Le Brésil

 

 

La période précoloniale

À la fin du XVe siècle, tout le territoire était habité par des tribus semi-nomades (plus de 200 ethnies) ne connaissant pas la propriété privée. Les tupinambas formaient l’ethnie la plus importante. Ces populations vivaient grâce à la pêche, chasse, cueillette et l’agriculture. Les Indiens se peignaient souvent la peau de couleur différente, leur aliment de base était le manioc, mais ils cultivaient aussi le maïs et le tabac. Ils ont inventé le hamac et la sarbacane.

 

L'époque coloniale (1500-1822)

Le navigateur portugais Pedro Alvares Cabral découvre les côtes brésiliennes le 22 avril 1500. Certains (dont les autorités académiques brésiliennes) attribuent pourtant cette découverte à l’Espagnol Vicente Yañez Pinzon, compagnon de Colomb, en 1499. Sa découverte sera attestée par Colomb lui-même, Diego de Lepe et Rodrigo de Bastidas. Les Espagnols ne revendiquèrent pas cette terre en application du traité de Tordesillas de 1494.

Les Portugais ayant l’habitude de planter des croix « padrão » sur toutes les terres qu’ils découvraient, le premier nom de la colonie fut « terre de la Véritable Croix » (terra de Vera Cruz). Mais les colons portugais qui s’installèrent sur les côtes l’appelèrent Brésil, du nom du bois de brésil qui donne une teinture vermeil (brasil en portugais signifie « braise ») ; les Indiens furent d’abord appelés les Brésils. Les Indiens acceptant facilement de couper du bois en échange d’outils, de draps ou de verroterie.

Si les Espagnols respectèrent le traité de Tordesillas, le roi de France François Ier tenta de s’implanter au Brésil grâce au navigateur Verrazano à partir de 1523. Les Français poursuivirent la colonisation notamment autour de la baie de Guanabara. Durant l’été 1554, Nicolas Durand de Villegagnon visita secrètement la région du Cabo Frio, sur la côte brésilienne, où ses compatriotes se cachaient habituellement. Le projet était de transformer cette zone en une puissante base militaire et navale, depuis laquelle la Couronne française pourrait tenter de contrôler le commerce avec les Indes occidentales. La France antarctique fut le nom donné à l’éphémère colonie française qui occupa la baie de Rio de Janeiro de 1555 à 1567. Cette tentative de colonisation française dura une dizaine d’années et se solda par un échec face aux forces portugaises. En réponse aux autres tentatives françaises de conquête territoriale au Brésil (avec la France équinoxiale près de São Luís (Maranhão) entre 1612 et 1615), la Couronne portugaise décida d’intensifier la colonisation du Brésil et d’améliorer son statut.

Le « bois brésil » ne suffisant plus à assurer le développement économique du nouveau territoire, le roi Jean II de Portugal (João II) le confie à de grands seigneurs (les donataires) qui accordent de vastes domaines à des colons, à charge pour eux d'y faire cultiver la canne à sucre. Le 22 janvier 1532, Martim Afonso de Sousa fonde le premier village de colonisation : la Vila de São Vicente. Le système du donataire est généralisé en 1532 : des postes de défense sont cédés comme donation à divers nobles portugais. Le Brésil est divisé en 15 lot de 50 lieues de côtés, confiés chacun à un capitaine-donataire. Le roi du Portugal délègue à chacun une partie de ses pouvoirs militaire, judiciaire et administratifs. Ils obtiennent 20 % des terres de la capitainerie, le droit de réduire les Indiens en esclavage, de percevoir certaines redevances. Les colons doivent au capitaine-donataire le service militaire et le paiement de certains impôts. Ils reçoivent une concession de terres (sesmaria) et le droit au culte catholique dont l’entretien doit être payé par le roi. Le roi conserve la perception des dizimes (dîmes), le monopole du bois-brésil et des épices et l’impôt du quinto (le cinquième des pierres et des métaux précieux extraits).

 

Les premiers colons portugais mettent les Amérindiens en esclavage pour exploiter la canne à sucre ou le bois précieux. Le fait que ceux-ci sont pour la plupart analphabètes sera vu comme une régression féodale. Mais les Amérindiens déjà peu nombreux fuient à l’intérieur des terres ou préfèrent se suicider que d’être esclaves. C’est alors que les Portugais ont recours à des esclaves noirs d’Afrique. Les premiers esclaves africains sont déportés au Brésil en 1532. En 1600, le Brésil est devenu le premier producteur et exportateur de sucre au monde et participe pleinement au commerce triangulaire. Les colons échangent alors les productions agricoles contre de l’argent ou des biens (meubles, habits) d’Europe et essaient de copier le mode de vie des aristocrates portugais (les fidalgos) eux-mêmes deviennent les afidalgados.

En 1630, les Néerlandais de la compagnie néerlandaise des Indes occidentales (West-Indische Compagnie ou WIC) enlèvent aux Portugais les villes de Recife, Natal et Salvador afin de s’assurer une partie de la production sucrière. Recife devient la capitale de la colonie sous le nom de Mauritsstaad. Les populations locales se révoltent (Insurreição Pernambucana ou « Insurrection de Pernambouc ») contre leur présence à la faveur de la Première Guerre anglo-néerlandaise (1652-1654) et à l’issue de laquelle le Portugal récupère ces territoires.

Les Portugais se procuraient les esclaves contre des produits manufacturés ou des fruits sud-américains au Nigeria, au Cameroun, au Gabon, au Ghana, au Congo, au Mozambique, en Tanzanie, au Kenya, au Zimbabwe et surtout au Bénin et en Angola. La côte angolaise devient aussi une colonie brésilienne dirigée à Luanda par un gouverneur qui n’est autre qu’un grand propriétaire brésilien. Les négriers portugais ont même déporté des neveux du mani-kongo.

À l’arrivée au Brésil, les familles et les compatriotes noirs sont séparés afin de ne pas susciter de solidarité entre esclaves et apprennent néanmoins le portugais. Les esclaves travaillent du lever au coucher du soleil et obtiennent un repas par jour. L’espérance de vie moyenne d’un esclave est alors de 5 ans à partir du moment où il commence à travailler et le taux de mortalité dépasse alors le nombre de naissances, ce qui incite les Portugais à importer de nouveaux esclaves d’Afrique. Ensuite, ils meurent souvent de fatigue, de malnutrition ou de maladie (ils n’ont pas droit à des soins de santé). Ils sont rebaptisés par leurs maîtres et portent le nom de famille de ceux-ci. Les esclaves vivent dans la senzala autour de la villa de leur maître.

Des contre-maîtres circulent la nuit pour vérifier si les esclaves ne s’enfuient pas ou ne préparent pas de révolte. Les esclaves qui arrivent à s’enfuir son marqués au fer s'ils sont rattrapés. Pour s’assurer leur obéissance, les maîtres cherchent à les intimider, ils les font fouetter par les contre-maîtres. Même les blancs pauvres avaient au moins deux esclaves. Le dimanche, les esclaves ont un jour de repos ; c’est le dimanche que les esclaves d’origine kongo (Angola et Congo) organisent la congada une fête en l’honneur de leur monarque jadis en Afrique, la congada serait à l'origine du carnaval de Rio.

Les femmes blanches sont rares dans une colonie où la violence règne. Les maîtres doivent alors prendre plusieurs femmes ou maîtresses, noires et indiennes, ainsi il ne sera pas rare de voir par la suite des maîtres métis. Les enfants d’esclave et de maîtres peuvent aussi être esclaves ou libres comme serviteurs, artisans ou petits paysans. Les maîtresses blanches quant à elles prostituent souvent leurs esclaves. Si l’Église catholique romaine a encouragé pendant longtemps l’esclavage des noirs, elle condamnait celui des Indiens. Dans la mentalité européenne de l’époque le travail est quelque chose de sale, réservé aux esclaves ou aux serfs.

Les Portugais différencient alors les types de métis ainsi : caboclo (métis de blanc et d’indien), cafuzo (métis d’indien et de noir) et le mulato (métis de noir et de blanc), ce dernier terme qui est dérivé du mot mulet peut-être péjoratif. En 1570, le Brésil compte alors à peu près 20 000 Blancs, 30 000 Noirs et 800 000 indiens. En 1650, la population blanche est alors estimée à 70 000 âmes, la population noire à 100 000 et les métis en comptent 80 000.

L’élément noir et le métissage jouent un rôle important dans la démographie et la culture brésilienne. L’époque coloniale va marquer durablement l’histoire du pays, la suprématie des blancs, de grands propriétaires fonciers, le racisme, le métissage, mais aussi la ségrégation entre maître et esclaves entraînera plus tard une ségrégation entre riches et pauvres, et la création d'armées privées.

Les révoltes d’esclaves sont nombreuses : quasiment une par an. Au XVIIIe siècle, des esclaves travaillant la canne à sucre dans le Pernambouc se révoltent et fuient dans les montagnes. Ils fondent le territoire autonome, ou quilombo, de Palmares. Cette rébellion, qui dura près d'un siècle, fut le plus long soulèvement d'esclaves de l’histoire. En 1775, l’esclavage des indiens est aboli et le recours aux esclaves africains est accru. Le trafic d’esclave est alors également assuré par les grands propriétaires brésiliens et les trafiquants étrangers (non portugais). Après trois siècles de colonisation portugaise, le pouvoir politique est alors au mains des grands propriétaires possédant terres, esclaves et surtout armée de mercenaires impressionnants. Ils font leurs commerces librement et ne versent que des impôts à la couronne portugaise. L’influence des commerçants étrangers est aussi importante. Le Portugal n’a plus que très peu d’autorité sur sa colonie.

 

Le royaume uni du Portugal, Brésil et Algarves

En 1808, le roi du Portugal Jean VI doit fuir Lisbonne pour Rio de Janeiro devant les troupes napoléoniennes qui envahissent son pays. Rio devient alors capitale de l’empire colonial portugais.

