La Zambie

 

Les premiers habitants connus de la région étaient les Bushmens, des chasseur-cueilleurs nomades.

Les bushmen demeurèrent les seuls habitants de la région jusqu'au IVe siècle, époque de l'invasion des bantous venant du nord.

 

L'ère Bantou

Les bantous maîtrisaient une certaine technologie. Ils étaient des agriculteurs, avaient des ustensiles et des armes en fer, en cuivre et faisaient de la poterie. Ils étaient principalement sédentaires et seule la nécessité de survivre les avait contraints à émigrer. La plupart des bushmen ne purent cohabiter avec ces bantous et beaucoup d'entre eux émigrèrent à leur tour, vers le sud où ils peuplèrent notamment le Sud-Ouest africain. L'introduction de l'agriculture favorisa donc le sédentarisme et la population augmenta. Vers le XIe et XIIe siècle, une civilisation émergeait bien que la plupart des villages vivaient en autosuffisance et que les populations ne se mélangeaient guère.

L'exploitation des mines de cuivre contribua à forger des relations entre les tribus et des pièces en cuivre servant au commerce furent alors utilisés dans les échanges. L'ivoire et le coton contribuèrent également à développer les relations commerciales et à solidifier des structures politiques et sociales souvent complexes.

Entre le XVIe et le XIXe siècle, des royaumes furent fondés, fragmentant le territoire en plusieurs États. On pouvait en discerner au moins cinq : les Kazembe-Lunda au nord près de la rivière Luapula ; les Bemba au nord-est ; les Chewas dans l'est ; les Lozi dans l'ouest en amont du fleuve Zambèze ; les Tonga au sud près du Zambèze.

La région fut longtemps fermée aux étrangers car difficilement accessible. Ni les commerçants arabes ni même les négociants portugais n'avaient pu aller aussi loin dans le continent africain. Au XVIIIe siècle, les Portugais, cherchant à relier leurs territoires d'Angola et du Mozambique, pénétrèrent dans la région par l'intermédiaire des Pombeiros, métis de Portugais et d'Africains.

La traite des Noirs s’était également développée dans la région sous le contrôle des marchands arabes de Zanzibar et des Portugais qui échangeaient des esclaves contre leurs marchandises.1

Les premiers non-Africains à entrer dans le pays sont les Portugais au XVIIIe siècle, suivis des commerçants arabes. En 1798, l’explorateur portugais Francisco José de Lacerda e Almeida dirige la première expédition scientifique menée par des Européens en Afrique. Le but de l'expédition de Lacerda e Almeida est de relier les deux territoires portugais de la région, le Mozambique, à l'est, et l'Angola, à l'ouest. Parcourant plus de 1 300 kilomètres depuis Tete, il arrive à Kazembe, alors partie de royaume Lunda, où il succombe à des fièvres en octobre 1798. L'expédition, désormais sous le commandement du père Francisco João Pinto, retourne à Tete sans essayer de poursuivre jusqu'en Angola. Le journal d'expédition de l'explorateur est sauvé et rapporté à Tete. Il est traduit en anglais par Richard Francis Burton et publié dans un ouvrage intitulé The Lands of Cazembe : Lacerda´s journey to Cazembe in 1798 2. Ce document restera le seul témoignage européen sur cette région pendant plus de cinquante ans, jusqu'au voyage du grand explorateur écossais David Livingstone en 1851 où il rencontrait le chef Sebetwane. Quatre ans plus tard, Livingstone découvrait les chutes d'eaux qu'il appela Chutes Victoria.

Dans les années 1870, l'État le plus important de la région du Haut-Zambèze était le royaume du Barotseland, dirigé par les Lozi. Ce royaume avait sans doute été fondé au XVIIIe siècle. Les Lozi avaient subi dans les années 1830 l'invasion d'un clan basotho (Tswanas), les Makololo, qui, sous la direction de Sebetwane, avaient fui les régiments de Shaka Zulu. Ce clan était devenu l'aristocratie du Barotseland, et Sebitwane son nouveau "litunga" (roi).

À Sebetwane avait ensuite succédé sa fille Mamochisane qui abdiqua peu de temps après en faveur de son demi-frère, Sekeletu. C'est sous le règne de celui-ci que l'empire des Makololo commença à s'effondrer et après sa mort en 1863, l'aristocratie Makololo avait été renversée par les lozi. Fuyant une mort certaine, les survivants Makololo avaient enfin émigré vers l'est pour s'établir au Nyassaland.

 

 

La colonisation de la Rhodésie du Nord

 

 

L'ère de la British South Africa Company

La British South Africa Company (BSAC) fondée par Cecil Rhodes pour développer et exploiter les territoires au nord du fleuve Limpopo avait été dotée d'une charte royale en 1889 l'autorisant à étendre les territoires en sa possession (Matabeleland et Mashonaland) et à augmenter ses ressources.

En 1890, au nord du fleuve Zambèze, par crainte d'une attaque des matabeles, le roi des Barotse, Lewanika, demanda lui-même la protection britannique. Rhodes qui venait de faire, peu de temps auparavant, annexer le Nyassaland, dépêcha ses émissaires Alfred Sharpe, Joseph Thomson et Frank Elliott Lochner auprès du roi Lewanika. Ce dernier signa alors un traité plaçant son territoire sous l'administration de la BSAC.

Les frontières du nouveau territoire n'étaient pas fixées et ne se distinguaient guère du territoire congolais du Katanga dont les mines avaient été découvertes par des sujets britanniques. Rhodes espérait annexer le Katanga à la Zambézie du Nord mais ce fut un échec. Néanmoins, la ceinture de cuivre toute proche se révélait prometteuse.

En 1891, cette nouvelle conquête territoriale de la BSAC, alors communément appelé Zambézie du nord, était en fait divisée administrativement en deux entités distinctes qui allaient s'appeler à partir de 1895, Rhodésie du nord-ouest et Rhodésie du nord-est, en hommage à Cecil Rhodes. Ce dernier rêvait alors de construire une transcontinentale allant du Cap au Caire en passant par les territoires rhodésiens.

En 1896, la révolte des Bembas est matée dans le sang.

En 1905, la capitale du territoire de Rhodésie du nord est fixé à Livingstone à la place de Victoria Falls toute proche mais située en Rhodésie du Sud. Livingstone fut alors vite relié par un chemin de fer au Congo belge. Cependant, la BSAC minora l'exploitation des mines, préférant utiliser la main-d’œuvre indigène pour le développement de la Rhodésie du Sud.

En 1911, la Rhodésie du Nord était administrativement unifiée et ses frontières définitivement délimitées.

