Origines
Le territoire géorgien, comme celui de tout le Caucase, se trouve dans une position de carrefour entre les puissances qui l'entourent. Les Scythes ravagent la région au VIe siècle av. J.-C., invasion suivie d'une annexion iranienne (dynastie achéménide, le premier Empire perse). Durant la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., le conquérant Alexandre le Grand atteint à son tour les frontières de la Géorgie actuelle. Son règne est une étape marquante vers une société géorgienne unifiée, unification qui ne se produira que plusieurs siècles plus tard.
Au IIIe siècle av. J.-C., la Géorgie était divisée en deux : une partie occidentale, de culture grecque (la Colchide) et une partie orientale et indépendante, l'Ibérie. Alors que la Colchide devait bientôt tomber aux mains de ses puissants voisins (du royaume du Pont à l'empire romain), l'Ibérie, quant à elle, se développait peu à peu jusqu'au point de rivaliser avec l'Arménie pour le contrôle du Caucase. Mais la République romaine disposa bientôt de la faible puissance du petit royaume qui fut vassalisé par Rome jusqu'à l'arrivée des Arsacides aux frontières géorgiennes. Ceux-ci envahirent à leur tour le pays dès le IIe siècle de notre ère. L'Ibérie constitua dès lors une source de conflit, au même titre que l'Arménie, entre l'Empire romain et l'Empire iranien (les parthes).
Entrée de la Géorgie au Moyen Âge
La Géorgie orientale change considérablement au IVe siècle. L'Ibérie passe non seulement de la vassalité sassanide à une autre vassalité perse (parthe), mais entre dans le monde romain. Durant la décennie 330, la Géorgie se convertit au christianisme apporté par sainte Nino de Cappadoce, une nonne de Jérusalem de la famille de Georges de Lydda qui convertit le roi Mirian III et son épouse. La culture géorgienne se développe à travers la chrétienté et atteint son apogée avec le règne de Vakhtang Ier Gorgassali, monarque vainqueur des Perses et des Byzantins, de ses proches vassaux et des lointains Indiens.
À la fin du Ve siècle, l'Ibérie et la Colchide s'allient, et tentent une première unification. L'avènement de la puissance ibère est anéanti par la mort du roi Vakhtang Ier, dans les années 580 : la Perse annexe la Géorgie orientale qui devient une province. Une période trouble s'ensuit, la Géorgie est divisée à maintes reprises entre les Perses, les Byzantins, les Arabes et quelques princes locaux assez puissants pour reprendre provisoirement le titre de roi.
À la fin du IXe siècle, après la décadence engendrée par les invasions arabes du VIIe siècle, le prince de Tao, Adarnassé IV, unifie la Géorgie orientale et prend le titre de « roi des Géorgiens », probablement aidé par son voisin arménien.
Le royaume de Géorgie
Au début du XIe siècle, le prince Bagration (descendant du premier roi des Géorgiens, Adarnassé IV), Bagrat III d'Abkhazie, unifie pour la première fois de son histoire la nation géorgienne, du royaume d'Abkhazie à celui de Kakhétie, rassemblant dans un unique État tous les pays partageant la même religion et la même culture que l'Ibérie. En quelques années, Bagrat III réussit par ailleurs à soumettre bon nombre de ses voisins, dont l'émirat de Gandja. Dans un but politique, il se sépare de la tradition pro-byzantine de ses ancêtres et s'allie avec le Califat fatimide, musulman, contre Constantinople. Pour cette raison, la première moitié du XIe siècle est principalement illustrée par les nombreux conflits militaires entre le Royaume de Géorgie et l'Empire byzantin.
À la fin des années 1040, le conflit cesse et laisse place à une autre inimitié, cette fois entre Géorgiens et Seldjoukides, eux aussi musulmans. La guerre éclate en 1048 : les forces alliées de la Géorgie et de Byzance triomphent d'abord de l'Empire seldjoukide à la bataille de Kapetrou, engagent une croisade géorgienne en raison du caractère religieux du conflit, mais battent finalement en retraite : de terribles dévastations sont perpétrées sur le territoire géorgien par les Seldjoukides jusqu'à la fin du XIe siècle.
À peine monté sur le trône, le jeune roi David IV repousse les troupes de l'envahisseur et conquiert plusieurs régions jusqu'à former un empire géorgien : il unifie les terres situées entre la mer Noire et la mer Caspienne, et réalise la conquête de l'Arménie et de l'Alanie. Ses successeurs achèvent au début du XIIIe siècle la prise de contrôle du sud transcaucasien : le règne de la reine Tamar de Géorgie constitue l'apogée du Royaume de Géorgie.
Plusieurs révoltes nobiliaires éclatent, et en 1223, les Mongols apparaissent aux frontières du pays : ils vainquent la monarchie géorgienne. Durant la décennie 1270, un royaume indépendant s'instaure en Géorgie occidentale. Le territoire géorgien sombre dans le déclin, les Timourides, puis les Turcomans succèdent aux Mongols. Devenue unique territoire chrétien de cette région après la chute de Trébizonde en 1461, la Géorgie se divise finalement en trois entités.
La division
En 1478, Constantin II accède au trône géorgien après une période de guerre civile et de chaos intérieur. Une dizaine d'années plus tard, en 1490, un conseil national proclame la division officielle du Royaume de Géorgie, qui laisse place à trois entités : l'Iméréthie (ouest), dirigée par Alexandre II, la Kartlie (centre) qui reste aux mains de Constantin II, et la Kakhétie (est), qui revient au prince Alexandre Ier. À partir de cette période, les trois royaumes deviennent des vassaux des puissances musulmanes qui les entourent : les Empires perse et ottoman.