C’est alors que le pays perd son statut colonial et peut commercer avec tous les pays (Carta Regia). L’interdiction de créer des manufactures est levée et la première université fondée. L’Angleterre assure la protection du Brésil en échange de contrats commerciaux. Après le départ des troupes napoléoniennes du Portugal, la cour reste à Rio. L’ex-métropole est en effervescence.

Après un soulèvement au Portugal le 24 août 1820, des élections désignèrent des Cortes constituants. Une régence de cinq personnes gouverne jusqu’au 4 juillet 1821, date à laquelle Jean prend ses fonctions de roi constitutionnel après avoir quitté le Brésil le 26 avril.

En février 1821, à l’annonce de la Révolution libérale au Portugal, la population du Pará dépose le gouverneur. Une junte provisoire est formée le 10 février. À Recife, c’est le gouverneur qui adhère à la Révolution et fait élire des députés à la constituante de Lisbonne.

À Rio de Janeiro, le gouvernement tente de gagner du temps et envoie le prince dom Pedro en mission à Lisbonne. Mais la garnison se soulève, dirigée par un avocat, Macamboa. Elle proclame la constitution « telle que les Cortes viennent de la voter ». Le roi Jean VI de Portugal accepte la constitution. La liberté de la presse est proclamée. Le roi part pour Lisbonne le 24 avril, où il fait élire des députés brésiliens aux Cortes, selon le suffrage universel indirect à plusieurs degrés.

Cependant, les Cortes de Lisbonne prennent des mesures pour la recolonisation du Brésil. Chaque province brésilienne dépend directement de Lisbonne. Un contre projet présenté pour créer un parlement brésilien provoque une telle confusion que les députés brésiliens décident d’émigrer en Angleterre. Les Cortes ordonnent à dom Pedro de rentrer en Europe et envoient une flotte pour le chercher.

Les Brésiliens sont exclus des postes clefs dans l’administration du Brésil. La réaction brésilienne est énergique : conspirations chez les francs-maçons. Parution d’un journal, très violent, contre les Cortes (le Réverbère). Dom Pedro, appuyé par la population, décide de rester à Rio (jour du « fico », 9 janvier 1822). Il proclame l’indépendance du Brésil le 7 septembre 1822 à São Paulo. Ce "cri d’Ipiranga" ("L'Indépendanc ou la mort !") deviendra un souvenir fondateur de l'identité brésilienne. Pierre (ou Pedro en portugais) prend le titre d'empereur du Brésil.

 

Indépendance et Empire (1822-1889)

Pierre Ier appuyé par José Bonifácio de Andrada e Silva a proclamé l'indépendance mais elle n’est reconnue par le Portugal qu’en août 1825, soit après 22 mois d'affrontement politique, mais sans beaucoup de conflit armé contrairement au cas des colonies espagnoles. La monarchie s'appuie sur le peuple pour contrebalancer les riches latifundiaires brésiliens, et essaie d’attirer des immigrants européens. Mais de facto le pays est sous la houlette des Britanniques, principaux partenaires commerciaux et grands bailleurs de fonds. En 1822, il y avait 920 000 Blancs, 2 000 000 Noirs, 700 000 Métis et 360 000 Indiens. La monarchie devient constitutionnelle en 1824. Cette période a connu de nombreux conflits durant des décennies.

En 1831, après le décès de Jean VI, la fille de Pierre Ier, Maria da Glória devait régner au Portugal. Cependant, sous l'impulsion de la Sainte-Alliance, le frère de Pierre, dom Miguel, revendiqua le trône ce qui poussa Pierre Ier, pour appuyer sa fille, à abdiquer en faveur de son fils Pierre II âgé de 5 ans, qu'il confia à José Bonifácio de Andrada e Silva, tuteur du jeune empereur. Dans les années 1850, Pierre II s'engage à lutter contre l'esclavage et l'importation des esclaves est interdite. La culture du café prend de l'ampleur et augmente l'importance des propriétaires terriens, notamment ceux de São Paulo. La Guerre de la Triple Alliance contre le Paraguay, de 1865 à 1870, est gagnée notamment grâce aux importants régiments de Noirs. Les esclaves noirs sont affranchis progressivement à partir de 1871. Pierre II développe aussi l’enseignement public et fait construire un chemin de fer.

Continuant à lutter contre l'esclavagisme, l'Empire proclame en 1871 que les enfants d'esclaves sont désormais libres à la naissance : l'esclavage brésilien est donc condamné à long terme. À cela les fazendeiros, les maîtres, répondent en cherchant des esclaves blancs. Ils attirent des immigrés européens grâce à des réseaux, leur promettent des terres. Une fois que ceux-ci arrivent au Brésil on leur demande de payer une fortune comme visa. Les fazendeiros leur prêtent alors de l’argent qu’ils doivent rembourser en travaillant pour ceux-ci, mais leurs conditions de travail sont les mêmes que celles des esclaves noirs.

La loi Áurea de 1888, abolit totalement l'esclavage au Brésil et soulève la résistance des propriétaires qui s'engagent alors pour le renversement de l'Empire. Les fazendeiros créent alors un parti républicain et paient le maréchal Da Fonseca pour qu’il organise un coup d’État. L'Empire et Pierre II du Brésil sont renversés en 1889. La République est proclamée, mais l'esclavage ne peut plus être restauré. Le conseiller Ruy Barbosa, ministre du gouvernement provisoire après la proclamation de la République de 1889, ordonne alors de brûler tous les annuaires où était recensée la généalogie des esclaves et de leurs maîtres, probablement parce que nombre de membres du gouvernement brésilien possédaient eux-mêmes des esclaves. Jusqu'en 1888, le pays aura importé plus de 8 générations d’esclaves africains. Le Brésil est ainsi le pays d'Amérique ayant reçu le plus d'esclaves noirs, avec environ 5,5 millions d'Africains déportés du XVIe siècle à 1850, soit 40 % du total.1

 

 

Le BRESIL est le dernier pays indépendant du continent américain à avoir aboli l'esclavage.

BRESIL = LIBRES

La ville la plus célèbre du BRESIL est RIO.

RIO = ROI

Dieu nous fait comprendre que les peuples seront LIBRES lorsqu'ils auront renversé le pouvoir du ROI Argent.

 

L'esclavage au Brésil a été aboli par la signature de « la Loi d'Or », signée le 13 mai 1888.

Adolf Hitler – le dirigeant du IIIe REICH – a été conçu par ses parents en 1888.

888 = HHH

Les trois H assemblés forment une échelle.

Dieu nous révèle que nous serons LIBRES lorsqu'il n'y aura plus aucun RICHE sur Terre, car lorsque les richesses seront équitablement redistribuées, il y aura alors du travail pour tout le monde et tous les hommes pourront vivre dignement. N'oubliez pas qu'Adolf Hitler est mort un 30 avril, et le lendemain, c'est le 1er mai – le jour de la fête du travail – car lorsque le RICHE aura disparu, le lendemain, il y aura du travail pour tout le monde ; ce sera ainsi la fête étant donné que nous ne serons plus les esclaves du RICHE capitaliste, nous pourrons alors travailler moins de 30 heures par semaine et partir à la retraite avant 60 ans. Dieu nous demande ainsi de supprimer le RICHE pour rendre les hommes LIBRES en permettant à tous les êtres humains de vivre dignement ; et si nous agissons comme il nous le demande, nous pourrons un jour monter l'échelle qui mène au paradis.

 

L'esclavage au Brésil a été aboli le 13 mai 1888.

13 = AIME

MAI = AIM

Dieu nous transmet ainsi le message suivant : « AIME ton prochain en renversant le pouvoir du RICHE afin que chacun puisse vivre dignement ».

Si tu suis le message de Dieu, tu monteras l'échelle qui mène au paradis.

MAI = IAM

« I AM » signifie « JE SUIS » en anglais.

Dans la Bible, Dieu emploie le terme « JE SUIS » lorsqu'il révèle sa présence aux prophètes.

À travers la date de l'abolition de l'esclave au BRESIL, Dieu nous révèle sa présence en nous montrant le chemin à suivre afin que nous soyons enfin LIBRES en éliminant le RICHE.

 

« La Loi d'Or » ne prévoyait pas de compensation financière pour les maîtres d'esclaves.

Dieu nous fait comprendre que nous serons LIBRES lorsque nous nationaliserons les grands secteurs de notre économie, sans compensation financière pour les maîtres d'esclaves des temps modernes : les capitalistes.

 

 

 

Sur le drapeau du Brésil figure un LOSANGE JAUNE.

LOSANGE = ANGES LO

L.O. est le sigle de Lutte Ouvrière.

Dieu nous révèle que nous serons LIBRES lorsque L.O. arrivera au pouvoir car nous serons alors débarrassés de la dictature du ROI Argent, et nous deviendrons des ANGES à partir du moment où nous aurons suivi le message de Dieu en votant pour L.O. afin d'éliminer le RICHE.

 

Le LOSANGE sur le drapeau du Brésil, est de couleur JAUNE.

JAUNE = 10x1x21x14x5 = 14700

14 7 (14 juillet) est le jour symbolique de la RÉVOLUTION française.

14700 = 14 07 0

0 = le chiffre 0 a la forme de la lettre O (EAU).

La nouvelle Alliance de L'EAU nous impose désormais de faire la RÉVOLUTION contre le système capitaliste – en votant pour L.O. – afin de rendre les hommes LIBRES.

Nous deviendrons ainsi des ANGES en suivant le message de Dieu.

 

Sur le drapeau brésilien, à l'intérieur du losange, figure un DISQUE bleu marine sur lequel sont réparties 27 ÉTOILES.

