violés peu après l'entrée en vigueur de la fédération.

Selon la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU du 15 septembre 1952, l'Érythrée et l'Éthiopie devaient être liées par une structure fédérale assez libre sous la souveraineté de l'Empereur. L'Érythrée aurait sa propre organisation administrative et judiciaire, son propre drapeau et une autonomie sur ses affaires internes, y compris la police, l'administration locale et la fiscalité. Le gouvernement fédéral impérial serait chargé des affaires étrangères (y compris commerciales), la défense, les finances et les transports. Hailé Sélassié s'empressa cependant de limiter l'autonomie de l'Érythrée et poussa le pouvoir exécutif à la démission, déclara l'amharique langue officielle à la place du tigrinya et de l'arabe, interdit l'usage du drapeau érythréen, imposa la censure et déplaça les centres d'affaires hors de l'Érythrée. En 1962, il fit pression sur l'Assemblée érythréenne pour abolir la fédération et soumettre entièrement l'Érythrée au pouvoir impérial.

 

Combat pour l'indépendance

L'opposition contre l'incorporation de l'Érythrée à l'Éthiopie débuta en 1958 avec la fondation du Mouvement de libération de l'Érythrée (MLE), composé principalement d'étudiants, d'intellectuels et de travailleurs salariés citadins. Mené par Hamid Idris Awate, le MLE se livra à des activités politiques clandestines pour soutenir la résistance au pouvoir central impérial. Il fut découvert et dissous par les autorités impériales en 1962. Dans la foulée, Hailé Sélassié dissout le parlement érythréen de manière unilatérale et annexa le pays.

Au cours des années 1960, le combat pour l'indépendance fut repris par le Front de libération de l'Érythrée fondé au Caire par des exilés. Contrairement au MLE, le FLE était un mouvement de lutte armée, composé en majorité de musulmans originaires des plaines rurales de l'ouest du pays. Il bénéficia rapidement du soutien militaire et financier d'États arabes comme la Syrie et l'Irak.

Le FLE lança ses premières opérations militaires en 1961 et intensifia ses activités en réponse à la dissolution de la fédération en 1962. En 1967, le mouvement avait considérablement gagné en popularité auprès des paysans, en particulier du nord et de l'ouest, et à Massaua. Haile Selassié tenta d'apaiser les troubles en visitant le pays et en garantissant à ses habitants un traitement égal sous le nouvel ordre. Il accorda titres, argent et fonctions officielles aux opposants dans l'espoir de les voir se rallier au gouvernement central mais la résistance se poursuivit. En 1971, l'Empereur déclara l'entrée en vigueur de la loi martiale en Érythrée et déploya ses armées pour contenir la résistance.

Des disputes internes au FLE à propos des tactiques et stratégies à adopter aboutirent à la scission du FLE et à la fondation du Front populaire de libération de l'Érythrée, mouvement multi-ethnique dirigé par des dissidents chrétiens parlant le tigrinya, langue majoritaire en Érythrée. Les deux mouvements s'affrontèrent sporadiquement entre 1972 et 1974. Le combat pour l'indépendance se poursuivit après la chute de Sélassié suite au coup d'État de 1974 et l'accession au pouvoir du Derg, junte militaire marxiste avec Mengistu Haile Mariam à sa tête. À la fin des années 1970, le FPLE devint le principal groupe de lutte contre le gouvernement éthiopien, avec le futur président Issayas Afeworki à sa tête.

En 1977, une livraison massive d'armes soviétiques à l'Éthiopie permit à l'armée de cette dernière d'infliger des défaites au FPLE. De 1978 à 1986, le Derg lança huit offensives d'importance contre le mouvement indépendantiste ; toutes échouèrent. En 1988, le FPLE prit Afabet, où se trouvaient les quartiers généraux de l'armée éthiopienne au nord-est de l'Érythrée, forçant le retrait de l'Éthiopie vers les plaines de l'ouest. Le FPLE progressa ensuite vers Keren, deuxième ville d'Érythrée. À la fin des années 1980, l'URSS informa Mengistu qu'elle ne renouvellerait pas son accord de défense et de coopération. L'armée éthiopienne s'en trouva affaiblie et le FPLE, soutenu par d'autres forces rebelles éthiopiennes, poursuivit son avance vers les positions éthiopiennes.