Durant cette période, des missionnaires anglicans s'installèrent dans les diverses régions du territoire y ouvrant des églises, des hôpitaux et des écoles, évangélisant les populations locales en employant dans l'enseignement les langues locales. Contrairement aux européens et aux asiatiques les bantous n'avaient pas d'école, le savoir se transmettant de père en fils, ceux-ci associèrent d'abord les écoles et l'écriture à la sorcellerie.

En 1916, la British South Africa Company tenta d'unifier administrativement les deux territoires Rhodésiens. Elle dut renoncer face à l'opposition des colons de Rhodésie du Sud, nettement plus nombreux qu'en Rhodésie du Nord. Ces colons craignaient notamment que la pratique autorisant l'emploi d'africains dans l'administration publique, autorisé en Rhodésie du Nord, ne soit ensuite étendue à la Rhodésie du Sud où ces emplois étaient jusque là réservés aux seuls blancs.

 

Le protectorat de Rhodésie du Nord (1924-1964)

Le 1er avril 1924, la Rhodésie du nord devint un protectorat au sein de l'Empire colonial britannique. Son système institutionnel différenciait ainsi de celui décentralisé de la Rhodésie du Sud où un gouvernement colonial local avait été instauré.

Un conseil législatif fut institué en Rhodésie du nord sous la présidence d'un gouverneur britannique. Les premiers membres de ce conseil législatif étaient tous nommés et aucun système électoral n'était à l'origine prévu pour les désigner. Ils ne se divisaient pas moins entre ceux exerçant des fonctions exécutives (les officiels) et ceux qui n'en avaient pas (les non officiels). Les britanniques pratiquaient en fait le système de l’"administration indirecte" en s’appuyant sur les chefs autochtones.

En 1926, un système électoral fut instauré pour désigner 5 membres du conseil législatif qui siégeraient auprès des neuf membres non officiels désignés. Le système électoral mis en place était censitaire mais ne masquait pas le système ségrégationniste qu'il mettait en place. Le citoyen devait être sujet de sa majesté (sujet britannique), une qualité jusque-là quasiment exclusive des personnes de race blanche. Ainsi, en Rhodésie du Nord, les Africains n'étaient pas sujet britannique mais sujet sous protectorat britannique. Le citoyen devait par ailleurs maîtriser parfaitement l'anglais et avoir des revenus ou un patrimoine fixé à un montant minimum.

Les colons, peu nombreux, étaient principalement des industriels et des techniciens. S’ils n'étaient pas autorisés à acheter des terres, les colons pouvaient bénéficier de baux de 999 ans sur les terres de la Couronne alors que les terres des réserves indigènes étaient inaliénables. Celles-ci étaient d'ailleurs situées dans des régions sauvages et insalubres.

En 1928, quatre langues principales locales (cibemba, cinyanja, citonga et silozi) furent choisies pour être employées dans les écoles publiques en tant que langues d'enseignement durant les quatre premières années du primaire. En 1930, les cours d'anglais furent offerts dans les écoles zambiennes, à titre de langue de communication nationale.

En 1931, la ceinture cuprifère commença à être exploitée se révélant le deuxième gisement de cuivre du monde, hors Union soviétique. Le cuivre allait dominer toute la vie économique de la Rhodésie du nord et participait à sa prospérité. Le minerai se révélait essentiel pour le développement de l’industrie automobile et l’armement. L'exploitation de la ceinture de cuivre allait cependant développer et renforcer la ségrégation raciale. Les mines employaient alors 37 000 africains et 6 000 européens. Chaque groupe racial était organisé dans un syndicat, celui des blancs refusant d'intégrer celui des noirs. Les mineurs blancs avaient alors le niveau de vie de cette catégorie socio-professionnelle la plus élevée au monde et d'excellentes conditions de vie (logement dans des cités-jardins, services sociaux performants, domestiques africains à bas prix). Les compagnies avaient en fait utilisé les grands moyens pour faire venir en Rhodésie du Nord (alors surnommé péjorativement le "Johannesburg du nord-noir") une main-d’œuvre qualifiée et celle-ci fut essentiellement sud-africaine. Par ailleurs, seulement 20 % des bénéfices résultant de l'exploitation des mines étaient effectivement reversés pour les besoins propres de la Rhodésie du Nord.

En 1935, la capitale du territoire est déplacée à Lusaka, une ville alors de moins de 50 mille habitants.

En 1938, le conseil législatif s'ouvrit à la représentation des Africains en autorisant la nomination d'un représentant (blanc) de la majorité noire. À cette époque, la parité entre conseillers officiels et non officiels était atteinte (8 représentants chacun dont un représentant la population noire de Rhodésie du Nord). Ce fut aussi en 1938 que Roy Welensky, un syndicaliste des chemins de fer, fondateur un an plus tôt du Parti travailliste de Rhodésie du Nord, était élu au Conseil législatif pour la circonscription de Broken Hill.

En 1940, le syndicat des mineurs blancs obligeait les compagnies à inscrire dans leur contrat de travail une clause garantissant la discrimination raciale sur le lieu de travail.

En 1941, le conseil législatif de Rhodésie du Nord était composé de neuf élus, neuf officiels et d'un représentant des africains.

En 1946, on compte moins de 50 000 blancs en Rhodésie du Nord (soit un blanc pour 42 noirs). La moitié de cette communauté blanche est constituée de sud-africains. Chez les Africains, la tribu des Barotsés vivait sous un système spécifique de monarchie constitutionnelle en vertu d'un ancien accord contracté avec la reine Victoria. Le roi Mwanawina III, fils de Lewanika, continuait ainsi de régner dans le Barotseland, sur la plus importante tribu de Rhodésie du Nord.

En 1949, le syndicat nord des mineurs africains de Rhodésie du Nord s'organisa pour faire tomber la discrimination industrielle.

 

La fédération de Rhodésie et du Nyasaland (1953-1963)

Dans les années 50, Harry Nkumbula représentait le mouvement nationaliste africain. Il dirigeait alors le Congrès national de Rhodésie du nord (Northern Rhodesia Africain Congress). Il avait tenté d'organiser une conférence pan-africaine à Ndola avec les représentants nationalistes du Kenya, du Tanganyika, de l'Ouganda, de Zanzibar, de Rhodésie du Sud et du Nyassaland mais cela avait été un échec du fait que les autorités britanniques avaient refoulé les représentants africains dès leur arrivée en Rhodésie du Nord.