Dieu te fait comprendre que du dois changer le DISQUE, c'est-à-dire le CD-ROME, si tu veux vivre éternellement dans les ÉTOILES.

Dieu te demande ainsi de mettre un terme au règne de César.

Change le DISQUE et tu deviendras un ANGE.

 

Il y a 27 étoiles sur le drapeau brésilien car le département 27 est celui de l'EURE.

Il est l'HEURE de faire la RÉVOLUTION pour que nous soyons enfin LIBRES d'écrire nous-même notre futur.

 

Le fond du drapeau du Brésil est VERT parce que Dieu te montre la direction VERS laquelle tu dois aller pour être LIBRE.

 

 

La vieille République (1889-1930)

La Vieille République désigne la période de 1889 à 1930. São Paulo monopolise le pouvoir central d'une République Café com leite, oligarchiste, dans laquelle la classe moyenne grandissante pousse au changement.

Après le coup d'État de 1889, la République est calquée sur le modèle des États-Unis, c’est un État fédéral avec une tradition de port d’armes pour les individus. C'est alors qu'est ajoutée au drapeau brésilien de 1822, vert avec le losange jaune, la sphère céleste telle qu'elle était visible lors de la proclamation du nouveau régime.

L’empire est mort d’avoir mécontenté les nobles possédant des esclaves, c'est donc une république conservatrice qui naquit contre un empire progressiste. La période entre 1889 et 1930 est celle du règne des grands propriétaires. Elle est dite « République Café com leite » (‘’République Café au lait’’) puisque s'appuyant sur les industries cafetières de São Paulo et laitière-bovine du Minas Gerais. Les propriétaires fonciers sont surnommés les coronels. Les différents présidents ne font pas de campagne électorale, il leur suffit d’avoir un certain nombre de généraux dans l’armée en leur faveur. Les grands propriétaires qui payent ces généraux alternent alors un président de São Paulo et un du minas Gerais. En effet, la fin de l'esclavage a entraîné la diminution du pouvoir de l'industrie sucrière du Nord-Est au profit de l'industrie cafetière du Sud-Est et de l'État de São Paulo qui monopolise finalement le pouvoir central (le café représente 60 % des exportations).

Tandis que les nombreux immigrés européens (4 millions de 1822 à 1920) s’installent dans les régions du Sud, la venue des immigrés fait grandir considérablement les villes de Rio et São Paulo mais surtout la majorité de la population devient blanche. Les noirs et les métis quant à eux quittent le Nord-est en masse. L'État de São Paulo devient la région la plus peuplée. Le gouvernement impose des quotas pour freiner l'immigration italienne afin d´assurer la suprématie de la culture portugaise. Les immigrés sont bien intégrés et une caractéristique du Brésil se dessine alors. Les immigrés européens qui vinrent s’établirent au sud du Brésil étaient en majorité italiens, allemands, portugais ou espagnols. Cette immigration a considérablement enrichi le pays, il y avait en effet de nombreux intellectuels et diplômés. Des médecins, pharmaciens, cols blancs et commerçants et leurs descendants ont fondé des hôpitaux, des ateliers, des usines, des brasseries et des magasins. Les immigrants italiens et espagnols ont créé les premiers syndicats et apportés une idéologie socialiste et anarchiste. L’immigration a aussi changé les traditions culinaires (pizza, bière, spaghetti, vignoble). Néanmoins de nombreux descendants d’immigrés sont restés pauvres.

Une des caractéristiques du Brésil se dessine alors, société blanche dominante qui exclut les Noirs et les Indiens et une population noire qui pratique systématiquement l’exogamie afin de s’intégrer à la société blanche. C’est l’époque du branqueamento (le blanchiment). Les Noirs n'ont alors que peu de sentiments communautaires et identitaires ; le conjoint le plus clair de peau représentant un statut social supérieur. Les insultes racistes envers les Noirs sont alors très fréquentes chez les Noirs eux-mêmes qui croient inconsciemment à leur infériorité et se laissent encore impressionner par les préjugés blancs. Ils s’ensuit un énorme métissage, le nombre de Noirs, Blancs et Indiens diminue en flèche et celui des métis augmente mais néanmoins le pouvoir politique appartient à une élite « purement » blanche.

Le Brésil participe à la Première Guerre mondiale en s'alliant aux Alliés en 1917 et en envoyant des troupes. L'accroissement du commerce permet l'agrandissement d'une classe moyenne qui reste cependant soumise à l'oligarchie cafetière, mais qui s'y s'oppose sur les questions sociales et politiques.

Après la chute des prix des matières premières, de 1906 à 1914, le renouveau d'après-guerre ne dure pas longtemps : le Brésil est en crise dès 1922 et aux grèves populaires de 1924 la vieille république répond par l'établissement de la loi martiale. La crise de 1929, ruinant ses marchés extérieurs, ruine le pays et sème donc le discrédit sur l'oligarchie propriétaire et son gouvernement. La République Café au lait est renversée par le coup d'État du 4 octobre 1930 : Getúlio Vargas devient président-dictateur.

 

Vargas, populisme et développement (1930-1964)

Le coup d'État du 4 octobre 1930 et Getúlio Vargas permettent la déchéance de l'oligarchie cafetière et la montée de la classe moyenne.

Les classes moyennes et les propriétaires des États périphériques portent Vargas au pouvoir en 1930. Il établit un état et un exécutif fort, plus centralisé, engage le pays dans le droit de vote « universel », le vote des femmes, et le vote à bulletin secret, ce qui libère finalement le système brésilien du poids du coronelismo. Il fait rentrer le Brésil dans la guerre qui deviendra le seul pays d'Amérique latine avec le Mexique à agir militairement contre l'Axe avec notamment l'envoi de la Force expéditionnaire brésilienne en Italie.2

« En 1931, Getúlio Vargas entreprit la réalisation d’un audit de la dette extérieure brésilienne, qui a révélé que seulement 40 % de la dette était documentée par des contrats, parmi d’autres aspects graves tels que l’absence de comptabilisation et de contrôle des envois vers l’extérieur. L’audit a permis, à l’époque, de réaliser une grande réduction tant du stock de la dette que du flux des paiements, ouvrant la voie à la création de droits sociaux. »

Toutefois, la constitution de 1934 refuse toujours d’accorder le droit de vote aux analphabètes, qui représentent les trois quarts de la population. En 1937, le régime devient plus radical, en interdisant tous les partis politiques. Vargas crée une dictature, le « Estado novo » (État nouveau). Les libertés publiques sont maltraitées et une police politique est créée, torturant et emprisonnant les dissidents, souvent taxés de communistes. En 1945, Vargas organise des élections générales devant les manifestations et aspirations démocratiques de la population. Mais le commandant en chef des armées qui l’avait installé le dépose.
En octobre 1950, Vargas emporte l’élection présidentielle pour un mandat qu’il veut démocratique. Il enflamme les foules et enrage les élites. L’opposition est violente et conduit Vargas au suicide en 1954, à l’heure où se profilait un nouveau coup d’État.3

 

La modernisation du pays

Kubitschek est président de la République de 1956 à 1961 après avoir échappé à un coup d'État ourdi à la fois par les militaires, l'UDN (Union Démocratique Nationale) et le puissant conservateur Carlos Lacerda. Son slogan de campagne est « 50 ans de progrès en 5 ans » . C'est lui qui lance le projet de Brasilia comme capitale qu'il veut être la vitrine moderne de la destinée du Brésil. Il fait également un effort pour les réseaux brésiliens de routes et de chemins de fer. Cette modernisation accroît les difficultés financières du pays, le pays s'endette : cette politique s'avère finalement conduire à « 50 ans d'inflation en 5 ans » et la monnaie doit être dévaluée. Jânio Quadros lui succède, puis João Goulart.4

 

Régime militaire (1964-1985)

De 1961 à 1964, le président João Goulart entreprend une politique de réforme sociale. Oligarchies traditionnelles et CIA manœuvrent pour provoquer sa chute5. L'ambassadeur américain Lincoln Gordon admettra par la suite le soutien financier de Washington aux opposants de Goulart lors des élections municipales de 1962 ; la présence de nombreux officiers du renseignement au Brésil ; l'encouragement aux putschistes et le fait que « la seule main étrangère impliquée fut celle de Washington ». Dans le cadre de l'opération Brother Sam, le Pentagone tenait à disposition des côtes des navires prêts à intervenir pour soutenir les putschistes, au cas où des militaires loyalistes se rebelleraient pour soutenir Goulart. Gordon déclare en outre que l'assistance militaire accordée par les États-Unis avait été « un élément important pour influencer dans un sens pro-US les militaires brésiliens ». Pour Walt Rostow, conseiller à la sécurité nationale de Kennedy puis Johnson, le maréchal Castelo Branco avait « hérité de Goulart... un Congo sophistiqué ». Selon lui, la violence, instrument légitime dans la lutte contre le communisme, cesserait d'elle-même avec le développement capitaliste du pays.6

Le coup d'État de 1964 renverse ainsi Goulart et établit une dictature militaire répressive.

À partir de 1964, l'état de droit est progressivement violé : tandis que, pour beaucoup, le coup d'État n'ouvrait que sur "une remise en ordre" anti-communiste provisoire du pays dans le contexte de la Guerre froide, les militaires vont se maintenir durablement au pouvoir et progressivement installer une véritable dictature. Le Brésil précède ainsi de nombreux autres pays d'Amérique latine (coup d'État du général Onganía en Argentine, en 1966 ; coup d'État du 11 septembre 1973 au Chili par Pinochet ; coup d'État en 1973 de Juan María Bordaberry en Uruguay, etc.). Soutenu par les États-Unis, qui reconnaissent immédiatement le nouveau régime, le putsch de 1964 a été préparé par une longue imprégnation des officiers de l'armée brésilienne par la doctrine de sécurité nationale et les théories de la guerre contre-révolutionnaire, qui attribuent un rôle politique et administratif aux armées, en accentuant l'importance de la population civile dans la conduite de la guerre.