 

L'indépendance

Les États-Unis jouèrent un rôle de médiateur au cours des pourparlers de paix à Washington, les mois précédant la chute du régime de Mengistu en mai 1991 et la fuite de ce dernier au Zimbabwe, laissant derrière lui un gouvernement provisoire. Après la défaite de l'Éthiopie en Érythrée, les troupes du FPLE prirent le contrôle de l'Érythrée. La fin de la guerre fut formalisée à Londres à la fin du mois de mai dans le cadre d'une conférence qui réunissait les quatre principaux groupes combattants.

Du 1er au 5 juillet 1991, la Conférence d'Addis Abeba établit un gouvernement de transition en Éthiopie. Le FPLE participa à la conférence en tant qu'observateur et négocia avec le nouveau gouvernement à propos des relations entre l'Érythrée et l'Éthiopie. Cela aboutit sur un accord dans lequel l'Éthiopie reconnaissait à l'Érythrée le droit d'organiser un référendum sur la question de l'indépendance. Le FPLE affirma sa volonté de mettre en place un gouvernement démocratique en Érythrée et de soutenir une économie de marché. Certains de ses cadres s'étaient intéressés par le passé à l'idéologie marxiste mais le soutien de l'Union soviétique à Mengistu les en avait dissuadés. Le FPLE institua un gouvernement provisoire avec à sa tête Isaias, leader du mouvement. Le Comité central du FPLE tenait lieu de corps législatif.

Le peuple érythréen se prononça pour l'indépendance au cours d'un référendum tenu du 23 au 25 avril sous la surveillance de l'ONU. Les autorités érythréennes déclarèrent l'indépendance le 27 avril. L'Assemblée nationale élut Issayas Afeworki au poste de président du pays. Le FPLE se réorganisa en parti politique, prenant le nom de Front populaire pour la démocratie et la justice.

La Constitution érythréenne a été ratifiée en juillet 1996, mais n'est toujours pas matériellement appliquée.1

 

Présidence d'Issayas Afewerki (1993-)

Depuis le début de son mandat, Issayas Afewerki a instauré un régime avec parti unique, sans élections, une économie centralisée avec rôle prépondérant de l'État et une forte restriction de la liberté de la presse.

Au sein même du FJD, des voix se sont élevées en 2001 pour demander au Président l'application de la Constitution approuvée en 1997 et une plus grande ouverture politique et sociale. Issayas Afeworki a répondu, peu après, en emprisonnant les contestataires (dont son vice-président, Mahmud Ahmed Sherifo) et les journalistes qui s'étaient fait l'écho de ces critiques.

Dans un rapport publié en 2013, Amnesty International décompte plus de 10 000 prisonniers politiques, arrêtés arbitrairement et détenus sans jugement dans des conditions « atroces ». Le gouvernement en place est accusé d'« autoritarisme ».

La dictature exercée par Afewerki est à nouveau confirmée par un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme en juin 2015 qui fait état de violations systématiques des droits humains les plus fondamentaux, commises sous sa responsabilité.2

 

 

Guerre Érythrée-Éthiopie

En 1998, un conflit territorial avec l'Éthiopie éclata et porta un sérieux coup au développement économique et social de l'Érythrée, provoquant le déplacement de populations civiles. Les Accords d'Alger mirent officiellement fin aux combats en fixant le tracé de la frontière disputée et décrétèrent la tenue d'une opération de maintien de la paix, la Mission des Nations unies en Éthiopie et en Érythrée (MINUEE). En avril 2006, plus de 4 000 soldats de l'ONU étaient toujours stationnés dans la région. L'Éthiopie contesta le tracé de la frontière tel que rapporté dans les Accords d'Alger et en 2003, une commission indépendante (EEBC, Eritrean-Ethiopian Boundary Commission) rendit une nouvelle décision, qui fut également rejetée par l'Éthiopie. La question n'est toujours pas réglée.3

 

 

Pourquoi les Érythréens fuient en masse leur pays

En arrachant son indépendance en 1993 après trente ans de guerre, l’Érythrée est devenue l’un des plus jeunes pays au monde. Deux décennies plus tard, ce petit pays de la Corne de l’Afrique produit l’un des principaux contingents de migrants au monde. Chaque mois, plus de cinq mille personnes fuient le pays.