Le mouvement nationaliste s'était développé dans les mines de cuivre et avait gagné tout le territoire notamment à cause de l'instauration de la fédération de Rhodésie et du Nyasaland. Celle-ci suscitait une vive opposition de la part de la population autochtone du protectorat, laquelle craignait en effet de voir s'étendre sur le territoire nord-rhodésien, le régime de ségrégation raciale en vigueur en Rhodésie du Sud. Elle estimait également que la fédération n'était simplement qu'un moyen pour les blancs de maintenir et d'étendre leur suprématie en Afrique australe et que leur évolution vers l'indépendance politique ne soit compromise. Nkumbula organisa alors des marches pacifiques et des boycotts contre la fédération et contre la ségrégation, en prenant pour modèle la résistance passive du Mahatma Gandhi.

La fédération fut également décrié par les Blancs, notamment ceux de Rhodésie du Sud comme F. M. Van Eeden qui proposa sans succès que la fédération soit divisée et que la ceinture de cuivre de Rhodésie du nord soit intégrée à la Rhodésie du Sud et fondue dans un dominion blanc tandis que le reste des territoires retourneraient sous la tutelle du Colonial office.

La raison d'être première de la fédération était pourtant de faire contrepoids à l'Union d'Afrique du Sud dont le gouvernement était dirigé par des nationalistes afrikaners. L'État multiracial envisagé par le gouvernement britannique devait aussi permettre de sauvegarder les intérêts de l'Empire colonial britannique. Les blancs de Rhodésie du Nord furent les plus enthousiastes à l'idée de cette fédération car ils craignaient que le protectorat ne soit abandonné par la Couronne et que le Colonial office ne leur impose l'autonomie puis l'indépendance sur le modèle de l'évolution politique du Ghana. Les Rhodésiens du Sud y voyaient eux surtout un moyen d'assainir leur économie déficitaire.

Un projet de constitution provisoire (révisable au bout de 7 ans) fut publié en juin 1952 et adopté par le parlement britannique au nom de la Rhodésie du Nord et du Nyassaland (alors que les blancs de Rhodésie du Sud étaient consultés par référendum).

La constitution fédérale prévoyait que les Africains soient associés aux décisions du gouvernement pour leur permettre d'acquérir l'expérience de la gestion des affaires. Les Noirs pouvaient voter mais encore selon un système censitaire inégalitaire. Ainsi, six des 35 membres du parlement fédéral était des Noirs et trois Blancs supplémentaires devaient veiller au respect des intérêts des Africains. Un comité des affaires africaines fut d'ailleurs institué lequel pouvait en appeler au gouvernement britannique s'il estimait que les droits des Africains n'étaient pas respectés.

 

Le premier 1er ministre de la fédération fut Sir Godfrey Huggins (anobli sous le titre de Lord Malvern) et ancien premier ministre de Rhodésie du Sud. Le gouvernement fédéral s'attacha à développer l'industrie, monopole des colons blancs et l'agriculture, particulièrement les plantations de tabac mais il ne put empêcher cependant la paupérisation des zones rurales. L'un de ses projets phares (et héritage historique) fut la construction du barrage hydro-électrique du lac Kariba long de 200 km et large de 30 à 50 km, servant également de frontière entre la Rhodésie du Nord et la Rhodésie du Sud. L'énergie disponible devait servir à alimenter les grandes villes et les zones industrielles comme les mines de la ceinture de cuivre de Rhodésie du nord.

 

En 1959, Harry Nkumbula ayant décidé finalement de se rapprocher des Blancs du Parti fédéral uni de Welensky, des dissidents outrés comme Kenneth Kaunda, fondèrent alors le Parti de l'indépendance et de l'unité nationale (ou UNIP pour « United National Independence Party »). À la suite d'une manifestation de l'UNIP qui dégénéra à Ndola et qui se solda par la mort d'une femme blanche et de ses deux enfants, l'état d'urgence fut proclamée. L'UNIP fut interdite et Kaunda arrêté et jeté en prison pour 9 mois.

En 1960, une révision de la constitution fédérale de 1952 devait être négociée entre le gouvernement britannique, le gouvernement fédéral et les leaders noirs africains. Ces derniers quittèrent la conférence constitutionnelle pour protester contre l'état d'urgence et l'intransigeance des colons blancs de Rhodésie du Sud à ne pas vouloir partager le pouvoir. Ils ne tardèrent pas à engager des pourparlers avec le gouvernement britannique pour se retirer du processus de révision aboutissant ainsi à la faillite de la fédération.

En 1961, Kaunda déclencha une campagne de désobéissance civile. Tandis que les Blancs sont de plus en plus tentés par la sécession katangaise.

En 1962, les élections générales en Rhodésie du Nord furent remportées par l'UNIP de Kaunda (14 sièges) contre 7 à l'ANC de Nkumbula et 16 aux fédéralistes blancs partisans de Welensky. Kaunda et Nkumbula formèrent alors un gouvernement de coalition réclamant l'indépendance de la Rhodésie du Nord.

Le 16 mai 1962, le comité spécial des Nations unies sur la décolonisation se prononçait pour la dissolution de la fédération.

Le 30 octobre 1962, à la tribune des Nations unies, Roy Welensky, le premier ministre fédéral, tentait encore de sauver la fédération et déclarait « sans aucun doute, les Africains seront la majorité dans une quinzaine d'années » mais le 29 mars 1963, la Grande-Bretagne reconnaissait le droit à la sécession de la Rhodésie du Nord tout comme elle venait de la faire pour le Nyassaland.

Le 5 juillet 1963, la conférence de Victoria Falls, ultime tentative pour sauver la fédération, débouchait sur un constat d'échec.

Le 31 décembre 1963, la fédération de Rhodésie et de Nyassaland était officiellement dissoute et la Rhodésie du Nord redevenait un protectorat géré par le Colonial office.

 

Sur le chemin de l'indépendance de la Rhodésie du Nord

Aux élections de janvier 1964, le parti de Kenneth Kaunda, l’UNIP, remportait 55 des 85 sièges de l’Assemblée alors que les 75 000 Blancs de Rhodésie du Nord (le pays compte alors plus de 2 millions d'habitants) étaient représentés par 10 députés élus par un collège séparé.

Le 24 octobre 1964, la Rhodésie du Nord accède à l’indépendance sous le nom de Zambie, en hommage au fleuve Zambèze. Dans un pays qui compte plus de 70 langues bantoues les rivalités ethniques étaient telle qu´on décida de garder l´anglais comme langue officielle, afin de ne pas favoriser une communauté ou une chefferie.

 

La Zambie sous Kenneth Kaunda (1964-1991)

La première République de Zambie prévoyait un régime parlementaire pluraliste de type britannique, avec un président et un vice-président. Mais d'emblée, l’état d’urgence avait été proclamé et la Constitution amputée alors que l’indépendance du pouvoir judiciaire était remise en cause. Les premiers mois de la Zambie indépendante avaient en effet été marqués par des rivalités ethniques, opposant notamment les Lozis, qui s’estimaient lésés contre les Bembas, majoritaires. En réaction à ces conflits et aux grèves qui se multipliaient dans les mines, le système bascula rapidement vers la concentration des pouvoirs et l'autoritarisme au bénéfice du seul Kenneth Kaunda, lequel nommait et révoquait unilatéralement aux postes clés.