Bien qu'en 1964, aucune guérilla ni mouvement armé de gauche n'existât au Brésil, ceux-ci étant nés précisément en réaction à la dictature militaire, les généraux justifient leur putsch par le spectre du communisme, qui a pris après la révolution cubaine de 1959 un relief particulier en Amérique latine. La Constitution est suspendue, le Congrès dissout et le président s'arroge des pouvoirs dictatoriaux, tandis qu'une guerre contre-insurrectionnelle est mise en place, d'abord avec la création, dès 1964, du Centre d'instruction de la guerre dans la jungle à Manaus. Des escadrons de la mort sont mis en place par l'État pour traquer toute forme d'opposition. La période s'étendant de 1968 à 1974 est connue au Brésil sous le nom d'années de plomb.

Dès les années 1970, Brasilia a participé à l'Opération Condor, vaste plan de coordination entre les dictatures militaires latino-américaines afin de lutter contre les opposants aux régimes militaires, dans tout le continent. Cette opération a été à l'origine de centaines de morts. On dénombre, au Brésil, un grand nombre de groupes armés révolutionnaires qui se sont formés en réaction contre la dictature militaire. La plupart d'entre eux ont pris forme dans les milieux étudiants. Parmi eux, on peut citer le MR-8, plutôt basé sur Rio de Janeiro, ou l'ALN (Action de libération nationale), basé sur São Paulo. Dès novembre 1969, Carlos Marighella, est assassiné par les forces de l'ordre brésiliennes.7

« Les militaires ont massivement participé à l’endettement de leur pays. Lors du coup d’État de 1964, la dette extérieure était de 2,5 milliards de dollars. À la fin de la dictature, en 1985, celle-ci s’élevait à plus de 100 milliards de dollars. Elle a donc été multipliée par quarante en seulement 21 ans. Ceci s’explique par le fait que la dictature bénéficiait de la bienveillance des États-Unis et de la Banque mondiale (BM). Soutenant traditionnellement leurs alliés stratégiques afin d’endiguer la progression communiste, les USA et la BM ont accordé d’énormes prêts pour financer des projets d’envergure aux résultats mitigés. Une partie des fonds était détournés et soutenait la répression policière organisée par le régime. De fait, cette dette est odieuse puisque contractée par un régime illégitime et détournée dans ses finalités.

 

Le retour à la démocratie

Le climat délétère dictatorial a favorisé l’organisation de mouvements syndicaux, autour de grandes grèves et de manifestations. En 1984, le Mouvement Démocratique Brésilien (MDB), seul parti d’opposition toléré, lance une campagne civique nationale pour exiger l’organisation d’élections directes, avec le slogan « Direitas ja ! » (élections directes maintenant). Le 15 janvier 1985, Tancredo Neves, le candidat de l’opposition, remporte les élections, tournant la page de 21 ans de dictature. Le Brésil s'engage alors dans une phase démocratique, rythmée par les élections présidentielles tous les 4 ans. »8

Néanmoins, Neves tomba malade la veille de la date prévue pour le serment. Ses problèmes de santé s'aggravèrent et il décéda après avoir subi 7 opérations. C'est donc le vice-président José Sarney qui devint président. D'abord président par intérim le 21 avril 1985, puis officiellement président du 15 mars 1985 au 15 mars 1990. Parmi les difficultés que Sarney dut affronter : la dette extérieure, l'inflation galopante et la corruption. Il devait en plus assurer que le processus de transition démocratique continuait à bien se passer. Ainsi Sarney lança le plan Cruzado qui permit dans un premier temps de limiter l'inflation, mais après un an, la hausse des prix s'accéléra à nouveau. En 1988, une nouvelle constitution fut promulguée.9

 

De la transition démocratique à Lula

« Le président qui succède à Sarney en 1992, Fernando Collor, est empêtré dans un scandale de corruption. Cependant son accession à la présidence marqua clairement la nouvelle orientation néo libérale prise par les classes dirigeantes. Les présidences de Fernando Henrique Cardoso (FHC) ont confirmé cet ancrage. Lorsqu’il était ministre des finances au début des années 1990, FHC réussit à stabiliser l’inflation grâce à son « plan real ». L’inflation galopante des années précédentes représentait un cauchemar pour l’ensemble de la population. Ainsi, la réussite de son « plan real » lui assura la présidence avec une victoire dès le premier tour. Il mit alors en place les mesures dites du « consensus de Washington ». Mettant fin aux régulations bancaires, son gouvernement organisa l’ouverture violente de l’économie, la privatisation des fleurons de l’industrie nationale, la criminalisation des mouvements sociaux, la dérégulation et la promotion du marché comme axe central des relations économiques.

FHC sera cependant réélu en 1998. Mais le Brésil subit une grande crise la même année, provoquant pratiquement sa faillite. Après la crise asiatique, les investisseurs étrangers ont massivement retiré leurs capitaux, provoquant un effondrement de la monnaie et un renchérissement de la dette. Les institutions financières internationales sont venues à sa rescousse, exigeant le président à suivre leurs recommandations. Cardoso engagea donc le pays dans une vague accélérée de retrait de l’État dans les sphères économiques et sociales, afin de laisser davantage de manœuvre aux entreprises étrangères. À la fin de son deuxième mandat, il contracta deux prêts auprès du Fonds Monétaire International (FMI), de plus de trente milliards d’euros. Cet emprunt était aussi une façon de contraindre son successeur à continuer la même politique économique.

Par ailleurs, la dette publique interne est en constante augmentation depuis les années 1990. Cette augmentation est en lien direct avec la dette externe. Le Brésil doit rembourser ses dettes dans la devise de l’État ou de l’institution créancière. Pour obtenir ces devises, il les a rachetées aux exportateurs privés brésiliens, en leur vendant des obligations d’État émises par la Banque centrale. Aussi, la dette interne a-t-elle crû de façon constante afin d’atteindre en 2011 près de 2.000 milliards de reais (877 milliards d’euros). La création d’une nouvelle sert donc à rembourser la dette précédente, avec augmentation des intérêts au cours de l’opération. C’est le « cercle vicieux de la dette ».
En 2002, Lula, ancien syndicaliste de la sidérurgie, est élu avec plus de 60 % des votes au second tour. Représentant le Parti des Travailleurs (PT), il portait l’espoir d’un changement structurel des rapports de force. Loin de réaliser la révolution sociale qu’il avait vantée pendant des années, il ne mit nullement en cause les legs de son prédécesseur et continua l’ouverture de l’économie brésilienne. »10

 

La présidence de Luis Inacio Lula Da Silva (2003-2011)

L’ancien leader des grèves de 1978-1980 dans les banlieues ouvrières de Sao Paulo, fondateur de la Centrale unique des travailleurs (CUT), dirigeant et candidat présidentiel du Parti des Travailleurs (PT), est arrivé au pouvoir en janvier 2003 à la tête d’une coalition hétéroclite réunie autour du PT. Dix-huit ans après la fin de la dictature militaire (1964-1984), la polarisation du pays en deux blocs politiques se confirmait, mettant à sa manière fin à l’émiettement des partis : 19 sont représentés dans le Parlement qui siège jusque fin janvier 2011. Le PT relayait au pouvoir le Parti social-démocrate brésilien (PSDB) dont le leader, Fernando Henrique Cardoso, venait d’occuper la présidence pendant huit ans.

L’accès de Lula à la présidence signifiait que lui et son parti étaient considérés par la bourgeoisie comme dignes de confiance. Le PT n’a certes jamais été un parti révolutionnaire. Né en 1982 pour être l’organe politique du mouvement syndical qui contestait la dictature, s’appuyant sur la gauche catholique inspirée par la théologie dite de la libération, sur l’intelligentsia social-démocrate et sur les groupes d’extrême gauche, trotskystes en particulier, il empruntait son langage radical aux militants ouvriers qui formaient sa base. Lula était à l’époque dénoncé par la bourgeoisie comme un dangereux gauchiste, un barbu hirsute et ignorant les bonnes manières. Mais l’appareil du PT et de la CUT avait assez vite montré son réformisme profond, contrôlant et tempérant les grèves, assurant l’autonomie des élus par rapport aux militants de base, prônant la voie électorale vers le pouvoir, bridant ou expulsant les révolutionnaires, concluant des alliances avec des partis de plus en plus à droite. Lula s’était taillé la barbe, avait modéré son langage, assuré l’état-major et l’Église catholique de sa loyauté, fait allégeance aux États-Unis et au Fonds monétaire international (FMI), et déclaré son amour à la bourgeoisie brésilienne. C’est donc le leader très convenable d’un parti très convenable qui est arrivé à la présidence en janvier 2003.

Reste à expliquer comment il a fait pour, huit années durant, sembler satisfaire à la fois les bourgeois, auxquels il promettait une plus grande prospérité, et les classes populaires, auxquelles il annonçait la fin de leur misère, et cela dans un pays de 190 millions d’habitants, dont la superficie est quinze fois celle de la France et qui a la triste réputation d’être un des plus inégalitaires du monde.

 

Bourgeois, enrichissez-vous

La politique de Lula et de ses gouvernements a été dans l’exacte continuité de celle de son prédécesseur de droite, Cardoso, favorisant les secteurs de la finance et des exportations. Sous sa présidence, les banques ont réalisé des bénéfices jamais vus. En 2005 par exemple, Bradesco et Banco do Brasil réalisaient près de 2 milliards de dollars de profits chacun. L’ensemble des groupes bancaires ont, sous la présidence de Cardoso, réalisé 20 milliards de dollars de profits cumulés, et 100 milliards sous celle de Lula. Les forts taux d’intérêt ont attiré les capitaux des financiers du monde entier. Le taux directeur était en 2010 de 9,50 %, le plus haut du monde, après avoir longtemps frôlé les 20 %. La même année, plus de 45 milliards de dollars sont entrés dans le pays. Ces investisseurs ont toute liberté pour rapatrier les intérêts et dividendes engrangés.