 

L’Érythrée est sans doute le seul pays dont la population fuit le progrès. C’est en tout cas ce qu’affirme implicitement un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), publié en 2014. L’entité onusienne s’y félicite que ce petit pays de la Corne de l’Afrique ait atteint plusieurs « Objectifs du millénaire », ces aiguillons onusiens en matière de développement. Ainsi, en deux décennies d’indépendance, l’Érythrée aurait réduit des deux tiers la mortalité infantile, divisé par quatre la mortalité maternelle et maintenu « un niveau exceptionnellement bas » des taux de prévalence du VIH et de la tuberculose. De quoi faire de l’Érythrée, toujours d’après le PNUD, « une vitrine des succès en matière de santé ».

 

Dans ce cas, pourquoi 5 000 Érythréens, au bas mot, quittent-ils leur pays chaque mois, le plus souvent au péril de leur vie, tel que l’affirme le conseil des droits de homme des Nations unies dans un autre rapport publié en juin 2015 ? Cette année-là, aux portes de l’Europe, les réfugiés érythréens figurent ainsi en deuxième position derrière les Syriens. La plupart ont d’abord transité par le Soudan ou l’Éthiopie, deux pays limitrophes, où l’on compte plus de 250 000 personnes dans des camps de réfugiés.

Derrière des piles de livres et de documents recouvrant son petit bureau de l’Institute for Security Studies (ISS), à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, Berouk Mesfin sourit. « On ne sait même pas exactement combien de personnes vivent en Érythrée. Vous pouvez oublier les Objectifs du millénaire… » Le dernier recensement remonte en effet à 1984, à l’époque où l’Érythrée était encore une province de l’Éthiopie. On parle aujourd’hui de 6 millions d’Érythréens. En 2014, l’ONU estimait ainsi qu’entre « 6 % à 10 % de la population nationale », soit 357 406 personnes, sans compter la diaspora dispersée dans le monde, aurait donc déjà quitté le pays. Le phénomène migratoire érythréen n’est pas nouveau, mais l’Europe s’y est éveillée en découvrant les milliers de migrants arrivant à ses frontières ces dernières années.4

 

 

Quel est le vrai visage de l’Érythrée ?

 

 

La version donnée par le NPA sur son site internet

 

 

En Érythrée, un régime de fer

Après les SyrienEs (fuyant la guerre civile, la dictature d’Assad et les djihadistes), les ÉrythréenEs sont aujourd’hui la deuxième nationalité qui entame le dangereux voyage intercontinental à travers la Méditerranée. Un cinquième de la population globale de ce pays – qui compte environ six millions d’habitantEs – a fui l’Érythrée, et 5 000 personnes quittent ce pays chaque mois selon des chiffres fournis par les Nations unies.

Dans de nombreux cas, les facteurs qui poussent les migrantEs au départ relèvent de la responsabilité directe des puissances occidentales. Le cas de l’Érythrée est à cet égard spécifique. Souvent surnommé « la Corée du Nord » de l’Afrique, le régime de ce pays est le produit d’un mouvement de « libération nationale » qui a très mal tourné. Produit d’une guerre de sécession menée contre l’Éthiopie voisine conduite de 1961 à 1993 (alors que le régime éthiopien fut d’abord soutenu par les USA, puis à partir de 1974 par l’URSS et Cuba), le régime actuel est arrivé au pouvoir après trente ans de combat.

Suite à l’indépendance acquise en mai 1993, le nouveau pouvoir, conduit jusqu’à aujourd’hui par Isaias Afwerki, a imposé le système militaire de l’ex-armée de guérilla au pays entier. Dès lors, un tiers du PIB est consacré à l’armée. L’ensemble de la population, hommes et femmes, est contrainte à effectuer un service militaire à partir de l’âge de 17 ans, qui dure en théorie un an et demi… et en pratique parfois jusqu’à l’âge de 40 ans ! Des réfractaires sont soumis à des tortures systématiques, et souvent enfermés dans des prisons sous forme de containers de cargos en métal, ces derniers pouvant être placés dans le désert érythréen, avec des températures dépassant les 50° C…

Alors que politiquement, le régime érythréen est assez isolé au plan international, il attire néanmoins certains investisseurs. La Chine y est économiquement assez présente, et le Qatar prête de l’argent à la dictature. La mafia italienne y garde encore un pied (la conquête coloniale en Érythrée fut d’abord italienne, commencée dans les années 1880 et ce jusqu’à la Seconde Guerre mondiale), et exploite quelques hôtels sur la Mer rouge.5

 

 

La version donnée sur le site internet de Michel Collon

 