De nombreux programmes furent néanmoins lancés, notamment dans le domaine de la santé et de l’éducation, afin de corriger les inégalités sociales et raciales héritées du colonialisme. En novembre 1966, l'anglais devenait la seule langue nationale du système éducatif de la Zambie, mettant fin au système d'enseignement en langue locale de la période coloniale. Néanmoins, sept langues locales demeuraient reconnues comme matières d'enseignement sur une base régionale.

En 1968, les 10 sièges réservés aux Blancs à l’Assemblée nationale furent supprimés. Ce fut ensuite le tour des partis politiques d'être interdits à l'exception de l’UNIP. Pour Kaunda, le parti unique devait "permettre une meilleure intégration nationale, dans un pays artificiellement construit par les colonisateurs".

L'économie libérale fut abandonnée pour laisser la place à un système d'économie étatiste et socialiste. L'État zambien prit le contrôle des mines alors que dans l'agriculture, un plan donnait la priorité au développement de la culture du maïs, dont la production était également placée sous le contrôle de l’État.

En 1971, l'ancien vice-président Simon Kapwewe fondait un parti dissident de l'UNIP pour tenter de se présenter contre Kaunda. Le parti fut rapidement interdit et Kapwewe mis sous les verrous avant de rejoindre finalement le parti qu'il avait déserté.

En 1973, Kaunda imposa le parti unique avec liberté de candidature, dans le cadre de la seconde République de Zambie.

Mais à cette époque, la situation économique se dégradait fortement avec la chute des cours du cuivre et la diminution de la production, compliquée par la fermeture de la frontière rhodésienne, alors voie de passage obligée de transit pour la production zambienne. Il fut alors décidé d'accélérer la réalisation de la ligne de chemin de fer entre la Zambie et la Tanzanie, financée par des capitaux chinois et dès 1975, Lusaka était relié à Dar es Salaam.

Dans les années 70, Kenneth Kaunda encourageait également les mouvements de guérilla nationaliste, financées notamment par la Chine et l'Union soviétique, contre les pouvoirs blancs de Rhodésie du Sud, d'Afrique du Sud, du Sud-Ouest africain et des colonies portugaises. Il parvint cependant à maintenir de bonnes relations avec les pays occidentaux et à se rapprocher de l'Afrique du Sud à partir de 1975 grâce à l'établissement de contacts personnels avec le premier ministre sud-africain John Vorster, avec qui il s'était allié pour mettre fin au problème rhodésien. Bien qu'avocat des sanctions contre le pays de l'apartheid, Kaunda maintenait des relations commerciales étroites notamment pour la fourniture de produits alimentaires à la population zambienne.

En octobre 1980, une tentative de coup d'État échoua alors que les mines de la ceinture de cuivre sont en ébullition et que les syndicats s'opposent de plus en plus au gouvernement. Bien que potentiellement l'un des pays les plus riches d'Afrique (13 % de croissance par an notamment entre 1964 et 1969), la Zambie s'enfonçait en fait dans la misère, accentué par la chute du prix du cuivre au début des années 80.

En avril 1982, Kaunda essayait de relancer ses contacts personnels avec les dirigeants sud-africains et rencontrait Pieter Botha, le successeur de Vorster, à la frontière botswano-sud-africaine pour tenter notamment de le convaincre de retirer l'Afrique du Sud de la Namibie. Sans succès. Mais en 1984, ses efforts de médiateur portent leurs fruits quand les Sud-africains et les Angolais viennent signer à Lusaka un accord de non-agression.

En 1985, le revenu par habitant ne vaut plus que 30 % de son montant en 1974. En 1986, la monnaie locale, le kwacha est dévalué de 70 % sur recommandation du FMI (avec qui Kaunda se brouillait périodiquement).

À la fin de l'année 1986, des émeutes de la faim dans la ceinture de cuivre faisaient 25 morts et 150 blessés.

En 1987, l'inflation atteignait 600 %. Sur recommandation du FMI, la Zambie acceptait finalement de s'engager dans un programme d'austérité.

En 1988, Kaunda fut réélu pour un sixième mandat, à l’issue d’une élection sans opposition. Mais la crise économique qui frappait la Zambie dans les années 80, l'exode rural, l'essor démographique, la corruption et l'insécurité dans les villes avaient conduits à de violentes émeutes en 1990, alimentées par la fin du blocage des prix.

En août 1989, Kaunda tentait encore d'obtenir des succès en politique internationale à défaut de politique nationale. Il invitait Frederik de Klerk, alors président par intérim d'Afrique du Sud, à le rencontrer à Livingstone.

Mais en politique interne, une coalition anti-Kaunda poussait ce dernier à accepter le retour au pluralisme politique et à l’organisation d’élections libres.3

 

 

Retour au multipartisme

 

Frederick Chiluba (1991-2002)

Chiluba se présente comme candidat au nom du MMD à l'élection présidentielle de 1991, première élection multipartite depuis 20 ans, et l'emporte face au président sortant Kenneth Kaunda avec 81 % des voix. Chiluba est investi le 1er novembre 1991 avec Levy Mwanawasa comme vice-président. En 1994, Chiluba doit faire le ménage dans son équipe, plusieurs hauts responsables étant accusés de trafic de drogue et de corruption. Le MMD perd un peu de sa superbe et quelques sièges aux législatives mais Chiluba obtient un second mandat présidentiel de cinq ans en 1996.

En 1998, Chiluba fait emprisonner sans jugement l'ancien président Kenneth « K. K. » Kaunda pour quelque temps.

Malgré une majorité confortable pour le MMD au parlement, Chiluba ne réussit pas à faire modifier la constitution pour l'autoriser à briguer un troisième mandat. Son mandat s'achève le 2 janvier 2002 et il est remplacé par Levy Mwanawasa.4

 

Levy Mwanawasa (2002-2008)

Dès son entrée en fonction, le président Mwanawasa lance une grande opération mani pulite dont le temps fort est la mise en examen de l'ancien président Chiluba et de nombre de ses proches fin 2003. Certains ne voient dans cette opération anti-corruption qu'un moyen pour Mwanawasa de se débarrasser des factions du MMD qui refusent sa mainmise sur le parti, et de mettre Chiluba hors-jeu.5

 

 

Une économie dans le gouffre

En 2003, l’agriculture zambienne emploie 85 % de la population active pour environ 25 % du PNB mais ne permet pas d’atteindre l’autosuffisance : 2,9 millions de personnes sont dépendantes de l’aide alimentaire. Les mauvaises récoltes ont provoqué une hausse de 30 % du prix du maïs, denrée de base du pays.