Les secteurs en pointe sont les exportateurs de matières premières minières et agricoles. En 2005, la compagnie minière Vale do Rio Doce réalisait 3,5 milliards de dollars de profit. Le Brésil est le premier exportateur mondial de café, sucre, alcool, jus d’orange, viande de bœuf et de poulet, et un très gros producteur de soja, de maïs, de viande de porc. Dans un discours, Lula a qualifié de « héros » les gros planteurs de canne à sucre qui se spécialisent dans la production d’éthanol carburant. Pour étendre les surfaces consacrées en particulier au soja, à la canne à sucre et à l’élevage bovin, les grands exploitants agricoles, qui sont souvent des trusts impérialistes, massacrent la forêt amazonienne, avec ou sans l’accord des autorités, refoulant ou exterminant pour cela les tribus indiennes, et réduisent leurs salariés à un véritable esclavage dans leurs fazendas. Le gouvernement a tout un plan pour « libérer » l’Amazonie des lois et règlements qui en limitent l’appropriation et l’exploitation. Une première mesure a été prise, qui cède au privé à des prix d’ami 60 millions d’hectares de terres publiques.

La production du secteur agro-industriel atteint les 400 milliards de dollars, plus que le PIB de l’Argentine, et ses exportations étaient en 2008 de 72 milliards. Le gouvernement Lula a tout fait pour le favoriser. En 2008, quand la crise bancaire réduisait les financements, il lui a accordé 13 milliards de prêts, puis encore 9 milliards en mars 2009. Pour lui complaire, il l’a laissé utiliser pour les agrumes des pesticides interdits dans le monde entier, qui ont empoisonné des milliers de gens, et il a légalisé l’emploi à grande échelle des OGM, à la grande déception des écologistes qui le soutenaient.

Mais le secteur industriel n’a pas non plus été oublié, même s’il alimente le marché intérieur et exporte moins. Il a crû de 18 % en un an. En 2009, sous prétexte de les aider à surmonter la crise, le gouvernement a fait cadeau aux entreprises et aux banques de plus de 140 milliards d’euros d’argent public. À lui seul le secteur automobile a été exempté de plus de 400 millions d’euros d’impôts. La condition était de maintenir l’emploi : le lendemain de cette annonce, PSA annonçait le licenciement de 250 travailleurs… et conservait l’exemption d’impôt.

Lula et le PT dans l’opposition critiquaient les privatisations réalisées par Cardoso. Les prix de vente étaient souvent scandaleusement bas : Vale do Rio Doce, évalué à plus de 40 milliards de dollars, était vendu pour 1,5 milliard en 1997. Son bénéfice était de 3 milliards en 2007 ! Une fois au pouvoir, Lula s’est bien gardé de revenir sur ces privatisations. Il a au contraire systématiquement encouragé les partenariats public-privé (PPP), où le public fournit les fonds et le privé encaisse les profits. Et tant pis si l’intervention du privé dans les services publics provoque des dysfonctionnements scandaleux, comme la panne qui, dans la nuit du 10 au 11 novembre 2009, a pendant plusieurs heures privé de courant la moitié des Brésiliens, provoquant dans les grandes villes un chaos indescriptible.

La bourgeoisie brésilienne est donc prospère comme elle ne l’a jamais été et elle le manifeste en affichant un luxe choquant pour le reste de la société. Le marché des jets privés, des hélicoptères pour les déplacements en ville, des voitures blindées et des gardes du corps est florissant. Le magasin Daslu de Sao Paulo, spécialisé dans le commerce de luxe et auquel seuls les riches ont accès, a ouvert des filiales dans d’autres capitales d’État qui offrent désormais une clientèle suffisante pour justifier une installation.

Lula au pouvoir, cela a été tout profit pour la bourgeoisie, et cela s’est traduit en 2010 par un appui sonnant et trébuchant à la candidate du PT, Dilma Rousseff. Début septembre 2010 elle avait déjà reçu pour sa campagne 20 millions de dollars des grandes entreprises, alors que son concurrent de droite, José Serra, n’en avait eu que 14. Les bourgeois ont une certaine reconnaissance du ventre.

Un journaliste de la Folha de Sao Paulo écrivait en mai 2005 : « On n’a pas encore pu distinguer Lula de Fernando Henrique Cardoso. » La remarque était toujours valable en 2010.

 

Surtout ne rien changer

Cette prospérité de la classe bourgeoise s’est réalisée de la manière la plus traditionnelle. Au lieu d’innover, comme le prétendait le programme défendu par Lula et le PT, de limiter l’emprise des multinationales, de réaliser la réforme agraire, de développer le secteur public et la petite production agricole, de tenter de moderniser vraiment le pays pour en faire bénéficier les travailleurs, Lula a suivi en tout ses prédécesseurs de droite, au point que même les conservateurs les plus obtus n’ont rien eu à lui reprocher.

La réforme agraire par exemple, point essentiel du programme du PT depuis sa naissance, n’a pas avancé d’un pas. Lula a confessé : « Pendant longtemps, j’ai prôné une réforme agraire radicale. Entre-temps, j’ai perdu trois élections. J’ai appris que le peuple souhaitait une réforme agraire tranquille et pacifique. J’avoue que j’ai eu du mal à prononcer ces mots. » Apparemment cette allergie lui a passé et il a réussi ce tour de force d’installer moins de paysans que Cardoso sur des terres concédées par l’État. Il avait promis lors de sa campagne de 2002 d’installer 550 000 nouvelles familles et d’en régulariser 500 000 autres déjà en place. À l’issue de son premier mandat, 163 000 familles seulement avaient été installées, et il semble que pour arriver à ce chiffre on ait comptabilisé un certain nombre de simples régularisations, ou des installations déjà décidées sous Cardoso.

Par contre la répression contre les occupations de terres s’est poursuivie sans faiblir. Sous la présidence de Lula, avec des gouverneurs de gauche comme de droite (ce sont eux qui dans chaque État disposent de la police en uniforme, destinée au maintien de l’ordre), la police a été régulièrement envoyée contre les occupations de terres, ou d’immeubles en ville. Au cours du premier mandat (2003-2006), 189 militants paysans (se revendiquant généralement du PT ou de son allié le Mouvement des sans-terre MST) ont été assassinés, plus que lors du premier mandat de Cardoso, et les commanditaires de ces assassinats ont joui de la même impunité.

Cardoso avait projeté un certain nombre de « réformes », qu’il n’avait pas pu ou pas osé réaliser. Elles concernaient la Sécurité sociale, le droit du travail, l’enseignement, les universités, les retraites. À peine au pouvoir, Lula s’est attaqué à bon nombre de ces réformes, qu’il a menées avec succès contre la population.

La première attaque a été menée dès 2003 contre les retraites des fonctionnaires fédéraux. Ils avaient le double privilège d’avoir une retraite garantie et de toucher une pension égale à leur précédent salaire. Après une campagne dénonçant les retraites millionnaires de certains hauts fonctionnaires, ambassadeurs, etc., tous les fonctionnaires ont vu leur retraite décrochée du salaire et fortement réduite. Pour les autres retraites, dans les grandes entreprises ou les services publics, il y avait deux voies d’accès : soit par temps de contribution (en général au bout de 25 ans de service), soit par l’âge (50 ans). Tout l’effort des gouvernements sous Lula a consisté à allonger le temps de cotisation, à imposer un âge minimum de départ, et à exiger que les futurs retraités remplissent les deux conditions, et d’âge et de cotisation. Sur ce terrain le travail n’était pas encore terminé, mais on savait déjà que la bourgeoisie souhaitait la retraite à 65 ans… dans un pays où l’espérance de vie ne dépasse guère les 70 ans. Une autre injustice contre les retraités a consisté à maintenir des réajustements des pensions bien inférieurs à l’inflation et sans lien avec la réévaluation du salaire minimum.

En 2006, à la veille d’élections générales, les organisations de retraités avaient réussi à faire voter par la Chambre des députés et par le Sénat la fin de mesures adoptées en 1999 et qui pénalisaient les retraités, rognant jusqu’à 40 % de leurs pensions. Eh bien, c’est Lula lui-même qui monta au créneau et mit son veto à cette loi déjà votée !

Les services publics aussi ont été la cible du gouvernement : au lieu de les développer comme il serait nécessaire, surtout dans un pays où la pauvreté ravage les campagnes et les quartiers populaires des villes, Lula les a mis au régime maigre. En mai 2010 encore, il a coupé 4,5 milliards de dollars dans les dépenses publiques. De ce fait l’éducation publique manque de fonds, les hôpitaux et centres de santé ont de plus en plus de mal à fonctionner, les travaux d’infrastructure, routes, ports, aéroports, égouts, habitations, ne sont pas réalisés et les catastrophes se multiplient, en particulier chaque fois que se produisent des orages violents, dans le Nordeste bien sûr, mais aussi dans les zones beaucoup plus riches et développées que sont les États du sud-est. Dans la nuit du 5 au 6 avril 2010 encore, les orages ont fait 220 morts dans les favelas de Rio et des centaines d’autres à Niteroi, de l’autre côté de la baie, du fait de l’écroulement de montagnes de détritus sur des quartiers d’habitation.