- La division profite aux États vassaux de la Ciscaucasie qui se proclament indépendants, mais les Ottomans les annexent (de jure) entourant désormais la totalité de la Géorgie occidentale.
- L'Iméréthie sombre à son tour dans le chaos quand la noblesse réussit (notamment grâce à la conversion de ces nobles à l'Islam) à gagner en puissance. En un demi-siècle, l'Abkhazie, la Svanétie, la Mingrélie et la Gourie deviennent indépendantes (de facto) vis-à-vis de Koutaïssi : leurs rois n'hésitent pas à se proclamer monarques à leur tour.
- Les deux autres royaumes géorgiens, la Kartlie et la Kakhétie, sont sous une administration non moins instable. Les guerres civiles sont courantes et des tentatives d'unification par la force sont souvent organisées. Le Shah de Perse, qui n'est officiellement que le suzerain, nomme également le roi de ces provinces et a le pouvoir de les chasser quand ils sont jugés coupables d'insoumission : plusieurs monarques périssent dans le martyr, notamment en raison de leur foi chrétienne. Au XVIIe siècle, la dynastie de Moukhran accéde au trône de Kartlie et une nouvelle période commence dans l'histoire de la Géorgie orientale. Les monarques de cette dynastie tentent de recréer un royaume unifié, finalement réalisé par le roi Vakhtang V : il réussit à placer un temps sur les trônes de Kakhétie et d'Iméréthie ses propres enfants, mais ils en sont chassés quelques années plus tard sous la pression des Turcs.
Le XVIIIe siècle est une période d'éphémère renaissance pour la Géorgie. À l'ouest, les monarques d'Iméréthie ont réussi à regagner leur pouvoir héréditaire, tandis que la culture géorgienne se développe à l'est du pays, culture composée de tradition locale et d'influence persane. L'imprimerie est importée au début du siècle. Les premières relations avec le nouvel Empire russe (également chrétien orthodoxe) se développent : elles se renforcent et irritent la Perse séfévide, qui n'hésite pas à détrôner la dynastie de Moukhran pour placer des princes de Kakhétie sur le trône de Kartlie. Cela contribue notamment à la formation d'un nouveau royaume géorgien unifié dans les années 1760 dans l'est du pays.
Entre annexion et indépendance
En 1762, la Géorgie orientale est unifiée sous le sceptre du roi Héraclius II, qui fonde le Royaume de Kartl-Kakhétie, dans l'espoir de reconquête de l'indépendance perdue vis-à-vis des Perses. En 1783, il signe à Gueorguievsk un traité de protection et de coopération militaire bilatérale avec l'Empire russe de Catherine II, qui se pose désormais en suzeraine de la Géorgie. Toutefois, ce traité n'empêche pas les Perses d'Agha Mohammad Shah de ravager le pays et de prendre la capitale, Tiflis, qui est complètement brûlée en 1795. Trois années plus tard, le roi Georges XII succède à son père et son court règne reconfirme le traité de Gueorguievsk ; à sa mort, en 1800, la Russie annexe le Royaume de Kartl-Kakhétie, qui devient une simple province de l'empire d'Alexandre Ier. La signature du Traité de Golestan (1828) fait perdre définitivement à l'Empire perse toutes les villes du territoire géorgien, y compris celles situées sur la côte de la mer Noire.
Antérieurement au traité, l'Empire russe a déjà annexé l'émirat de Gandja en 1813 et le khanat d'Erevan en 1828, et sa conquête du Caucase se poursuit avec l'Iméréthie : après une courte guerre, le roi Salomon II est arrêté et extradé vers l'Empire ottoman. Toutes les principautés géorgiennes indépendantes, (Abkhazie, Svanétie, Moukhran…), sont peu à peu annexées. Le pouvoir tsariste de Saint-Pétersbourg crée alors la Vice-royauté du Caucase, subdivisée en gouvernat (dont celui de Géorgie-Iméréthie) avec pour capitale administrative Tiflis.
La période d'annexion russe est d'abord une période de combat et de rébellion, mais aussi de développement de la société et de la culture géorgienne. Les églises sont restaurées, des écoles sont créées et la littérature géorgienne accède à son apogée, notamment grâce aux écrivains Ilia Tchavtchavadzé et Akaki Tsereteli dont les œuvres sont aujourd'hui des références.
Durant le XIXe siècle, si la culture transcaucasienne se réoriente vers le christianisme orthodoxe (se séparant de la tradition persane qui a dominé le pays durant près de cinq siècles), le réveil des nationalités gagne la Géorgie comme les autres pays de l'Europe, les idées progressistes trouvent écho auprès des jeunes aristocrates géorgiens. Malgré l'émancipation des serfs appliquée en Géorgie en 1865, les révoltes paysannes se multiplient devant la difficulté de la vie. La mort controversée du prince Dimitri Kipiani en 1887 fait également éclater des manifestations antirusses.
Au début du XXe siècle, deux mouvements de pensée se partagent l'opposition au régime tsariste, le mouvement social-fédéraliste géorgien tenant d'une autonomie géorgienne au sein de l'entité russe (il donnera naissance en 1918 au parti national-démocrate résolument indépendantiste) et le mouvement social-démocrate géorgien, marxiste, pour qui la démocratisation géorgienne ne pourra s'effectuer qu'en concert avec la démocratisation russe (il donne naissance en 1904 à la tendance bolchevique, minoritaire dans le Caucase et partisane de la dictature du prolétariat et à la tendance menchevique, majoritaire dans le Caucase, et partisane d'un régime parlementaire).