Oxfam a calculé que la Zambie déboursait trois fois plus pour le service de sa dette que pour l’éducation primaire alors que de très gros efforts sont à faire dans ce secteur. En moyenne, le service de la dette a compté pour 10 % du PNB contre 5 % pour tous les secteurs sociaux confondus (Document stratégique de lutte contre la pauvreté, DSRP Zambie, p.27). Le pays manque aussi cruellement de médicaments ; d’après une étude de l’UNICEF sur l’impact du SIDA, l’espérance de vie à la naissance a perdu 11 années entre 1990 et 2000. Elle est de 40,5 ans en 2003.

L’économie zambienne était axée quasi exclusivement sur la production du cuivre qui alimentait à plus de 50 % le budget de l’État (5e producteur mondial). Las, ce « trésor rouge » a fait long feu : baisse du prix du minerai et épuisement des gisements à haute teneur en métal ont bloqué net, au milieu des années 70, les « dix années d’insouciance » qui suivirent l’indépendance (1964). Ont pris le relais une régression économique dramatique et un endettement colossal : 6,5 milliards (mds) de dollars en 2002. Le cuivre, le cobalt et le zinc représentent pourtant encore 75 % des revenus d’exportation. 60 % du commerce extérieur de la Zambie passe par les ports de la république de l’Afrique du Sud, son deuxième partenaire commercial.

En 2003, selon les chiffres de l’union syndicale ZCTU (Zambia Congress of Trade Unions), 11 % de la population active travaillent dans le secteur formel et 89 % se partagent entre secteur informel et sans emploi. Le PNB par habitant et par an s’élève à 320 $ (DSRP).

 

La dette, le sempiternel boulet au pied

« Le fardeau de la dette est intolérable et ruine les efforts du gouvernement pour développer le pays » a déclaré en janvier 2003 le président Mwanawasa. Où trouver 420 millions de dollars par an pour le service de la dette ? Les privatisations menées à marche forcée n’ont rapporté que 1,3 milliard de $ en dix ans. Insolvable, la Zambie est devenue éligible à l’initiative PPTE en 2000. Le « point d’achèvement » était prévu fin 2003 à condition que le pays vende ses dernières entreprises nationales comme le dit cyniquement Mark Ellyne, le représentant du FMI à Lusaka. L’allégement de « période intérimaire » a permis, en 2002, de réduire de 200 millions de $ le service de la dette qui s’est donc élevé à 220 millions de $. En 2003, allégement déduit, la somme à rembourser s’élèvera à 300 millions de $. Le FMI table sur des taux de croissance optimistes (4,3 % en 2002 puis 4 % les années suivantes) bien que dans la version finale du DRSP (2002), le gouvernement zambien déclare (page 18) que « pendant la période 1990-1999 [la Zambie] a eu le plus faible taux de croissance de toute [l’Afrique sud tropicale], 1 % ». Le FMI prévoit également des revenus d’exportation hautement optimistes : +6,4 % en 2003, alors que les termes de l’échange se détériorent d’année en année.

 

Privatisations et exportations, encore et encore après tant d’années d’échec !

Les 10 années précédentes, 257 des 280 entreprises d’État ont été privatisées et 105 000 emplois supprimés. Andrew Chipwende, responsable de l’Agence de privatisation zambienne (ZPA), déclarait en février 2002 à Lusaka que 50 000 de ces suppressions d’emploi étaient consécutives aux fermetures d’unités dues aux privatisations, mais que 80 % des postes du secteur public devaient de toute façon être supprimés. Il est vrai que dans les mines, par exemple, la vétusté des installations ne permettait qu’une production à 30 % du potentiel. Modernisées par les acquéreurs étrangers, les mines permettront de rapatrier de substantiels bénéfices qui échapperont à la population et au gouvernement zambiens.6

 

 

Élections présidentielles de 2006

Levy Mwanawasa s’engage dans la campagne présidentielle de 2006 en mettant en avant ses ''bons'' résultats économiques, en particulier la progression de la croissance et la baisse de l’inflation. Le 28 septembre, il est largement réélu avec 42,98 % des suffrages contre 29,37 % pour Michael Sata (Front patriotique, PF) et 25,32 % pour Hakainde Hichilema (Alliance démocratique unie, UPND).

Le 1er juillet 2008, il est admis dans un hôpital parisien à la suite d'un malaise survenu deux jours plus tôt lors du sommet de l'Union africaine à Charm el-Cheikh en Égypte. Il est décédé dans l'établissement français où il avait été hospitalisé le 19 août 2008.7

Rupiah Banda, alors président par intérim depuis l'accident vasculaire le 29 juin 2008, se présente à l'élection présidentielle du 30 octobre. Soutenu par le parti au pouvoir, le MMD, il est élu 4e président de la République de Zambie et est investi pour un mandat de trois ans le 2 novembre. Il perd le scrutin du 20 septembre 2011 face à Michael Sata.8

 

 

Mine de charbon de Collum - un directeur tué lors d'une grève

Un directeur a trouvé la mort le 3 août 2012 lors d'un conflit qui s'est déroulé dans la mine de charbon de Collum, dans le sud de la Zambie.

Les mineurs s'étaient mis en grève après avoir constaté que la paye de juillet n'atteignait même pas le salaire minimum récemment obtenu par les employés de commerce (1,1 million de kwachas par mois, soit 182 euros). La colère des mineurs et des villageois s'est abattue sur les responsables chinois de la mine, dont l'un a été mortellement heurté par un chariot envoyé dans sa direction.

Les mineurs ont, indépendamment du salaire, de multiples motifs de révolte. Les conditions de travail qui leur sont imposées par les responsables des mines de cuivre ou de charbon sont insoutenables. Selon des témoignages, à Collum Coal, il leur faut descendre à pied quelque mille marches d'escalier pour patauger, la plupart du temps douze heures par jour, dix-huit parfois, dans des galeries obscures, étroites et dangereuses. Pas d'éclairage, pas d'étayage correct, pas même un masque pour se protéger de la poussière de charbon, comme le déclarait, en octobre 2010, un jeune mineur rescapé d'un éboulement où il était resté enseveli plusieurs minutes. « Après les dynamitages, on n'a plus qu'à respirer la poussière. Et si tu ralentis la cadence, les Chinois te frappent », ajoutait-il en faisant allusion au harcèlement permanent des mineurs de la part des responsables, qui refusent d'attendre que la poussière soit retombée. Les mineurs suspectés d'être syndiqués sont immédiatement licenciés, d'autant plus que l'absence de contrat de travail est courante.