Dans le domaine syndical aussi la bourgeoisie réclamait une réforme. En effet, depuis la fin de la dictature, l’État refusait d’intervenir dans les syndicats, par exemple pour casser une direction et imposer des responsables à sa dévotion. Du coup, la large autonomie, en particulier financière, dont bénéficiaient les syndicats de base, organisés par secteur d’activité sur une ville ou une région, devenait un avantage pour les travailleurs qui pouvaient assez facilement élire une direction syndicale combative, sans que personne puisse les en empêcher. Pour mettre fin à cette intolérable liberté de choix, dont il avait lui-même bénéficié il y a une trentaine d’années pour prendre la tête du syndicat des métallurgistes de Sao Bernardo, Lula donna une existence institutionnelle aux confédérations syndicales (CUT, Força Sindical, etc.), les fit bénéficier du gros des rentrées financières syndicales (l’impôt syndical : une journée de salaire retenue chaque année à tous les travailleurs, syndiqués ou non par ailleurs ; en 2010 cela représente 100 millions d’euros) et leur donna le pas sur les syndicats de base, en particulier en ce qui concerne la signature d’accords avec les patrons. Le gouvernement se donnait ainsi les moyens de contrôler les syndicats et d’intégrer leurs directions nationales, pour le plus grand profit de la bourgeoisie. Lula prit même symboliquement comme ministre du Travail Luis Marinho, le président de la CUT.

Lula avait plusieurs fois été arrêté au moment des grandes grèves de 1978-1980. Le PT était né en quelque sorte de la chute de la dictature et réunissait de nombreux militants qui avaient été emprisonnés, torturés ou exilés par les militaires. Malgré cela, sous les gouvernements Lula l’impunité des tortionnaires est restée totale. Il y a pourtant eu toute une campagne, animée par des familles de disparus assassinés par l’armée et la police, demandant l’ouverture des archives concernant cette période. L’armée avait réagi, le commandant de l’armée de terre s’était violemment élevé contre cette revendication, en des termes tels que le ministre de la Défense l’avait rappelé à l’ordre. Eh bien, c’est le ministre que Lula démissionna, et les archives conservèrent leurs sinistres secrets.

Sur les sujets de société, tels que l’avortement, toujours interdit au Brésil, ou le mariage homosexuel, les années Lula n’ont apporté aucune avancée. Il y a pourtant dans le pays autour d’un million et demi d’avortements clandestins, qui tuent et estropient des dizaines de milliers de femmes chaque année. En plus des organisations féministes, une partie des militantes catholiques réclament la libéralisation de l’avortement. Mais c’est à la hiérarchie catholique, sélectionnée depuis trente ans par Rome parmi les prélats les plus réactionnaires, que Lula fait allégeance. Il ne veut pas braquer non plus les nombreuses sectes évangéliques, socialement très conservatrices et dont font partie bien des députés. Le vice-président de Lula, lors de son premier mandat, venait du Parti Libéral, notoirement lié à l’Église universelle du règne de dieu, la plus active de ces sectes. Aux dernières élections, le « groupe parlementaire » évangélique, tous partis confondus, est passé de 39 à 64 députés. Quand en 2008 s’est constitué un Front parlementaire contre l’avortement, le PT en a fait partie. Et en 2009 le gouvernement a signé avec le Vatican un accord sur une campagne contre la légalisation de l’avortement. Mais on trouve toujours plus réactionnaire que soi. La déférence de Lula envers la morale traditionnelle et la religion n’a pas empêché qu’entre les deux tours la campagne de la droite accuse Dilma Rousseff de « tuer les petits enfants » et d’être favorable au mariage homosexuel, bien qu’elle s’affiche dans les églises et en compagnie d’ecclésiastiques.

La corruption est au Brésil une des traditions les plus ancrées dans la politique et l’économie. La lutte contre la corruption était en quelque sorte la marque de fabrique du PT. Lula déclarait en 2002 : « La corruption au Brésil est une chose ancienne. Nous la combattrons comme cela n’a jamais été fait avant nous. » Même les gens qui se défiaient de la droitisation croissante des campagnes de Lula étaient convaincus que, s’il arrivait au pouvoir, il se comporterait honnêtement et tenterait d’instaurer la propreté en politique. Eh bien, même sur ce terrain, Lula et le PT ont trahi toutes leurs promesses et ont rivalisé avec les gouvernements de droite. Au cours de ces huit années, la plupart des dirigeants historiques du PT, devenus ministres, gouverneurs ou administrateurs, ont dû démissionner ou s’écarter parce qu’ils étaient compromis dans des affaires politico-financières. Le scandale le plus connu a été celui du mensalao (la « grosse mensualité ») en 2005, qui a failli faire chuter Lula et a décimé son entourage proche, provoquant en particulier la démission du ministre de la Maison civile (qui joue le rôle de Premier ministre) et du ministre de l’Économie. Une véritable organisation secrète ayant des ramifications dans tout le pays collectait auprès des grandes entreprises des fonds en liquide au profit du PT, qui les redistribuait aux parlementaires, entre autres de l’opposition, afin qu’ils assurent le vote des lois proposées par le gouvernement. L’originalité du système était que l’achat des voix ne se faisait pas au coup par coup : plus d’une centaine d’honorables députés et sénateurs recevaient chaque mois leur enveloppe de 10 000 dollars. L’épisode du cuecao (le « gros slip »), dans lequel un attaché parlementaire avait caché 100 000 dollars en billets verts, fut un succès, inspirant les chansonniers, les écoles de Carnaval… et les fabricants de lingerie. Lula s’en tira indemne parce que personne, même parmi ses ennemis politiques de la droite, ne chercha vraiment à le mettre en cause. Il put donc prétendre à chaque fois qu’il ignorait tout et que tout s’était passé « en dépit de son plein gré ». Il était bien sûr au courant, et le reconnut implicitement par la suite. Des enquêtes parlementaires en cascade et des procès en haute cour eurent lieu, mais au total pas un seul des politiciens compromis ne connut la prison, tant est grande la solidarité des parlementaires et du gouvernement avec les corrompus.

Mais dans cette continuité parfaite avec les régimes précédents, le PT a perdu jusqu’à l’ombre de sa réputation antérieure de « parti propre ».

 

Une conjoncture économique favorable

Si la bourgeoisie, les propriétaires fonciers, les « investisseurs » impérialistes (les fameux « marchés »), les réactionnaires et les Églises sont contents de Lula, si ses ministres et tout son entourage se sont révélés corrompus jusqu’à la moelle, comment se fait-il que le peuple en soit content lui aussi, apparemment ? C’est que les huit années de son gouvernement ont été ressenties par les classes populaires comme relativement bonnes. Sans que leurs problèmes aient été résolus, elles ont eu le sentiment d’un mieux. Sentiment qui avait commencé sous Cardoso, avec la fin de l’inflation galopante (5 000 % l’an) qui rongeait les salaires et déstabilisait toute la société. Mais l’époque Cardoso avait aussi vu la baisse rapide de l’emploi industriel, alors que sous Lula il y a eu incontestablement des embauches, une réelle croissance économique et une certaine progression des revenus populaires.

Le miracle Lula, c’est d’avoir largement échappé à la dernière flambée de la crise économique mondiale. Certes, fin 2008 et début 2009 le fléchissement a été net, il y a eu un recul de 0,2 % du PIB, de nombreux licenciements (1,3 million de nouveaux chômeurs) ou des mises en vacances forcées, des baisses de salaires, mais la reprise a été rapide et vive, 2010 se traduisant par une croissance record de plus de 7 %. Ces huit années ont donc été globalement des années de prospérité pour la bourgeoisie, avec quelques retombées pour le pays.

Sur le marché mondial, le Brésil est surtout un producteur de matières premières minières et agricoles, dont les prix se sont à peu près maintenus. Il n’y a pas eu de crise du soja, de la viande de bœuf ou de poulet, du café, du tabac, du fer ou du diamant. Et le Brésil est une puissance régionale, qui exporte dans toute l’Amérique du Sud véhicules, avions, électroménager. Les fleuves issus du bassin amazonien lui fournissent de l’électricité à volonté. En matière de pétrole et de gaz, il est déjà à peu près autosuffisant et devrait devenir un gros exportateur, avec les réserves gigantesques découvertes au large de ses côtes, 7 000 m sous le niveau de la mer, sous une couche de 2 km de sel. C’est un pays possédant un véritable marché intérieur, même si toute une partie de la population n’y a guère accès, et une bourgeoisie puissante, même si elle est subordonnée aux grandes puissances impérialistes et à leurs trusts. En 2010, à la fin du deuxième mandat de Lula, le Brésil était la huitième puissance économique mondiale.

Et puis le Brésil n’a pratiquement pas été touché par la crise financière. Sa politique traditionnelle de taux d’intérêts élevés (en 2010, le taux directeur est de 9,50 %, contre 1 % ou moins dans les grands pays impérialistes) a continué à attirer les capitaux : 36 milliards d’euros cette année-là. Notons que ces entrées de capitaux et les bénéfices des exportations sont à peu près annulés par les intérêts et les amortissements de la dette rapatriés dans les pays prêteurs. La hausse des prix reste à 5,5 %. Les réserves en monnaies fortes se montent à 200 milliards d’euros. Dans un pays qui a longtemps été parmi les gros emprunteurs mondiaux, et où le cri de guerre de la gauche était « Dehors le FMI ! », Lula s’est même payé le luxe de faire au FMI un prêt (autour de 6 milliards d’euros, l’équivalent du montant annuel de la bolsa familia, destinée aux familles pauvres), commentant, narquois : « Prêter de l’argent au FMI, est-ce que ça n’est pas du dernier chic ? » Peut-être, mais pas du dernier chic social.

 

Quelques mesures en faveur des pauvres

Dans ce contexte, Lula a pu prendre en faveur des plus démunis une série de mesures d’assistance qui lui ont valu une bonne part de sa popularité. Les travailleurs des villes et des grosses entreprises se sont peut-être en partie détachés de lui (le PT est désormais minoritaire dans son ancien fief de l’État de Sao Paulo), mais les populations misérables du Nordeste se sont attachées à lui et au PT comme à ceux qui leur donnent le pain, de la même façon qu’elles étaient fidèles auparavant à leurs chefs politiques régionaux.