La fédération de Transcaucasie, la République démocratique de Géorgie
En novembre 1917, après la Révolution russe d'octobre, les pays transcaucasiens refusent de reconnaître l'autorité du pouvoir bolchevique de Petrograd : la présidence du Haut commissariat à la Transcaucasie est confiée à Evguéni Guéguétchkori (ancien député menchevique représentant la Géorgie à la Douma russe). Le 10 février 1918, une Assemblée parlementaire transcaucasienne, dite Sejm, présidée par Nicolas Tchkhéidzé (ancien président menchevique du Comité exécutif du Soviet de Petrograd, de février à octobre 1917) confirme Evguéni Guéguétchkori dans ses fonctions. Le 9 avril, la Sejm proclame l'indépendance de la République démocratique fédérative de Transcaucasie et confie la responsabilité de son exécutif à Akaki Tchenkéli (Akaki Tchkhenkéli), ancien député menchevique représentant la Géorgie à la Douma russe. La cohabitation des trois peuples sud-caucasiens -arménien, azerbaïdjanais et géorgien- se heurte aux sentiments nationalistes : à peine un mois plus tard, (le 26 mai 1918), l'indépendance de la République démocratique de Géorgie est proclamée au nom de tous les partis par Noé Jordania porte-parole du Conseil national géorgien (ancien président menchevique du Soviet de Tiflis et l'un des leaders du Parti ouvrier social-démocrate géorgien). Deux jours plus tard, l'Arménie et l'Azerbaïdjan proclament leur indépendance à leur tour.
Nicolas Tchkhéidzé devient président de l'Assemblée parlementaire provisoire de la République démocratique de Géorgie, Noé Ramichvili premier président de gouvernement et Noé Jordania deviendra 2e et le 3e présidents de gouvernement. L’État géorgien peut renaître. En à peine trois années, une constitution moderne est créée, la reconstruction nationale est entreprise et de multiples réformes sont mises en œuvre afin d'acheminer la Géorgie vers la démocratie. La situation géopolitique de la Géorgie de l'époque, conflit potentiel avec la Turquie, lui font solliciter la protection des forces de la Triplice : les troupes allemandes débarquent à Batoumi, une des villes qui sera plus tard promise par le pouvoir bochevique à l'empire ottoman. La fin de la Première Guerre mondiale change la situation : l'armée britannique prend le relais provisoirement de l'armée allemande. Entre 1918 et 1921, la Turquie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan entrent en conflit pour des questions frontalières, la Russie pour des questions plus existentielles. En mai 1920, le gouvernement bolchevique russe de Moscou signe un traité de paix avec le gouvernement social-démocrate géorgien de Tbilissi. En janvier 1921, les alliés de la Triple-Entente reconnaissent de jure la République démocratique de Géorgie. Malgré une coopération déclarée et une reconnaissance mutuelle de la part de la Russie soviétique, malgré la reconnaissance internationale, l'Armée rouge envahit le territoire géorgien en février 1921 et met fin à la République démocratique de Géorgie en mars 1921. La classe politique et la classe militaire émigrent, pensant pouvoir reconquérir le pays de l'extérieur.
La République socialiste de Géorgie, la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie
Après l'invasion soviétique, la République socialiste soviétique de Géorgie fut proclamée et vint bientôt un bras de fer entre les différentes fractions de Moscou, soit celles dirigées par Lénine et Staline, durant l'Affaire géorgienne des années 1920, qui mènera également à la perte de près d'un tiers des territoires géorgiens au profit de ses différents voisins. En décembre 1922, l'URSS est proclamée et la RSG devint une des trois républiques de la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie, dissoute à son tour en 1936.
En 1927, Staline arriva à la tête de l'Union soviétique après avoir procédé à des éliminations politiques. À partir de cette époque, la destinée de la Géorgie changea. En effet, le dictateur soviétique était né sous le nom de Joseph Djoughachvili à Gori, en Géorgie et c'est notamment pour cette raison que le statut de la région changea considérablement. Dans les années 1930, après avoir supprimé toute opposition anticommuniste, le gouvernement de Moscou fit de la Géorgie un lieu de détente pour l'intelligentsia soviétique. Puis petit-à-petit, la contrée se développa et après la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs dirigeants du monde (dont Georges Pompidou, Fidel Castro…) visitèrent le pays. À la mort de Staline en 1953, son successeur Nikita Khrouchtchev entama une politique qui consistait à supprimer le culte de la personne de l'ancien chef d'État. Pour cette raison, plusieurs manifestations et révoltes éclatèrent à Tbilissi, et chacune d'entre elles fut brutalement arrêtée. Bientôt, une opposition se développa et à partir des années 1970, un sentiment nationaliste fort se développa en Géorgie. En 1990, finalement, la RSS de Géorgie fut dissoute et remplacée par le Conseil suprême.
Période post-soviétique
La Géorgie proclama son indépendance le 9 avril 1991 et nomma comme chef d'État Zviad Gamsakhourdia. Or, quelques mois seulement après son arrivée au pouvoir, une opposition se développa contre son régime, jugé trop autoritaire. Entre-temps, le gouvernement avait profité de cette situation pour supprimer l'autonomie de l'oblast d'Ossétie du Sud qui fut intégrée à la région de Mtskheta-Mtianétie. Cette action poussa les autochtones ossètes à se rebeller contre le gouvernement et des affrontements militaires firent des dizaines de morts jusqu'à la fin de l'année. Finalement, les troupes nationales perdirent le contrôle du conflit quand les séparatistes, soutenus par la Russie, proclamèrent leur indépendance le 28 novembre.