À l'époque déjà, une grève avait éclaté au puits n°3 de Collum à la suite de ponctions sur la paye, liées à des jours de chômage technique sans préavis, annoncés du jour au lendemain aux mineurs. Deux responsables avaient alors tiré sur les grévistes, blessant treize d'entre eux. Arrêtés par la police, ils avaient été rapidement libérés sous caution et, un an plus tard, le gouvernement avait abandonné les poursuites.

Il en est ainsi, d'après une ONG, dans les mines de charbon comme dans les mines de cuivre qui fournissent les trois quarts des exportations du pays et les deux tiers des rentrées de l'État. Corruption gouvernementale, conditions de travail dangereuses, bas salaires, tel est le quotidien des ouvriers dans cette ancienne colonie britannique de près de treize millions d'habitants. Pauvres, mais dans un pays riche de son sous-sol, largement exploité par les Glencore et autres multinationales sud-africaines, britanniques et chinoises.9

 

 

Présidence intérimaire de Edgar Lungu

Après la victoire de Michael Sata et du Front patriotique à l'élection présidentielle de 2011, Edgar Lungu est nommé ministre des Affaires intérieures, fonction dans laquelle il se signale par une répression accrue à l'égard des homosexuels, avant d'être nommé en 2013, ministre de la Justice et de la Défense. Le 19 octobre 2014, quand le président Sata est hospitalisé, il assure de facto les fonctions de président pendant dix jours jusqu'à la mort de celui-ci.

Il est candidat du Front patriotique à l'élection présidentielle intérimaire de janvier 2015 à l'issue de laquelle il est élu.10

Lors de la campagne présidentielle, la taxe sur les revenus du cuivre fut au au cœur de l'affrontement entre les deux principaux candidats. Le cuivre est la principale ressource de la Zambie. Edgar Lungu, membre du gouvernement sortant, était contesté pour avoir soutenu la hausse des taxes sur les revenus des minerais. Essentiellement du cuivre en Zambie, huitième producteur mondial, deuxième producteur d'Afrique.

La nouvelle loi minière a triplé le prélèvement de l'État sur les revenus dans les mines à ciel ouvert, la redevance est portée à 20 %. Le problème c'est que cette loi entrait vigueur en janvier, alors que les cours du cuivre s'étaient effondrés. Les groupes miniers ont bien sûr fait pression pendant toute la campagne pour que les candidats promettent de revenir sur cette loi, qui coûterait selon eux 7 milliards de dollars au pays dans les cinq ans à venir.

Le secteur minier avait le soutien du candidat de l'opposition, Hakainde Hichilema, un homme d'affaires. Mais les entreprises d'extraction ont aussi réussi à convaincre les syndicats que cette loi était nuisible aux quelque 12 000 emplois du secteur. Il faut dire que le groupe Barrick Gold est allé jusqu'à menacer, quelques jours avant l'élection présidentielle, de fermer sa mine de cuivre dans le nord-ouest du pays. La position d'Edgar Lungu, le candidat du gouvernement sortant, qui avait mis en place cette mesure, était donc très inconfortable. Edgar Lungu a donc par prudence fait entendre que la législation de son gouvernement sur le cuivre n'était pas gravée dans le marbre et qu'elle serait revue.11

 

Lungu réélu en 2016

Cet avocat de 59 ans n’a pris la tête du pays qu’en janvier 2015, lors de l'élection présidentielle intérimaire convoquée après la mort de Michael Sata, fondateur du Front patriotique. Edgar Lungu l’avait alors déjà emporté d’une très courte tête (1,4 % d’écart), devant son rival Hakainde Hichilema, dans un scrutin à un seul tour.12

 

Réélu le 15 août 2016 avec 50,3% de voix, le président sortant démarre un nouveau mandat de cinq ans dans un contexte de tensions politiques. Moins de 24 heures après l’annonce de la réélection du président Edgar Lungu, les partisans de l’opposition se sont rassemblés dans plusieurs villes du sud du pays pour contester ce résultat. Selon le chef de la police zambienne, des manifestants ont bloqué les routes avec des troncs d'arbres et des pneus en feu. Ils s’en sont également pris aux biens de partisans présumés d’Edgar.13

 

 

Économie

L'économie de la Zambie repose sur l'agriculture, l'exploitation des mines de cuivre et de cobalt, et sur le tourisme.

La Zambie produit du maïs. Le gouvernement essaie de développer l’agriculture d’exportation avec les cacahuètes et le tabac.
La Zambie est encore un grand exportateur de cuivre et de cobalt, mais les gisements sont de plus en plus inaccessibles et moins riches.

73 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. La dette extérieure du pays est de 6,5 milliards de dollars.

L'espérance de vie était de 49 ans en 2010. Le taux de prévalence du SIDA est élevé, avec un taux estimé à près de 13,5 % des adultes entre 15 et 49 ans en 2009.

 

 

Éducation

La scolarisation a considérablement progressé depuis l'indépendance en 1964. En 1997, 82 % des enfants de 6 à 12 ans étaient scolarisés, mais ce pourcentage tombe à 28 % pour la tranche de 12 à 18 ans et le taux d’universitaires est encore plus bas.

La Zambie est un pays sans scolarité obligatoire. Une importante minorité de la population est analphabète.
Le taux d'alphabétisation atteint 75 % (en 2005), la majorité des analphabètes est féminine par manque d'accès de l'école aux filles et jeunes femmes.14

 

 

Glencore : comment une multinationale pille l’Afrique avec la complicité de l’Europe

Mise en danger de la population, dégradation de l’environnement, pillage des ressources minières, évasion fiscale et transferts douteux via des paradis fiscaux… tel est le bilan en Zambie de la multinationale suisse Glencore. Avec la bénédiction de la Banque européenne d’investissement, qui finance ses activités. Comment l’Europe et la France sponsorisent la guerre économique et la destruction d’un territoire d’Afrique ? Enquête sur un scandale financé sur des fonds publics.

« C’est Bagdad… c’est comme s’il y avait eu une guerre, mais il n’y a pas eu de guerre », décrit un habitant de la ville de Kankoyo, en Zambie. La région de la Copperbelt (Ceinture de cuivre) est rongée par les pluies acides et les pollutions industrielles, les habitants ne mangent pas à leur faim. La guerre ? C’est le pillage organisé par des entreprises minières, notamment européennes, dans le plus grand mépris des populations et de l’environnement. Avec la bénédiction de l’Europe, qui sponsorise via la Banque européenne d’Investissement (BEI) le développement de ces compagnies d’extraction. Depuis 10 ans, la BEI, plus grande institution financière publique mondiale, a accordé 650 millions d’euros de prêt à des mines de la Copperbelt. L’État français apporte 37 milliards d’euros au capital de la BEI. En 2011, Christine Lagarde, alors ministre des Finances, fait partie du Conseil des gouverneurs de la banque.