Mohamed Hassan : « Pas touche à l’Érythrée ! »

En 2015, le drame humanitaire des migrants en Méditerranée a placé un pays de la Corne de l'Afrique relativement méconnu au centre de l'attention médiatique. L'Érythrée serait en effet le plus grand pourvoyeur de réfugiés. Les témoignages de ces derniers construisent l'image d'un État terrifiant où règnent dictature, torture et famine. Très peu de journalistes se sont pourtant rendus en Érythrée. À contre-courant des quelques informations qui nous parviennent sur ce mystérieux pays, Mohamed Hassan dénonce une campagne de diabolisation. Spécialiste de la Corne de l'Afrique, il interroge ce qui se dit, mais surtout ce qui ne se dit pas sur l'Érythrée. Et il se joint aux représentants des communautés érythréennes d'Europe réunis le 22 juin 2015 à Genève pour lancer un message clair à l'Occident : « Pas touche à l'Érythrée ! » (#handsoffEritrea)

 

Depuis le dernier naufrage de migrants en Méditerranée, l’Érythrée est au centre de l’attention. Vous qui connaissez bien ce pays et qui vous y rendez souvent, que pensez-vous de ce qu’on écrit sur l’Érythrée dans la presse occidentale ?

Il faut tout d’abord s’interroger sur la manière dont les médias nous informent sur l’Érythrée. Les témoignages des réfugiés sont nombreux. Mais avez-vous entendu ceux de la diaspora qui soutiennent le gouvernement érythréen ? Avez-vous pu lire les réponses du président, d’un ministre ou même d’un ambassadeur aux attaques qui sont adressées à l’Érythrée ? Imaginez que vous deviez informer sur Cuba, que vaudrait votre analyse si vous ne preniez que les témoignages des Cubains exilés en Floride ? Quand la presse procède de la sorte, de manière unilatérale, sans donner la parole à toutes les parties, on est plus dans la propagande que dans l’information.

 

Les témoignages rapportés ne sont-ils pas fiables selon vous ?

Évidemment, ceux qui fuient l’Érythrée ont leur point de vue. Mais je remarque quelques lacunes systématiques dans le portrait qui est dressé de ce pays. Par exemple, on pointe le fait qu’aucune élection n’ait été organisée depuis l’indépendance du pays en 1993. On évoque aussi les mesures prises par le gouvernement en 2001 à savoir la fermeture des médias privés et l’arrestation d’opposants politiques. Mais on ne dit rien sur le contexte. On pourrait dès lors croire tout simplement que le président Isaias Afwerki a été soudainement frappé d’un excès d’autoritarisme. On dresse ainsi le portrait d’un tyran lunatique. On l’accuse même d’être alcoolique et d’avoir de l’argent planqué en Suisse. Sans apporter la moindre preuve évidemment. La réalité est différente. Isaias Afwerki est un homme lucide qui n’a aucun problème avec la boisson. Quand on connaît un minimum l’Érythrée, c’est aberrant de devoir tordre le cou à de telles rumeurs ! Le président est modeste. Si vous vous rendez à Asmara, vous le croiserez peut-être en train de se balader dans la rue, en sandalettes et sans gardes du corps. On est loin de l’image du tyran mégalomane qui exploite son peuple pour sa richesse personnelle.

 

Vous parliez des mesures de 2001. Que s’est-il passé que les médias n’évoquent pas ?

En 2001, l’Érythrée sortait d’une guerre terrible avec son voisin éthiopien. L’Érythrée était une ancienne colonie d’Éthiopie, elle a mené la plus longue lutte du continent africain pour obtenir son indépendance. Mais l’Éthiopie ne l’a jamais digéré et un conflit a éclaté entre les deux pays en 1998. Durant la guerre, certains médias privés d’Érythrée corrompus par l’Éthiopie ont appelé à renverser le gouvernement érythréen. Des politiques et des officiers de l’armée ont également collaboré avec l’ennemi, espérant profiter du conflit pour prendre le pouvoir à Asmara. Cette guerre a ainsi fait tomber bien des masques en Érythrée, d’autant plus que personne ne donnait cher de la peau du gouvernement. Mais il a finalement réussi à repousser l’invasion éthiopienne. Et il a ensuite pris des mesures de sécurité en interdisant les médias privés et en emprisonnant ceux qui avaient collaboré avec l’ennemi. Rappelons également que des élections étaient prévues avant la guerre. Une commission électorale avait été mise sur pied et préparait le scrutin juste avant l’invasion.