Plus tard dans l'année, les membres de l'opposition s'armèrent quand le commandant limogé de la Garde nationale Tenguiz Kitovani rejoignit le camp anti-Gamsakhourdia. À la fin du mois de décembre 1991, ils avaient commencé le siège du Parlement qui sera pris le 6 janvier 1992, date du coup d'État qui amena l'exil du Président Gamsakhourdia chez ses voisins caucasiens. À ce moment, un Conseil d'État fut formé et l'ancien chef du parti communiste géorgien Édouard Chevardnadzé fut choisi pour chef du Conseil intérimaire. Celui-ci poursuivit la guerre en Ossétie du Sud et, au lieu d'atténuer les conflits séparatistes, envoya des troupes géorgiennes en Abkhazie pour réprimer les nationalistes qui viraient vers le sécessionnisme à leur tour. Mais Tbilissi se heurta à une opposition armée et soutenue logistiquement par la Russie. En un peu plus d'une année, la guerre fut achevée et les séparatistes, après avoir déclaré à leur tour leur indépendance, se livrèrent à un nettoyage ethnique des Géorgiens présents sur leur territoire. À la suite de cette défaite, Tbilissi tenta de se rapprocher politiquement de la Russie qui s'accorda à lui envoyer une aide militaire pour combattre les nouveaux opposants menés par Gamsakhourdia qui avait établi un gouvernement en-exil à Zougdidi. Cette ville fut par la suite prise par les autorités géorgiennes en novembre 1993 et un mois plus tard Zviad Gamsakhourdia fut retrouvé mort dans le village de Khiboula.
La défaite du nouveau gouvernement géorgien face aux séparatistes fit monter leur impopularité chez le peuple dont une partie continua à se battre en l'honneur de Gamsakhourdia. En 1995, de nouvelles élections furent organisées et, à la suite de celles-ci, le Conseil d'État fut dissous et Édouard Chevardnadzé devint président de la République. Sa présidence fut notamment caractérisée par une longue crise économique qui attisa l'ire de plusieurs membres du gouvernement soutenus par les capitalistes occidentaux contre lui. En 2000, il fut réélu à la présidence de la République mais ne put empêcher plusieurs partis d'opposition de se former. Par une dernière tentative, il essaya d'orienter sa politique en direction de l'Occident, notamment en concluant une alliance militaire avec les États-Unis, mais en novembre 2003 le peuple se révolta et mena la Révolution des Roses.1
La révolution des Roses
La révolution des Roses est une révolution pacifique qui a mené à la démission du président Edouard Chevardnadze le 23 novembre 2003, elle fait partie des révolutions de couleur dans l'ancienne URSS.
Edouard Chevardnadze gouvernait la Géorgie depuis 1992, il était président depuis 1995. Son gouvernement a été accusé de corruption menaçant l'économie du pays.
Des fraudes électorales sont dénoncées par des observateurs internationaux lors des élections parlementaires du 2 novembre 2003. Le candidat Mikheil Saakachvili se proclame vainqueur des élections, ce que confirment alors les sondages indépendants en sortie des urnes. Il appelle la population à manifester pacifiquement contre le gouvernement de Chevardnadze. Les principaux partis d'opposition soutiennent Mikheil Saakachvili et réclament la tenue de nouvelles élections.
Appui américain
En 2003, George Soros finance la révolution, comme l'envoi d'un groupe de militants géorgiens à Belgrade pour tirer les enseignements de l'« Octobre serbe », la formation de plusieurs centaines d'étudiants par deux membres d'Otpor à l'occasion de séminaires d'été », ainsi que la traduction en Géorgien du manuel « Comment renverser un dictateur » de l'Américain Gene Sharp, théoricien de l'action non violente qui circule de main en main.2
Un pays à la dérive
Et ce n'est pas peu dire. La Géorgie, que l'on appelait "le verger de l'URSS" et qui avait la réputation d'être la région de l'URSS où l'on vivait le mieux, était un pays misérable. Plus de la moitié de sa population survivait en n'ayant pas 50 dollars par mois. Le chômage était massif, les grandes usines (d'aviation, chimiques, de construction) de la capitale, Tbilissi, étaient à l'abandon. Un Géorgien sur dix émigrait pour tenter sa chance comme travailleur sans papiers en Occident comme bonne à tout-faire des "nouveaux riches" à Moscou. Ceux qui sont restés n'avaient que des petits boulots misérables, vendaient les pauvres biens qui leur restaient et étaient la proie de la corruption. Le phénomène n'était pas nouveau en ex-URSS, surtout dans le Caucase. Mais il a pris une ampleur monstrueuse en Géorgie où les fonctionnaires, non payés depuis des mois, survivaient aussi à leur façon. Sans oublier les gangs, protégés par les clans du pouvoir, quand ils n'en sont pas l'émanation, qui rackettent la population et raflent tout. Et, bien sûr, les dirigeants qui ont depuis longtemps mis à l'abri à l'étranger tout ce qu'ils ont pu, et qui continuent à détourner le fruit des exportations (agrumes, thé, alcools, produits miniers).
En novembre 2003, l'opposition a su exploiter la haine de la population pour celui qui incarnait tout cela. Elle accusa, le président Chevarnadze et son entourage, de corruption. Mais tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir étaient dans ce cas. "Ce gros parasite, la corruption, déclara la chambre de Commerce américaine à Tbilissi, suce tout le sang de l'organisme sur lequel il vit". Et le pays, sa population en crèvent.
Un pays éclaté
Ce n'étaient pas les leaders de l'opposition qui auraient changé quoi que ce soit. Ils espéraient que la population se satisferait du départ de Chevarnadze, mais ils entendaient poursuivre sa politique... qui était aussi la leur.
Ces "nouveaux" dirigeants se gardaient de promettre une amélioration de son sort à la population. En revanche, ils la soûlaient de propos va-t-en-guerre, promettant de restaurer l'unité du pays.