La BEI affirme qu’elle aide au développement durable de la région. Et ferme les yeux devant les très importants abus sociaux et environnementaux. Évaluer l’impact des mines ? Les entreprises font leur propre évaluation, ce qui semble suffire à la BEI. Pollution et exploitation ? Nulle part. Les entreprises ne payent pas d’impôt ? Elles affirment ne pas faire de bénéfices… Et jusqu'à présent, le gouvernement zambien n’insiste pas pour augmenter la fiscalité. Selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), plus de 50% des exportations de cuivre de Zambie sont à destination de la Suisse. Sans doute pour les grands besoins en cuivre de ce petit paradis fiscal !

 

Une destruction de l’environnement financée par l’Europe

En 2005, la BEI accorde un prêt de 48 millions d’euros au consortium Mopani Copper Mine (MCM), plus importante compagnie minière de Zambie, dont l’actionnaire majoritaire est la très controversée entreprise suisse Glencore. Objectif de ce prêt ? Créer une nouvelle fonderie sur le site de Mufulira, et diminuer la pollution de la zone, notamment les émissions de soufre, maintenir l’emploi et réduire la pauvreté. Une étude menée par l’ONG Les Amis de la Terre sur la mine de cuivre de Mopani montre que les effets sont à l’opposé des objectifs affichés par la BEI et MCM.

À proximité du site de Mufulira, l’air est lourd et métallique. Les émissions de soufre dépassent jusqu’à 72 fois les limites légales, celles de plomb atteignent 90 fois la norme. Les mesures effectuées révèlent aussi un taux d’arsenic jusqu’à 16 fois supérieur aux limites. Les émissions de soufre provoquent des pluies acides, qui détériorent les sols : « À Kankoyo, il ne pousse que des cactus et des avocatiers. Impossible pour les autres semences de survivre », témoigne Anne-Sophie Simpere, qui a réalisé une mission d’étude pour les Amis de le Terre. Les toits en tôle des maisons sont rongés par l’acide. « Du fait de l’acidité de l’air, la peinture ne tient pas trois mois. »

 

Des centaines de personnes intoxiquées à l’acide sulfurique

L’extraction produit d’énormes quantités de déchets : 110 tonnes de déchets sont extraits et 200 tonnes de matériaux déplacés, pour une tonne de cuivre produite. Les bassins de décantation où sont versés les résidus toxiques sont laissés à ciel ouvert, au mépris de toute sécurité. Et les canalisations qui évacuent ces résidus toxiques à travers les villes et les campagnes ne sont pas suffisamment protégées. Les habitants évoquent les fuites régulières ou explosions. Ce sont eux qui sont obligés de nettoyer les résidus toxiques, car le groupe Mopani se limite à réparer les tuyaux défectueux. En 2007, un rapport de l’ONG Citizens for a better environment a accusé Mopani de déverser des boues dans la rivière voisine. Tout signe de vie aquatique a disparu.

Depuis 2003, Mopani utilise une méthode d’extraction – la lixiviation – moins chère mais plus polluante, dont le principe est d’injecter de l’acide sulfurique dans les sols pour désintégrer le cuivre des gisements, avant de le pomper. Problème : la solution d’acide sous pression dans les gisements peut migrer. Et les gisements sont à proximité des nappes d’eaux souterraines. Malgré de nombreux accidents, qui entraînent des coupures d’eau pendant parfois plusieurs semaines, l’entreprise n’est pas inquiétée. En 2008, 800 personnes se rendent à l’hôpital après avoir bu de l’eau contaminée par l’acide sulfurique. Conséquence pour l’entreprise MCM ? Quelques centaines de dollars d’amende. Plus inquiétant : c’est MCM elle-même qui fournit les évaluations de la contamination de l’eau, car le Conseil environnemental de Zambie n’a pas les équipements nécessaires.

 

Exploitation salariale et aveuglement meurtrier

Pour la BEI, Mopani est un projet qui préserve l’environnement. Le prêt accordé doit permettre de réduire les émissions de soufre, qui « seront conformes à la réglementation zambienne » en… 2015. Un engagement à se mettre aux normes neuf ans après l’octroi du prêt de la BEI, pendant que les populations sont empoisonnées… un tel laxisme de la part de la banque européenne laisse songeur. « Comme le projet est réalisé dans une zone industrielle existante, la question du préjudice éventuel pour la préservation de la nature et la biodiversité ne se pose pas (...) L’impact environnemental est largement positif », détaille le rapport de la BEI en 2004. « Aujourd’hui la BEI est sur la défensive, explique Anne-Sophie Simpere. Les représentants de la BEI continuent à affirmer qu’il n’y a pas de pollution. En allant sur place, on ne peut pas se raconter d’histoires. Mais ils ne voient que ce qu’ils veulent voir. »

Un argument de la BEI ? Le projet doit permettre de « sauvegarder directement au minimum quelque 1.210 emplois et d’en stabiliser 4.800 autres chez MCM ». Mais en 2008-2009, l’entreprise licencie 1.000 personnes, sans préavis. En 2006, plus de la moitié des salariés sont sous-traitants, pouvant être payés jusqu’à deux fois moins que les salariés. Le nombre d’accidents du travail est d’ailleurs jugé alarmant : plus de 20 salariés de Mopani sont morts en 2005, année de l’octroi du prêt de la BEI.

 

Des entreprises qui soi-disant ne réalisent aucun bénéfice

Depuis l’effondrement du prix du cuivre dans les années 1970, la Zambie a subi une politique d’ajustements structurels dans les années 1990 pour apurer sa dette. Résultat ? À la fin de la décennie, les compagnies nationales de cuivre sont démantelées et les mines privatisées, sous l’influence de la Banque mondiale. Dans un contexte de corruption gouvernementale, les mines sont bradées : vendues à 627 millions de dollars, alors que les experts estimaient leur valeur minimale à 3 milliards de dollars. En 2006, le cours du cuivre atteint des niveaux record : le prix est 350 % celui des années 1990. Pour le plus grand bénéfice des sociétés européennes installées sur place.

Le prix du cuivre ne bénéficie en rien à la Zambie. « En 2007, les revenus miniers contribuaient approximativement à 0,2 % du PIB en Zambie : c’est de l’ordre de l’erreur statistique », souligne en 2009, M. Kapil Kapoor, représentant de la Banque mondiale pour la Zambie. Le gouvernement zambien a accordé de nombreuses exemptions fiscales, une taxe sur les sociétés de 25 % au lieu de 35 %, et un taux de royalties dérisoire de 0,6 % (passé à 3 % en 2008). En comparaison, les royalties des industries d’extraction du cuivre au Chili devraient bientôt se situer entre 5 et 14 %. Des « accords de développement » prévoient aussi des « périodes de stabilité » pour les entreprises minières en Zambie, les protégeant de toute nouvelle législation qui pourrait être adoptée, pour une durée allant jusqu’à 20 ans.