Sur le plan démocratique, la situation n’est donc pas des plus réjouissantes, certes. Mais lorsque l’on aborde ce problème, il faut avoir une analyse globale qui tient compte du contexte. Ce que les médias occidentaux ne font pas.

 

Il n’y a plus eu de guerre avec l’Éthiopie depuis quinze ans. Mais toujours pas d’élections non plus. Et l’information reste aux mains de l’État. Pourquoi ?

Tout d’abord, les tensions restent palpables entre les deux pays. Le gouvernement éthiopien se lance régulièrement dans des diatribes belliqueuses à l’encontre de son voisin. C’est d’ailleurs à la lumière de ce contexte tendu qu’il faut analyser la question de la circonscription en Érythrée. Contrairement à ce qui a été dit dans la presse, les jeunes ne sont pas enrôlés de force et à vie pour le service national. Avant la guerre, la durée de ce service était fixée à dix-huit mois. Elle a augmenté ensuite durant le conflit, mais a été ramenée depuis à sa durée initiale. L’Érythrée compte quelque 6 millions d’habitants. C’est presque la moitié de la Belgique. De l’autre côté, l’Éthiopie a une population de 90 millions d’habitants. Vous comprenez très vite que l’Érythrée n’a pas les moyens humains ni matériels pour construire une grande armée capable de tenir tête à son voisin. Le gouvernement n’a pas non plus la volonté de dépenser beaucoup d’argent là dedans. D’où le service national qui permet de faire appel à une armée de réserve en cas de conflit.

Ensuite, n’oublions pas que l’Érythrée est située dans une des régions les plus chaotiques de l’Afrique. Sur cette question d’ailleurs, le gouvernement a un avis très intéressant dont on n’entend malheureusement pas parlé. Il estime que l’ingérence des puissances néocoloniales est principalement responsable des conflits qui traversent la Corne de l’Afrique. Et pour apaiser les tensions, l’Érythrée préconise de rassembler tous les acteurs régionaux autour de la table pour dialoguer pacifiquement, sans interférences des puissances étrangères. Enfin, le gouvernement est assez franc sur le sujet : les élections et les médias privés ne sont pas sa priorité, n’en déplaise à la vision ethnocentriste des Occidentaux qui glorifient le bulletin de vote au détriment d’autres enjeux plus cruciaux. Le gouvernement érythréen se bat avant tout sur le terrain du développement. Cela, les médias n’en parlent pas si bien qu’ils passent, selon moi, à côté de l’essentiel. En effet, après son indépendance, l’Érythrée a refusé les aides de la Banque mondiale et du FMI, ainsi que les programmes qui allaient avec. « Les Érythréens savent mieux que ces institutions internationales ce qui est mieux pour l’Érythrée », avait rétorqué le président Afwerki.

Ce faisant, l’Érythrée est devenue le premier pays d’Afrique à atteindre les objectifs du millénaire. Ce programme avait été mis au point par les Nations unies en 2000 pour éradiquer la famine, développer les soins de santé et l’éducation, améliorer les conditions de vie des femmes et des enfants, etc. Il reposait essentiellement sur l’aide de l’Occident, mais est quelque peu tombé aux oubliettes avec la crise économique. Or, ce que nous montre l’Érythrée et qui est exceptionnel, c’est qu’un pays africain n’a pas besoin de l’aumône de l’Occident pour se développer. Il faut au contraire mettre un terme au pillage organisé par la Banque mondiale, le FMI et toutes ces institutions qui veulent imposer le néolibéralisme aux pays du Sud.

Début juin, le Haut Commissariat pour les Droits de l’Homme des Nations Unies a publié un rapport accablant sur l’Érythrée. D’après ce rapport, le gouvernement érythréen est « responsable de violations flagrantes, systématiques et généralisées de droits de l’homme ». Le rapport ajoute que « ces violations pourraient constituer des crimes contre l’humanité ».