Depuis la fin de l'URSS, la Géorgie, comme d'autres ex-républiques soviétiques, mais à un degré plus poussé, reste la proie du séparatisme des chefs de la bureaucratie locale. Cela a provoqué la partition du pays avec l'indépendance de fait de trois de ses régions, dont les deux plus riches -l'Abkhazie et l'Adjarie, qui contrôlent les principaux ports- et l'Ossétie du Sud. Il y a eu des affrontements meurtriers en Ossétie et une guerre de plusieurs années, avec des milliers de morts et des centaines de milliers de réfugiés, entre l'Abkhazie et Tbilissi.3
Les manifestations de 2003
Les manifestations contre le gouvernement débutent à la mi-novembre à Tbilissi avant de s'étendre aux principales villes du pays. Le 22 novembre 2003, les opposants menés par Saakachvili, portant des roses, interrompent une session du parlement et contraignent le président Chevardnadze à quitter le bâtiment. Edouard Chevardnadze proclame l'état d'urgence, mais l'armée ne le suit pas. Le 23 novembre 2003 au soir (le jour de la Saint-Georges), après une réunion avec les chefs de l'opposition Saakachvili et Zourab Jvania, il annonce sa démission. Nino Bourdjanadze, présidente du parlement et membre de l'opposition, devient présidente de la Géorgie par intérim. La cour suprême de Géorgie annule le résultat des élections parlementaires. L’élection présidentielle anticipée organisée le 4 janvier 2004 consacre Mikheil Saakachvili à la présidence de la Géorgie. Le 28 mars 2004, ses partisans remportent largement les élections législatives.4
Présidence de Mikheil Saakachvili
Le 4 janvier 2004, Mikheil Saakachvili remporte l'élection présidentielle géorgienne avec plus de 96 % des suffrages exprimés, devenant ainsi le plus jeune président européen. À cette époque, il suscite de grands espoirs. Saakachvili a fait campagne sur la base de l’opposition à la corruption et de l’amélioration des salaires et des retraites. Il a promis d’améliorer les relations internationales. Bien qu’il soit farouchement pro-occidental et qu’il tente de faire entrer la Géorgie dans l’OTAN et l’Union européenne, il parle également de l’importance d’avoir de meilleures relations avec la Russie. Il doit tout de même faire face à quelques problèmes majeurs, notamment à la situation économique difficile de la Géorgie et à la question toujours en suspens du séparatisme des régions de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. L’Abkhazie se considère indépendante de la Géorgie et n'a pas pris part aux élections, tandis que l’Ossétie du Sud milite pour son rattachement avec sa contrepartie, l'Ossétie-du-Nord-Alanie au sein de la Russie.
Relation internationales
Le président Saakachvili oriente sa politique internationale sur deux axes consistant pour le premier à nuire aux intérêts russes et pour le second à servir les intérêts des États-Unis. Il est à l’initiative du doublement des troupes en Irak, faisant de la Géorgie l’un des plus grands contributeurs à la coalition militaire en Irak, et a laissé ses troupes au Kosovo et en Afghanistan afin de renforcer la sécurité globale.
Saakachvili fait grimper le budget de la défense à 10 % du PIB, ce qui représente un milliard d'euros, pour un petit pays de moins de 4,5 millions d'habitants.
Le gouvernement Saakachvili entretient de solides relations diplomatiques avec les autres États caucasiens et les autres pays d’Europe de l'Est, comme l’Azerbaïdjan, l’Arménie, l’Ukraine, la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, la Roumanie et la Pologne. En 2004, Saakachvili fait une visite en Israël pour participer à l’inauguration du centre de recherche sur les problèmes énergétiques modernes. Le Dr Brenda Schaffer, directrice du centre, dépeint de manière enthousiaste Saakachvili, comme n'étant rien de moins que « le Nelson Mandela du XXIe siècle », ce qui est caractéristique de l'atmosphère de l'époque à son égard. En août de la même année, Saakachvili, docteur honoris causa de l’Université d’Haïfa, fait un nouveau voyage en Israël pour participer à l’inauguration de la semaine officielle de l’amitié Géorgiens-Juifs, tenue sous les auspices du président géorgien, et à laquelle les dirigeants juifs sont invités d’honneur.
Mais le fait majeur de l'époque Saakachvili, ce sont les bonnes relations que la Géorgie entretient avec les États-Unis, ce qui mécontente le Kremlin. Le journal russe Pravda publie un article désobligeant au sujet de la Géorgie intitulé « Une autre Géorgie sur la carte des États-Unis ».
Saakachvili pense que la priorité à long terme du pays est de progresser vers l'adhésion à la Communauté européenne, qu'il considère comme une simple étape vers l'adhésion à l'OTAN et surtout au fond comme une rupture à l'égard de son voisin russe. Au cours d’une rencontre avec Javier Solana, il déclare que, comparée aux nouveaux et anciens États européens, la Géorgie est européenne depuis l'Antiquité.
Politique économique
Saakachvili est un fervent défenseur du libéralisme économique et il est persuadé qu'un désengagement de l'État en matière économique est une bonne idée pour son pays. Sous son administration, l’économie géorgienne franchit une nouvelle étape et augmente l'encaissement des impôts, qui va de pair avec une réduction des taux d'imposition. De plus, la Géorgie s’implique progressivement dans le marché international et, en 2007, la Banque de Géorgie a émis pour 200 M$ d'obligations.