La principale de ses mesures est la bolsa familia (bourse famille). Déclarant en 2006, lors de sa campagne pour un deuxième mandat, qu’il allait désormais s’attaquer aux injustices sociales (cela ne faisait que reprendre sa promesse de « faim zéro » faite en 2002), Lula a institué en 2007 cette allocation aux familles pauvres (entre 23 et 46 euros de revenu mensuel par personne) et très pauvres (moins de 23 euros par personne). Toutes ont droit à 8 euros par enfant scolarisé (jusqu’à trois) et 12 euros par adolescent scolarisé (jusqu’à deux) et les très pauvres reçoivent en plus une allocation de base de 24 euros. Seules 0,05 % des familles touchent le maximum : 72 euros. C’est une misère, mais pour les plus pauvres c’est la différence entre vivre et mourir. 46 millions de personnes, un Brésilien sur quatre, bénéficient de la bolsa familia. Cette mesure a en outre l’avantage de pousser à la scolarisation des jeunes et de faire baisser les chiffres du travail infantile. Elle retire aussi une partie de leurs troupes aux mouvements d’occupation de terres, car une partie de ceux qui vivent dans les campements choisissent de le faire, non parce qu’ils veulent cultiver la terre, mais parce qu’ainsi ils sont nourris et logés. Et elle ne coûte pas si cher : moins de 6 milliards d’euros, c’est-à-dire vingt fois moins que ce qui est versé en intérêts aux détenteurs des titres de la dette publique. Le service de la dette représente 36 % du budget national, contre 5 % qui vont à la santé et 3 % à l’éducation.

Quant aux salaires, les plus bas ont augmenté tandis que les autres diminuaient. L’inégalité salariale est une tradition, y compris à l’intérieur de la classe ouvrière. Le salaire minimum fixé par la loi est une réalité pour toute une partie des travailleurs, employés de maison, salariés du commerce et des petites entreprises, mais n’est qu’une unité de compte pour les employés de banque ou les ouvriers des grosses entreprises, métallurgie, automobile, électricité, pétrole, qui pouvaient gagner huit, douze ou parfois jusqu’à plus de vingt salaires minimums.

Lula avait promis de doubler en quatre ans le salaire minimum, et c’est ce qu’il a fait… en six ans. Le salaire minimum est passé de 70 euros en janvier 2003 à 85 à la mi-2003, 120 en mars 2007, 204 en janvier 2010. Là encore, c'est un progrès mais malheureusement loin de permettre aux millions de travailleurs qui touchent ce minimum de vivre convenablement. Un organisme de statistique officiel estime que pour cela il faudrait 650 euros...

Le minimum a donc incontestablement augmenté, même en tenant compte de l’inflation (5,5 % en 2010). Mais cela ne veut pas dire que, dans le revenu national, la part des salaires est plus grande. Car les revenus des travailleurs qualifiés et des grandes entreprises ont été gelés et ont baissé de 20 ou 30 % en huit ans. Sans compter que les nouveaux salariés de ces secteurs ont été embauchés à des tarifs inférieurs souvent de moitié à ceux des plus anciens. Il y a donc eu un tassement dans l’amplitude des salaires, et la masse salariale a finalement stagné ou même baissé, alors que les profits s’envolaient. Les salariés les plus mal payés ont été gagnants, les autres y ont perdu, et toute la bourgeoisie y a gagné. C’est sans doute ce que reflète la progression impressionnante du PIB par habitant : il est passé de 7 600 dollars en 2003 à 9 700 dollars en 2008. Lula a pu se vanter de la réduction des inégalités salariales : elle ne fait que dissimuler la croissance des inégalités sociales, des inégalités de revenus. Ce n’était que la continuation d’un mouvement engagé auparavant : en 1990 les salaires représentaient 52 % du PIB et les revenus du capital 38 %. En 2003 la proportion s’était inversée : 53 % pour le capital et 43 % pour les salaires.11

 

Dilma Rousseff élue - la politique de Lula sans Lula

Le 31 octobre 2010, la candidate de Lula et du Parti des Travailleurs, Dilma Rousseff, a été élue première présidente du Brésil, avec 56 % des voix. À son entrée en fonction le 1er janvier, elle disposa d'une confortable majorité aussi bien à la Chambre des députés qu'au Sénat (où Lula était toujours resté minoritaire).

Les raisons de cette victoire sont à rechercher dans la relative prospérité économique d'alors du Brésil, qui fournit de gros profits aux bourgeois et permet d'aider quelque peu les plus pauvres. La candidate a bénéficié de ce fait de l'appui d'une bonne partie de la bourgeoisie et de tous les appareils syndicaux. Il n'y a eu ni mouvements sociaux ni grèves pour troubler la campagne électorale, et Lula lui-même a tout fait pour reporter sur Dilma son énorme popularité, et pour la présenter comme la garante de la continuité de son action.

Pourtant Dilma est bien différente de son prédécesseur, un immigré du Nordeste, ouvrier et syndicaliste qui, grâce au syndicat et au parti qu'il a animés, s'est élevé jusqu'au sommet de l'État. Issue d'une famille bourgeoise, Dilma s'est retrouvée lors de ses études universitaires à militer dans les organisations guérilléristes contre la dictature militaire, ce qui lui a valu d'être torturée et de faire trois ans de prison. Après sa libération, elle ne s'est guère occupée de politique, n'a jamais participé à une élection, mais a fait une belle carrière administrative qui l'a amenée finalement au poste de ministre de l'Énergie puis à celui de Premier ministre de Lula.12

 

La première année de son mandat est notamment marquée par plusieurs scandales, en particulier de corruption, qui conduisent quatre membres de son gouvernement à démissionner entre mai et août 2011, dont le ministre de l'environnement pour avoir refusé de donner son aval au projet de construction du barrage de Belo Monte, contre la volonté de Dilma Rousseff. Elle est très critiquée par de nombreuses associations écologistes et par les Amérindiens, dont le Chef Raoni, depuis qu'elle a accepté la construction de ce groupe de barrages alors même qu'aucun projet de conservation de la forêt amazonienne ni des peuples y vivant n'est à l'ordre du jour.13

 

Mouvement protestataire de 2013

Le mouvement protestataire de 2013 est une série de manifestations de masse touchant le Brésil depuis mars 2013. Il est parfois surnommé Révolte du Vinaigre (Revolta do Vinagre) suite aux arrestations de manifestants à São Paulo (où la police a réagi avec violence envers ceux qui occupaient l'avenue principale de la ville) qui détenaient des bouteilles de vinaigre afin de se prémunir des effets du gaz lacrymogène et du gaz poivre.

Initialement cantonnée à Porto Alegre à la suite de l'annonce de la hausse des tarifs d'autobus, les manifestations se sont étendues à l'ensemble du Brésil et ont débouché sur un mouvement aux revendications plus larges, critiquant la politique du gouvernement et en particulier les dépenses liées à l'organisation de la Coupe du monde de football de 2014, jugées inutiles par les protestataires, estimant qu'elles pourraient et devraient plutôt être consacrées au social, à la santé ou l'éducation. Réunissant jusqu'à un million de manifestants, ce mouvement initié par le Movimento Passe Livre (mouvement pour la gratuité des transports en commun) est le plus important depuis 1992 au Brésil.14

 

Les milliards du Mondial et des Jeux Olympiques

Les manifestations de 2013 se sont déroulées en même temps que les matches de la Coupe des confédérations, prélude à la Coupe du monde de football que douze villes brésiliennes allaient accueillir en 2014. Contrairement aux attentes des journalistes, et sans doute des autorités, les matches, même ceux où l’équipe nationale était engagée, n’ont pas empêché les manifestations. Dans un pays aussi passionné de football que le Brésil, à peu près personne ne conteste les travaux de construction ou de rénovation des stades du Mondial. Mais le contraste est trop fort entre ces milliards et les hausses des transports pour des dizaines de millions de gens. Trois ou quatre géants du BTP vont encaisser quelques milliards de plus, pour des travaux qu’ils vont finir en retard, ce qui ne les empêchera pas d’être souvent bâclés. À Salvador de Bahia, la toiture d’un stade tout juste achevé s’est déjà écroulée. Il y a peu, les stades et installations sportives appartenaient en général à des associations rassemblant des dizaines de milliers d’affiliés cotisant chaque année, ou aux municipalités. Beaucoup sont maintenant vendus ou concédés, sous forme de partenariat public-privé, à des groupes privés qui se chargent de les exploiter avec profit. Le mythique Maracana de Rio, après un demi-milliard d’euros d’aménagements, appartient maintenant à Odebrecht, une multinationale brésilienne du BTP, avec entre autres une petite participation du groupe Lagardère.

11 milliards d’euros d’argent public ont été avancés pour le Mondial de 2014. Combien pour les jeux Olympiques qui se dérouleront à Rio en 2016 et dont les infrastructures se concentreront dans le riche quartier de Barra de Tijuca ? La présidente Dilma Rousseff a tenté de désamorcer le mécontentement en assurant que les concessionnaires rembourseraient les avances publiques, mais personne ne l’a crue. Les gens sont convaincus que l’argent est avancé à fonds perdu et que, comme d’habitude, ce sont leurs impôts qui serviront à rembourser les emprunts.