Là encore, le rapport se base uniquement sur des témoignages de réfugiés, le gouvernement érythréen ayant refusé l’accès à la commission d’enquête des Nations unies. Or, un rapport construit à partir des seuls témoignages de demandeurs d’asile ne peut être fiable. En effet, pour obtenir le statut de réfugié politique, certains n’hésitent pas à travestir leur nationalité et à raconter ce que le pays d’accueil veut entendre. Parmi les réfugiés érythréens, vous avez ainsi des Éthiopiens qui se font passer pour ce qu’ils ne sont pas afin d’obtenir le droit d’asile. En 2013, deux parlementaires français ont remis au ministre de l’Intérieur un rapport pointant la proximité dangereuse entre ceux qui aspirent au statut de réfugié politique et les migrants économiques. Pour ces derniers, des réseaux mafieux qui gèrent les filières de passage vers l’Europe proposent de faux témoignages et des dossiers de persécution tout préparés. Ensuite, si certains inspecteurs de l’ONU font leur travail courageusement quitte à déplaire aux grandes puissances, d’autres n’hésitent pas à sacrifier leur devoir d’objectivité sur l’autel des intérêts politiques. En 2011 par exemple, le même Haut Commissariat pour les Droits de l’Homme facilitait l’intervention de l’OTAN en dénonçant la répression en Libye de manifestants pacifiques à coups de tanks, d’hélicoptères et d’avions. Aujourd’hui, on sait que ces accusations étaient totalement farfelues. Mais elles visaient à mettre la pression sur le gouvernement libyen. La même chose se produit avec l’Érythrée.

 

Qui veut mettre la pression sur l’Érythrée et pourquoi ?

Sur le plan économique et politique, l’Érythrée est un caillou dans la chaussure du néocolonialisme occidental. L’Afrique est un eldorado pour les multinationales. C’est le continent le plus riche... avec les gens les plus pauvres ! Et voilà qu’un pays africain déclare et prouve par la pratique que l’Afrique ne peut se développer qu’en s’affranchissant de la tutelle occidentale. Le président Afwerki est très clair sur la question : « Cinquante ans et des milliards de dollars d’aide internationale postcoloniale ont fait très peu pour sortir l’Afrique de sa pauvreté chronique. Les sociétés africaines sont devenues des sociétés d’éclopées. » Et il ajoute que l’Érythrée doit pouvoir se tenir sur ses deux propres pieds. Alors, comme tous les leaders africains qui ont tenu ce genre de discours contre le colonialisme, Isaias Afwerki est devenu un homme à abattre aux yeux de l’Occident.

 

Le gouvernement érythréen ne facilite-t-il pas la campagne de diabolisation en refusant d’accueillir une commission d’enquête des Nations unies ?

Il faut comprendre ce qui peut apparaître comme une attitude fermée. Tout d’abord, l’Érythrée traîne un lourd contentieux avec les Nations unies. Le pays avait été colonisé par les Italiens. Après la Deuxième Guerre mondiale et la défaite de Mussolini, l’Érythrée aurait dû obtenir son indépendance, mais on l’a rattachée à l’Éthiopie contre sa volonté. L’ancien Secrétaire d’État US, John Foster Dulles, déclara à l’époque : « Du point de vue de la justice, les opinions du peuple érythréen doivent être prises en considération. Néanmoins, les intérêts stratégiques des États-Unis dans le bassin de la mer Rouge, et les considérations pour la sécurité et la paix dans le monde, rendent nécessaire que ce pays soit rattaché à notre allié, l’Éthiopie. » Cette décision a eu des conséquences catastrophiques pour les Érythréens. Ils ont été littéralement colonisés par l’Éthiopie et ont dû mener une lutte terrible pendant trente ans pour obtenir leur indépendance.

De plus, durant ce combat, les Érythréens ont affronté un gouvernement éthiopien soutenu tour à tour par les États-Unis et l’Union soviétique. Durant la guerre froide, vous faisiez généralement partie d’un bloc ou de l’autre. Mais vous ne vous retrouviez pas avec les deux superpuissances de l’époque sur le dos ! Ça laisse des marques évidemment.

Voilà pourquoi l’Érythrée estime aujourd’hui qu’elle n’a pas de comptes à rendre à la soi-disant « communauté internationale ». Elle défend farouchement sa souveraineté pour mener à bien sa révolution. Tout n’est pas parfait évidemment. Les Érythréens sont d’ailleurs les premiers à le reconnaître. Malgré les résultats exceptionnels pour un tel pays en matière de santé, d’éducation ou de sécurité alimentaire, tous vous répondront avec beaucoup d’humilité qu’il y a encore beaucoup à faire. Mais pour que l’Érythrée continue à progresser, la meilleure chose à faire est de ne pas vouloir décider à la place des Érythréens. C’est pourquoi je me joins à la diaspora pour interpeller les Nations unies : « Pas touche à l’Érythrée ! »6