 

La Zambie se fait escroquer la moitié de son PIB

Selon la Zambia Revenue Authority, autorité chargée de la collecte des impôts, depuis 2000 Mopani ne paye pas d’impôts sur les bénéfices. L’entreprise affirme ne pas faire de profits… mais refuse de donner accès à ses comptes. La ZRA invoque une « obligation de confidentialité » pour ne pas dévoiler le montant versé par le consortium à l’Etat zambien. Selon la ZRA, seule une compagnie minière sur 12 paye l’impôt sur les bénéfices, alors que l’activité minière représente 60 % des exportations en valeur de la Zambie.

En 2008, à la douane zambienne, 50 % des exportations de cuivre étaient supposées partir en Suisse. Mais les données suisses indiquent que la plupart du cuivre n’arrive jamais dans le pays… Et le cuivre (ré)exporté par la Suisse est vendu beaucoup plus cher que celui exporté par la Zambie. Évaporation de matières premières, bénéfices réalisés lors de transferts douteux par le paradis fiscal suisse... Heureusement, la BEI soutient l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives ! Selon l’ONG Christian Aid, si la Zambie recevait pour son cuivre le montant des prix à l’exportation de la Suisse, elle aurait en 2008 ajouté 11 milliards de dollars supplémentaires à son PIB, qui était de 14 milliards en 2011...

 

Le lourd passif de Glencore, spécialiste de l’« optimisation fiscale »

Au vu de la situation en Zambie, les graves dérives de ce projet minier étaient prévisibles, souligne le rapport des Amis de la Terre. Comment la BEI peut-elle cautionner ce type de projet ? « Nous ne participerons à aucune pratique criminelle, frauduleuse ou de corruption », affirme sur son site l’entreprise Glencore, propriétaire de la mine MCM. « Nous offrons des emplois et de nombreux autres avantages, ce qui contribue directement et indirectement à la prospérité et au développement de nos pays d’accueil en général et dans les communautés locales en particulier. »

Voilà qui a dû rassurer la BEI… Et faire oublier le lourd passif du groupe Glencore, accusé de « complicité » et de « pillage systématique », pour avoir racheté puis liquidé la société française Metaleurop. Glencore avait transféré ses titres de Metaleurop dans une société offshore, Glencore Finance Bermuda. En Colombie, la multinationale, propriétaire de mines de charbon, est accusée d’être responsable de violations des droits de l’Homme. Avec l’aide de l’armée, elle aurait rasé des villages entiers et exproprié des habitants. En Zambie, elle est aussi soupçonnée de corruption sur le commerce de cobalt. L’entreprise est également citée pour avoir versé des commissions occultes à Saddam Hussein. Un vrai modèle de responsabilité sociale et environnementale…

 

Quand nos impôts financent des pratiques criminelles

Glencore, qui emploie 50.000 personnes à travers le monde, a réalisé un chiffre d’affaires de 106 milliards de dollars en 2009. Elle possède 66 milliards de dollars d’actifs. Soit 5 fois plus que le PIB de la Zambie. Fondée en 1974 par Marc Rich, sulfureux homme d’affaires condamné par la justice américaine pour fraude fiscale et contournement de l’embargo d’Iran, l’entreprise est installée à Zoug, l’endroit le plus fiscalement favorable de Suisse. Elle s’est vue décerner en 2008 le Public Eye award de la pire entreprise de l’année. En quoi une telle entreprise mérite-t-elle de recevoir des fonds publics pour le développement ? Une aide de la BEI permet d’attirer des bailleurs de fonds, en jouant un rôle de catalyseur. Visiblement, Glencore n’a absolument pas besoin d’un tel soutien pour faire des affaires… L’entreprise, leader des traders de matières premières, prévoyait de lever 10 milliards d’euros pour son entrée en bourse en 2011.

Le BEI finance beaucoup d’autres projets de ce type. Entre 2000 et 2007, 80 % des financements de la BEI en Zambie sont allée au secteur minier. Évaluations et analyses indépendantes sont absentes. « Du moment que la BEI se fait rembourser, elle se fout du reste, s’emporte Savior Mwambwa, directeur de l’ONG zambienne CTPD. Cette industrie provoque des effets en chaîne sur d’autres secteurs, sur les écoles, les hôpitaux. Depuis la privatisation, tout le monde est conscient que ce n’est pas un problème local. Nous ne nous battons pas seulement contre le projet de Mopani, même s’il nous semble emblématique de ces dérives. »

La BEI, « banque de l’Union européenne », est spécialiste du financement du réchauffement climatique, des décisions opaques, des « prêts pourris » à l’Afrique. Avec un capital de 232 milliards d’euros, et près de 80 milliards de financements accordés par an, elle pourrait être un levier pour une transition vers un autre modèle de développement. Ses dirigeants, ministres des Finances des pays européens, préfèrent visiblement investir dans la destruction de territoires, l’exploitation de populations, et la promotion d’échanges commerciaux injustes. « La pauvreté induite par ces industries minières est celle d’un pays en guerre, constate Savior Mwambwa. Nous voulons nous battre contre ces compagnies, comme si nous étions en guerre ». Ce qui suppose aussi de combattre la politique de la BEI, bras armé de la guerre libérale, financée sur fonds publics.15

 

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Zambie
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Zambie
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Zambie
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Frederick_Chiluba
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Levy_Mwanawasa
(6) Alain Saumon http://cadtm.org/Lugubres-mascarades-en-Zambie
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Levy_Mwanawasa
(8) https://fr.wikipedia.org/wiki/Rupiah_Banda
(9) Viviane Lafont http://www.lutte-ouvriere-journal.org/lutte-ouvriere/2297/dans-le-monde/article/2012/08/10/27930-zambie-mine-de-charbon-de-collum-un-directeur-tue-lors-dune-greve.html
(10) https://fr.wikipedia.org/wiki/Edgar_Lungu
(11) Claire Fages http://www.rfi.fr/emission/20150120-le-cuivre-enjeu-election-presidentielle-zambie/
(12) http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/08/15/zambie-le-president-edgar-lungu-reelu_4983016_3212.html
(13) http://africa1.com/spip.php?article70992
(14) https://fr.wikipedia.org/wiki/Zambie
(15) Agnès Rousseaux http://www.bastamag.net/Glencore-comment-une