La crise politique de 2007
En 2007, la Géorgie endure la pire crise depuis la Révolution des Roses. Une série de manifestations anti-gouvernementales est déclenchée en octobre par les accusations de meurtre et de corruption portées contre le président et ses alliés par Irakli Okrouachvili, autrefois associé de Saakachvili et ancien membre de son gouvernement. Le point culminant de ces manifestations a lieu au début de novembre 2007, et implique plusieurs groupes de l’opposition, ainsi que l’influent magnat des médias Badri Patarkatsichvili. La décision du gouvernement de faire appel aux forces de l’ordre contre les manifestants restants, malgré une retombée de l'agitation, provoque des échauffourées dans les rues de Tbilissi le 7 novembre. La déclaration de l’état d’urgence par le président (du 7 au 16 novembre) et la censure imposée à quelques mass médias donnent lieu à de violentes critiques contre le gouvernement Saakachvili tant dans le pays qu'à l’étranger.
Le 8 novembre 2007, le président Saakachvili annonce comme solution de compromis qu’il avancera l’élection présidentielle géorgienne au 5 janvier 2008. Il propose également d’organiser en parallèle un référendum concernant la date des élections législatives – au printemps, comme exigé par les partis de l’opposition, ou bien fin 2008. Plusieurs concessions concernant le code électoral sont également accordées à l’opposition.
Le 23 novembre, le MNU, parti dirigeant, nomme officiellement Saakachvili candidat aux prochaines élections. Conformément à la Constitution de Géorgie, Saakachvili démissionne le 25 novembre pour lancer sa campagne électorale pour la présidentielle anticipée.5
Il fut à nouveau élu en janvier 2008, malgré une grande impopularité.
À partir de cette réélection, les affrontements militaires entre les séparatistes abkhazes et sud-ossètes et les Géorgiens se multiplient. En avril 2008, une crise aérienne opposa Tbilissi à l'Abkhazie, tandis que quelques mois plus tard une bombe tua des policiers géorgiens à la frontière sud-ossète.
Crise russo-géorgienne
Dans le but de reprendre le contrôle de la région, Tbilissi décida alors de bombarder Tskhinvali et d'envahir militairement l'Ossétie du Sud. Mais l'armée russe vint bientôt en aide aux Ossètes et occupa une partie de la Géorgie à partir de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. Ce fut la deuxième guerre d'Ossétie du Sud. Ce conflit s'acheva deux semaines plus tard mais reste un sujet de forte tension entre Tbilissi et Moscou, qui avait reconnu au mois d'août 2008 les indépendances de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. L'exemple de Moscou fut alors suivi seulement par le Nicaragua un mois plus tard et par le Venezuela un an plus tard, puis par Nauru en 2009.
Le 29 août 2008, la Géorgie rompit toute relation diplomatique avec la Fédération de Russie ; le gouvernement suisse accepta de représenter les intérêts de la Géorgie à Moscou via une section des intérêts géorgiens.6
Pourquoi l'Ossétie et l'Abkhazie intéressent la Géorgie, pourquoi la Géorgie intéresse les USA ?
Le différend apparent entre la Russie et la Géorgie concerne des territoires que l’on appelle l'Ossétie du Sud et l’Abkhazie. En tant que telle, l’Ossétie historique s’étend aux deux côtés du Caucase. La partie au sud est située à la frontière méridionale de la Russie qui ne reconnaît pas la souveraineté du territoire mais qui continue à maintenir des relations et récemment, à renforcer ses liens. De son côté, l’Abkhazie se situe entre la Russie et la mer Noire, à l’ouest des chaînes du Caucase.
Antécédents récents et guerre brève
Depuis l'indépendance de la Géorgie vis-à-vis de l'URSS en 1991, l'autonomie accordée aux Ossètes du Sud a été supprimée par l'État géorgien, provoquant l'exode de la population vers la république d'Ossétie du Nord. En 1992, un territoire du côté de la mer Noire déclare l’indépendance sous le nom de la République autonome d'Abkhazie, profitant de la faiblesse du nouvel État géorgien. Cette dernière bénéficie du soutien de Moscou. En 1994, les nationalistes ossètes proclament, à leur tour, l'indépendance de l'Ossétie du Sud, avec la bénédiction de la Russie.
Depuis l’avènement d'un pouvoir pro américain à Tbilissi en 2003-4, l'Ossétie du Sud est un des enjeux politiques entre la Russie et le président géorgien Mikheil Saakachvili « guidé » par les USA. De plus en plus autoritaire, le président revendique la réintégration des régions considérées sécessionnistes au sein du territoire de la Géorgie. Les indépendantistes ossètes, majoritaires en Ossétie du Sud, ambitionnent une indépendance complète. La Fédération de Russie préfère garder le statu quo et ainsi laisser le pouvoir géorgien, tourné résolument vers Washington, dans l'embarras. Les indépendantistes d'Ossétie du Sud souhaitent une réunification avec l'Ossétie du Nord, mais ni la Fédération de Russie, ni l'OSCE et encore moins la Géorgie ne soutiennent encore cette solution.
La République d'Ossétie du Sud a tenu un deuxième référendum sur son indépendance le 12 novembre 2006, le premier référendum ayant eu lieu en 1992. Une très large majorité des votants semblent s'être prononcés pour cette indépendance. Le gouvernement géorgien, les USA et l'UE considèrent ce référendum comme illégal alors que la Russie le reconnaît. La Russie est dès à ce moment-là présente sur ce territoire au titre du « maintien de la paix » avec 1000 soldats. Après plusieurs incidents militaires depuis 2007, les forces géorgiennes lancent une offensive soigneusement préparée en août 2008, entraînant une menace d'interventions, suivie d’interventions des Forces armées de la fédération de Russie. Cette intervention s’étend même sur l’autre territoire contesté : l’Abkhazie. L’offensive géorgienne rencontre une contre offensive russe qui conduit à l’échec de Tbilissi, échec humiliant pour les conseillers militaires américains et israéliens.