 

 

Le traité de paix entre l’Erythrée et l’Ethiopie met fin à des décennies de conflit frontalier

En juillet 2018, on a assisté à des scènes de liesse dans les rues d’Asmara, la capitale de l’Érythrée, où des centaines de personnes défilaient et dansaient pour célébrer la restauration de la paix et de l’amitié avec l’Éthiopie voisine. Comme les relations diplomatiques entre les deux pays ont été normalisées après presque deux décennies, les familles, un jour séparées par la guerre, ont été réunies puisque les lignes téléphoniques ont été rétablies. Les vols entre les deux pays sont aussi prévus pour la semaine prochaine, mettant fin à des années d’interdiction de franchir la frontière.

« Historique », a twitté Hallelujah Lulie, un analyste politique spécialisé dans la Corne de l’Afrique. « Ce n’est pas la paix entre deux voisins ordinaires. L’Éthiopie et l’Érythrée partagent une mémoire et un héritage complexes. La reconnaissance de leur passé entrelacé et de leur destinée commune aura des retombées politiques et socio-économiques positives pour elles et redessineront la carte géopolitique de la Corne de l’Afrique », a-t-il ajouté.

Le 16 juillet 2018, les deux pays africains ont signé une « Déclaration conjointe de paix et d’amitié », qui met formellement fin à 20 ans d’immobilisme militaire. En mai, le gouvernement éthiopien, à la surprise générale, a annoncé qu’il appliquerait les Accords d’Alger de 2000. Cet événement a été suivi par une rencontre au sommet le 9 juillet entre le président érythréen Issaias Afwerki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, où ils ont signé une déclaration de paix.

L’Érythrée et l’Éthiopie se sont fait une guerre sanglante de 1998 à 2000 autour de revendications territoriales, guerre qui a conduit à la mort de plus de 80 000 personnes et le déplacement d’environ 650 000. L’une des zones contestées était Badme, une ville dans la région de Garh Barka, pour laquelle les gouvernements des deux pays, autrefois proches alliés, se sont battus.

Le Front populaire de libération de l’Érythrée (FPLE), prédécesseur de l’actuel Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ), actuellement au pouvoir, et le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiien (FDRPE), aujourd’hui membre de la coalition dirigeante, ont combattu ensemble le gouvernement éthiopien pendant la guerre d’indépendance de l’Érythrée et la guerre civile éthiopienne dans les années 1980 et 1990. Le FDRPE a renversé le régime du Derg de Mengistu Haile Mariam en 1991 avec l’aide du FPLE et, en 1994, l’Érythrée a conquis son indépendance au terme d’une lutte de libération de 30 ans.

Le conflit territorial entre l’Erythrée et l’Ethiopie, comme beaucoup d’autres sur le continent, trouve son origine dans la « ruée sur l’Afrique » du XIXe siècle, lorsque les puissances coloniales européennes faisaient la course pour annexer la région. Le traité entre l’Ethiopie et l’Italie de 1902 a mal délimité la frontière entre l’Ethiopie et l’Erythrée, semant les graines de la discorde. En 1936, l’Italie, sous le régime fasciste de Benito Mussolini, a fusionné ses territoires coloniaux de l’Erythrée, de l’Ethiopie et du Somaliland. Les Britanniques ont pris le contrôle de la région après avec vaincu les Italiens dans la Seconde Guerre mondiale. Même après que la Grande-Bretagne eut renoncé à ce contrôle, elle a veillé, avec les Etats-Unis, à ce que l’Erythrée reste soumise à l’Ethiopie. Celle-ci était alors sous le règne monarchique de Haile Selassie lorsqu’en décembre 1950, la Résolution 390 (V) de l’ONU) a fédéré l’Erythrée avec l’Ethiopie.

On peut découvrir la raison de l’intérêt des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne pour l’Erythrée et de leurs pressions pour qu’elle se fédère avec l’Ethiopie en dépit de son histoire comme pays indépendant, dans une lettre de 1945 écrite par le président d’une entreprise américaine, la Sinclair Oil Corporation, à James F. Byrnes, alors secrétaire d’Etat. La lettre mentionnait son accord avec le « gouvernement impérial éthiopien pour la prospection pétrolière en Ethiopie ». Elle relevait en outre que comme le pays était enclavé, il était nécessaire de construire des « oléoducs adéquats depuis l’Ethiopie jusqu’à un bon port de mer, ainsi qu’un terminal d’exportation », et le seul accès possible à la mer passait par l’Erythrée.