Ce fut une défaite écrasante de l'armée géorgienne qui ne s'est pas montrée à la hauteur de l'adversaire malgré l'assistance des USA et une hausse importante des dépenses militaires ces dernières années, soit de 5 à 16 % du PIB. Washington a dépensé des millions de dollars pour la formation militaire, l'équipement et l'armement de la Géorgie. Au moment de la nuit de l’attaque, l’armée géorgienne a utilisé les rampes et véhicules lance-missiles sol-air en série, de style "Katiouchkas", probablement d’origine tchèque ou ukrainienne. C’est de cette manière qu’elle a pu détruire une partie notable de la capitale d’Ossétie du Sud et tuer ou blesser un grand nombre de civils. Par après, la supériorité russe dans l'air a cependant été cruciale. Les Géorgiens étaient incapables d'y faire face avec leur système de défense antiaérien.
La Russie a déployé des avions d'attaque au sol Su-24 et Su-25, ayant pour tâche d'apporter une couverture aux forces terrestres et de détruire les troupes et infrastructures ennemies. Moscou avait aussi déployé des bombardiers stratégiques Tu-22. La Géorgie ne dispose que de 10 à 15 appareils Su-25 dont certains ont été détruits et les autres immobilisés après les attaques russes contre les aéroports militaires du pays. Elle s’est concentrée sur l'infanterie et les chars qui sont inutilisables s'ils ne sont pas couverts depuis le ciel.
Position spécifique de la Géorgie
La Géorgie était susceptible de constituer une des pièces du dispositif de Washington contre l’Iran autant qu’un des facteurs de démantèlement de la Russie et de sa zone d’influence. Washington envisageait notamment d’installer de nouvelles bases en Géorgie ou en Azerbaïdjan. La Géorgie est un verrou stratégique de la Caucasie méridionale.
La Géorgie est placée stratégiquement au cœur des réseaux gazoducs et oléoducs. L'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) entre l'Azerbaïdjan et la Turquie fournit le pétrole de la Caspienne. De moindres volumes passent par l'oléoduc entre Bakou et le port géorgien de Soupsa. Les ports géorgiens constituent une plate-forme du pétrole de la Caspienne venant d'Azerbaïdjan, du Turkménistan et du Kazakhstan. Le gaz à destination des Européens transite aussi par la Géorgie, notamment via le gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum entre l'Azerbaïdjan et la Turquie.
Rappelons que
• Tbilissi passe vers 2004 un accord avec Washington en vertu duquel les USA privatisent leur présence militaire en Géorgie en passant un contrat avec des officiers militaires américains à la retraite, afin qu’ils équipent et conseillent l’armée géorgienne. C’est la société américaine Cubic qui obtient le contrat de trois ans. Ce programme prend le relais de la collaboration avec Washington entamée sous Chevardnadze en 2002, sous couvert de lutte contre le terrorisme. Les conseillers militaires états-uniens se voient également confier comme mission d’améliorer la sécurité du pipeline du BTC. En contrepartie, la Géorgie envoie 500 hommes soutenir les forces d’occupation en Irak et le nombre en augmentera jusqu’à atteindre 2000.
• la Géorgie bénéficie aussi depuis des années du soutien militaire important d’Israël et de l’Ukraine, ainsi que quelques autres pays « satellites » des USA.
Enjeux
L'intérêt à plus long terme de la Russie, qui commençaient à se préparer aux Jeux Olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi, commandaient d'œuvrer d’abord avec fermeté, puis à l'apaisement, sans perdre d’influence ni de face. Site touristique prisé, Sotchi était située à proximité des zones troublées de Tchétchénie et d'Abkhazie. Le gouvernement russe avait déjà débloqué plus de 6-7 milliards d’euros pour préparer la ville aux Jeux. Une autre différence serait que les milieux dirigeants de Washington pourraient, de leurs côtés, s’avérer divisés et donner des signaux opposés à Tbilissi.
Enfin, il n’est pas sans utilité de remarquer que la Géorgie depuis 2004 adoptait et appliquait le modèle néolibéral, et plus particulièrement, américain dans sa gestion dite socio-économique : déréglementation, réduction de l’administration et des impôts. Par exemple, le pouvoir prévoyait de privatiser massivement les universités d’ici à 2010, et de créer des liens plus étroits avec les entreprises et les donateurs privés susceptibles de financer ces établissements. Le secteur de la santé devrait lui aussi passer aux mains de capitaux privés. Plus de 1 800 entreprises ont été privatisées entre 2004 et l’année 2008. Cette gestion désastreuse pesait évidemment sur la popularité du régime et détériorait sa légitimité. Elle aurait été à l’origine de la politique de fuite en avant du gouvernement, de vouloir récupérer les régions contestées.
Réintégrer les deux territoires en sécession parut à Tbilissi également impératif pour réaliser l’objectif de la politique étrangère géorgienne, l’adhésion à l’OTAN. En reportant la décision pour celle-ci en décembre 2008, le sommet de l’OTAN d’avril 2008 avait rendu cette réintégration d’autant plus urgente pour le gouvernement géorgien. Pour celui-ci, le revers politico-militaire laissait entrevoir des règlements de comptes politiques après le conflit armé qui allait tourné au désastre pour le pays.
L’affaire géorgienne signifiait inéluctablement un affaiblissement à nouveau des USA du point de vue géopolitique. Les échecs relatifs antérieurs s’illustraient déjà par la pénétration modeste en Asie centrale et les infortunes militaires en Irak et en Afghanistan. Du reste, le monde devait s’habituer désormais à ce que la Russie retrouve progressivement sa position de grande puissance, qu’elle, l’UE et les USA se trouvaient en face de l’avènement géopolitique de la Chine, et celui plus modeste de l’Inde dans l’arène internationale.