La lettre proposait :

« Tout notre programme de développement sera gravement retardé et affecté si l’Erythrée passait sous la domination d’une autre puissance que l’Ethiopie. Je demande donc instamment que vos bons offices soutiennent la demande de l’Ethiopie concernant l’Erythrée. »

L’indépendance de l’Erythrée en 1993 a enterré l’un des aspects du conflit dans la région, mais la question de la frontière a couvé jusqu’à ce qu’il flambe en 1998.

 

Les accords d’Alger

La guerre entre les deux pays a cessé le 18 juin 2000 après la signature de l’ « Accord de cessation des hostilités », soutenu par les Nations unies et l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Les Accords d’Alger, tels que nous les connaissons, appelaient les deux parties à s’abstenir de recourir à la force et à libérer tous les prisonniers de guerre. Ils appelaient également à assurer « un traitement humain aux ressortissants de chacun des pays et aux personnes d’origine nationale de l’autre dans leurs territoires respectifs ».

Les accords ont constitué deux commissions. La première était chargée de la délimitation et de la démarcation de la frontière internationale entre les deux pays (Commission des frontières). La seconde traitait des plaintes relatives aux pertes, aux dommages et aux blessures (Commission des réclamations).

En 2003, la Commission des frontières a achevé le processus de délimitation et décidé d’attribuer la plus grande partie des territoires contestés, y compris Badme, à l’Erythrée. Le processus de démarcation n’a pu être achevé en raison d’objections de l’Ethiopie, qui a refusé d’appliquer la décision de la commission et de retirer ses troupes.

Avec la signature du traité de paix le 16 juillet 2018, le gouvernement d’Abiy Ahmed a accepté de respecter la décision de la Commission des frontières, mettant ainsi fin à l’un des plus longs conflits frontaliers dans la région.

« Nous allons démolir le mur et, avec amour, construire un pont entre les deux pays », a déclaré Abiya, qui a reçu un accueil chaleureux à Asmara.7

 

 

Économie de l'Érythrée

L'économie de l'Érythrée a du faire face à de nombreuses difficultés après l'indépendance obtenue en 1993 et la rupture monétaire avec l'Éthiopie en 1995, dues aux sécheresses de 2002-2003 et à la situation politique, en particulier le conflit avec l'Éthiopie à partir de 1998.

Cependant, l'Érythrée a connu une croissance économique importante ces dernières années, avec un accroissement du produit intérieur brut (PIB) de 8,7% en 2011 et 7,5% en 2012. L'Érythrée dispose de nombreuses ressources naturelles, comme du cuivre, de l'or, de l'argent, du granit, du marbre, du potassium, du zinc, du sel et du fer et quelques sources de gaz et de pétrole dans ses eaux. En 2011, après la chute de la Jamahiriya arabe libyenne qui a soutenu l'économie érythréenne, depuis son indépendance, en offrant pétrole en suffisance sans frais, armes... elle ne compte plus que sur l'aide du Qatar (depuis 2008), qui lui permet de proposer éducation et soins gratuits à la population.

En 2011, l'indice de développement humain classait l'Érythrée au 156e rang sur 182 pays.

 

30% de la population vit sous le seuil de pauvreté en 2011.8

 

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l'%C3%89rythr%C3%A9e
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Issayas_Afewerki
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l'%C3%89rythr%C3%A9e
(4) Vincent Defait https://www.mediapart.fr/journal/international/210815/pourquoi-les-erythreens-fuient-en-masse-leur-pays?onglet=full
(5) Bertold du Ryon https://npa2009.org/arguments/ils-arriveront-quand-meme
(6) Interview de Mohamed Hassan par Grégoire Lalieu https://www.investigaction.net/fr/mohamed-hassan-pas-touche-a-l/
(7) Arun Kumar http://www.thedawn-news.org/2018/07/13/eritrea-ethiopia-peace-treaty-ends-decades-of-border-conflict/
Traduit en français à cette adresse : https://www.investigaction.net/fr/le-traite-de-paix-entre-lerythree-et-lethiopie-met-fin-a-des-decennies-de-conflit-frontalier/
(8) https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_l'%C3%89rythr%C3%A9e