Il n’en reste pas moins vrai que la résolution militaire des différends tels que le cas géorgien, implique des centaines, voire des milliers de morts, beaucoup de blessés et de réfugiés. Les grandes puissances n’en souffrent guère et ne font que tâter, tester la résistance ou les limites de l’autre. La Russie n’a subi que fort peu de sorties des capitaux pendant le conflit. Les puissances moindres sont par ailleurs conduites à se repositionner constamment en fonction des rapports de force instables des « grands ». C’est le cas sans doute d’Israël, de la Syrie, de l’Ukraine ou de la Turquie, mais également des autres pays de la CEI environnants, sans compter les pays qui ne font qu’en encaisser les conséquences de ces repositionnements.7
Cohabitation après les élections législatives de 2012
Après les élections, Mikheïl Saakachvili a fini par reconnaître que son parti, le Mouvement national uni, avait perdu les élections législatives face à celui du multi-milliardaire Bidzina Ivanishvili, le Rêve géorgien.
Depuis des mois, Saakachvili était donné vainqueur du scrutin à venir par les observateurs. En fait, les journalistes occidentaux et les représentants d'institutions internationales peignaient sous des couleurs pimpantes son régime depuis ce qui a été appelé la révolution des Roses de 2003. Saakachvili avait alors accédé au pouvoir en renversant son prédécesseur Chevarnadzé, avec le soutien à peine discret des États-Unis. Mais si l'appui des grandes puissances ne lui a dès lors guère fait défaut, une grande partie de la population le vomissait depuis presque aussi longtemps.
Des manifestations massives ont régulièrement réclamé son départ. Fin 2007, de telles foules ont envahi les rues de Tbilissi, la capitale que le pouvoir dut décréter l'état d'urgence. C'est que, malgré ses promesses de lutte contre la corruption et la pauvreté, chacun peut voir que la situation ne s'améliore pas. Le chômage reste massif, la pauvreté éclatante, quand un instituteur ne gagne guère plus de 70 euros mensuels, quand les retraités crèvent littéralement de faim, que les campagnes végètent sans espoir, que de nombreux Géorgiens n'ont d'autre solution que de partir chercher de quoi vivre, en Russie notamment.
Saakachvili et son équipe ont tenté de faire oublier cette réalité à la population en la soûlant de discours guerriers. Mais cela s'est retourné contre eux. En août 2008, leur tentative de reconquérir par les armes l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, provinces indépendantes depuis vingt ans, s'est soldée par une défaite cuisante face à la Russie.
L'hostilité à la Russie et une attitude servile à l'égard de l'Amérique sont l'alpha et l'oméga de la politique étrangère du pouvoir. Ce dernier s'est glorifié d'être le second pourvoyeur de troupes de la coalition anti-Saddam en Irak, bien que la Géorgie ne compte que quatre millions d'habitants. Cela a mis à genoux son budget déjà pas brillant. Et cela n'a même pas permis à Tbilissi de se faire admettre dans l'OTAN, ni dans l'Union européenne, alors que Saakachvili s'était fait fort d'y parvenir.
Et mi-septembre, quand des télévisions ont montré des scènes de viol et de tortures dans les prisons, des centaines de milliers de personnes sont descendues crier leur haine du régime dans la rue.
Face à cela, Bidzina Ivanishvili a-t-il fait rêver, avec son parti du même nom ? Il faut espérer que non, car l'individu, devenu 153e fortune mondiale en montant un empire financier sur le pillage des ruines de l'Union soviétique, ne vaut sans doute pas mieux que son rival. D'ailleurs, ils se ressemblent en bien des points. L'un et l'autre sont des démagogues éhontés, sauf que les promesses de l'un ont eu amplement le temps de s'user. Leurs méthodes -- comme acheter les électeurs à grand renfort d'argent -- se ressemblent aussi. Sans oublier le fait que, si Saakachvili, avant de se faire le porte-parole en Géorgie des intérêts américains, avait fait ses études et débuté une carrière d'avocat à New York, Ivanishvili, après avoir a amassé des milliards en Russie, puis s'être établi en France pendant des années, est revenu chercher une bonne fortune politique en Géorgie. Mais qu'il ait été accusé par le pouvoir de se faire le porte-parole de Moscou n'a apparemment pas trop effrayé une majorité d'électeurs. Visiblement, ils craignaient surtout que Saakachvili n'en reprenne pour un tour.8
Élection présidentielle de 2013
Le 27 octobre 2013 Guiorgui Margvelachvili, candidat du Rêve géorgien, remporte l'élection présidentielle, battant le candidat du Mouvement national uni, David Bakradze, soutenu par Mikheil Saakachvili.
Irakli Garibachvili devient Premier ministre et engage une politique étrangère en continuité avec celle des gouvernements précédents (intégration euro-atlantique notamment) mais évitant toute agressivité vis-à-vis de la Fédération de Russie, et une politique économique moins libérale mais qui ne permet pas d’enrayer le chômage et l’émigration : la Turquie et l'Azerbaïdjan consolident leurs positions de premiers partenaires du pays.
Le 24 juin 2014, la Géorgie signe un accord d'association avec l'Union européenne : cet accord prévoit la mise en place d'une zone de libre-échange, mais retarde la libéralisation des visas.
En novembre 2015, face aux attentats terroristes de Paris, la Géorgie exprime sa solidarité avec la France, plus particulièrement son Premier ministre, francophone et ayant étudié à la Sorbonne. Démissionnaire en décembre suivant, Garibachvili est remplacé par Guiorgui Kvirikachvili.9
Sources