Ces grands travaux ne concernent pas que les stades. Il faut construire des routes pour amener sportifs et spectateurs, des hôtels pour les loger, des restaurants, etc. Tout cela exige des terrains, sur lesquels la spéculation immobilière pourra se déchaîner. Là encore, cela se fait au détriment des plus pauvres. Pour libérer du terrain, en plus des expropriations en bonne et due forme, les municipalités récupèrent les espaces publics occupés illégalement par l’habitat populaire, les favelas construites en général sur les terrains non constructibles, le long des routes et des cours d’eau ou sur les collines escarpées. On donne les chiffres de 170 000 ou 250 000 personnes expulsées, principalement à Rio. Dans cette ville, ancienne capitale du Brésil, où les logements battent des records de prix et où de nombreuses collines abruptes et sans voie d’accès s’élèvent jusque dans le centre, un habitant sur quatre vit en favela. Au Brésil, le logement social est inconnu. Pour les pauvres, la favela est souvent la seule solution. Le gouvernement Lula a bien lancé un programme de maisons populaires, dans de lointaines banlieues, vendues pas trop cher, Minha casa, minha vida (Ma maison, ma vie). La gouaille populaire le transforme en Minha casa, minha divida (Ma maison, ma dette).

Les expropriations prennent souvent pour prétexte la « sécurisation » de zones jusque-là contrôlées par les gangs de la drogue. Les travailleurs, majoritaires dans les favelas, subissent bien sûr les exactions de ces mafias, mais un certain modus vivendi finit souvent par s’établir, et chacun connaît les règles à respecter. Quand la police chasse les truands, déployant mitrailleuses, hélicoptères et parfois blindés, elle ne fait pas le détail, cassant tout dans ces habitations fragiles, pillant, tirant à tort et à travers, en particulier sur les jeunes et les Noirs. Elle étiquette ses victimes « suspects » ou « délinquants », et les bien-pensants applaudissent. C’est elle qui prend alors la place des gangs évincés, et bien souvent reprend leurs trafics de drogue et d’armes. Même si l’on n’a perdu ni la vie ni ses quelques biens, on n’a fait que changer de maître et on doit à nouveau s’adapter. Sans compter que parfois la mafia revient en force et que tout peut changer à nouveau. En janvier 2012, la police a ainsi » pacifié » à Rio la favela de Vidigal construite à flanc de colline non loin de la plage d’Ipanema, avec vue imprenable sur l’océan : le prix des terrains y a aussitôt explosé.

À Rio toujours, la municipalité se vante d’avoir, en construisant un téléphérique, désenclavé plusieurs favelas perchées du Complexo do Alemao. Les habitants qui sont desservis apprécient, bien sûr. Mais combien de téléphériques, ascenseurs et funiculaires faudrait-il construire pour faire disparaître la coupure entre la ville et ses 1 071 favelas recensées et pour permettre aux habitants de ces dernières de mener une vie normale ? Il y a des milliards pour les événements sportifs, il n’y en a pas pour les favelas, pas plus que pour les transports. Comme le disait la pancarte d’un manifestant : « On a déjà des stades de pays développé, reste à construire un pays autour. »

 

Une société mal développée

Une fois annulées les hausses des transports, les manifestations ont dénoncé les problèmes permanents de la société brésilienne, marquée par la colonisation et l’esclavage, raciste, inégalitaire, violente et corrompue. Même si certains quartiers et certaines installations sont parmi les plus modernes et les plus riches de la planète, le pays dans son ensemble, en particulier les couches pauvres, souffre du sous-développement, spécialement sensible en ce qui concerne les infrastructures et les services publics. Il affecte, nous l’avons vu, les transports et le logement, mais aussi la santé, l’éducation et les salaires.

La santé est dans un triste état, bien que certains secteurs de pointe soient parmi les meilleurs du monde. Le système public géré par le SUS (Système unique de santé) est déficient et ses centres de santé surchargés, car ses moyens sont constamment réduits, de façon à pousser les malades vers le privé. Tout l’intérieur du pays manque de médecins et d’hôpitaux. Et même là où ils sont nombreux, comme à Rio et Sao Paulo, le prix des consultations les rend presque inaccessibles aux pauvres, tout comme les médicaments. Les vingt dernières années ont vu se succéder les réformes qui ont réduit les remboursements, généralisé les privatisations d’hôpitaux et renforcé la discrimination par l’argent. Ceux qui ont les moyens cotisent à de coûteux « plans de santé », sur le modèle des assurances médicales des États-Unis. Un salarié aisé dépense couramment le quart de son revenu pour être couvert, lui et sa famille.

L’éducation aussi est régulée par l’argent. Il existe bien des écoles publiques. Mais leur nombre n’a pas été multiplié quand de plus en plus de jeunes ont accédé à l’école, au lycée et à l’université. Du coup elles sont surchargées. Elles fonctionnent le plus souvent en trois services : les enfants sont du matin, de l’après-midi ou de la soirée. Les classes ont autour de 60 ou 70 élèves. Les enseignants gagnent très peu. Tarso Genro, ex-président du Parti des travailleurs, avait quand il était ministre de l’Éducation instauré pour les enseignants un salaire plancher de 400 euros pour quarante heures hebdomadaires de cours, c’est-à-dire deux services. Mais quand il fut élu gouverneur du Rio Grande du Sud, l’État qui possède le meilleur niveau d’études, il refusa de payer ce salaire à « ses » enseignants, et réussit à écraser leur grève pour les 400 euros. Les écoles et lycées privés sont légion. Ils coûtent cher aux parents et c’est un secteur très rentable pour les investisseurs. De plus, une fois terminé le secondaire, il faut pour entrer à l’université réussir l’examen appelé vestibular, qui ne se prépare que dans des cours privés. Les facultés publiques sont les meilleures et les plus prestigieuses, qu’elles soient gérées par l’État fédéral, par les États locaux ou par les municipalités. Mais elles sont peu nombreuses et la sélection pour y entrer est sévère. La grande majorité des étudiants se rabattent sur les facultés privées, à but lucratif, qui fleurissent de toute part et où l’on peut payer jusqu’à 1 000 euros par mois. Le gouvernement de Lula leur a rendu un fier service : sous prétexte d’aider les étudiants, il a institué des aides permettant de payer les études, aides qui sont allées directement grossir les profits de ces facultés privées.

En 2013, la classe ouvrière a « la chance » de connaître un taux de chômage faible, autour de 5 % officiellement. Il est vrai que, vu l’absence d’une véritable allocation-chômage, les statistiques ne sont guère fiables. Même dans les grandes villes, la moitié des salariés seulement ont un contrat de travail. Mais c’est vrai qu’il y a du travail, en particulier dans ces grandes agglomérations vers lesquelles continuent d’affluer les travailleurs sans terre et sans emploi du Nordeste. Mais les salaires restent bas, et surtout très inégaux, même si Lula a réduit quelque peu l’éventail des salaires, en augmentant les plus bas sans revaloriser les autres. Il a de la même façon fortement réduit les retraites des fonctionnaires fédéraux (il n’est même pas question de retraite pour les ouvriers ou employés du rang). Le salaire minimum national a presque triplé au cours des deux présidences de Lula. Il équivaut en 2013 à 240 euros. C’est ce que gagnent les 6 millions d’employées de maison, souvent issues de la campagne, les salariés du BTP ou du nettoyage, les ouvriers des petites villes. Dans les grandes villes on gagne le double en général mais, si on a la chance d’être embauché dans une grande entreprise, une banque nationale ou d’État, une usine automobile ou sidérurgique, une compagnie pétrolière ou la filiale d’un groupe américain ou européen, on peut toucher huit, dix ou quinze fois le salaire minimum. Les catégories de salariés les mieux payés sont souvent les plus revendicatives, mais ces différences extrêmes aident à diviser la classe ouvrière. Car c’en est fini de la combativité des années 1980, quand les bureaucrates syndicaux issus de la dictature se faisaient balayer les uns après les autres par les militants liés à la Centrale unique des travailleurs (CUT) et au PT de Lula. Les confédérations syndicales sont maintenant reconnues comme telles, et chaque courant a trouvé plus commode de fonder la sienne, et d’empocher les aides de l’État, plutôt que de devoir lutter pour l’influence au sein d’une centrale commune.

À la campagne, à côté des petits paysans et de leurs exploitations familiales, il y a les grandes propriétés, les fazendas. Il existe bien encore des « colonels » à la mode ancienne, à la fois grands propriétaires et chefs politiques locaux, imposant leur loi grâce à leurs bandes de jagunços. Ces tueurs n’ont pas disparu, mais ils travaillent maintenant sur contrat, sur ordre de patrons ou de directeurs tout à fait modernes. Car la majorité des grandes propriétés agricoles sont exploitées intensivement, avec machines dernier cri, semences OGM et engrais. L’agriculture est, devant les mines, le premier secteur exportateur du pays : sucre et alcool de canne, soja, café, maïs, jus d’orange, viande de bœuf, de poulet et de porc. Dans un discours, Lula a qualifié de « héros » les industriels de la canne à sucre. En tout cas, il a tout fait pour complaire à l’agro-industrie, libéralisant l’usage des OGM, fermant les yeux sur les déforestations illégales, les pollutions de toute sorte, les expulsions et les assassinats d’Indiens et de petits paysans dont elle accapare les terres. 1 % des exploitants agricoles possèdent 53 % des terres, mais plus de la moitié des ruraux vivent en dessous du seuil de pauvreté et il y a quatre millions de paysans sans terre. Ils sont 150 000 à peupler les campements du MST, le Mouvement des sans-terre. Le Parti des travailleurs, dont font partie les dirigeants du MST, a longtemps revendiqué une réforme agraire par attribution aux paysans sans terre d’une partie des grandes propriétés. Une fois parvenu au pouvoir, le PT a complètement renoncé à la réforme agraire, distribuant encore moins de terres aux paysans que ses prédécesseurs de droite. Cela n’empêche pas la direction du MST de continuer à le soutenir, tout en le critiquant un peu et en continuant les occupations de terres. Ce n’est d’ailleurs pas seulement à la campagne que des terres sont occupées « illégalement ». Autour des villes aussi les gens manquent de terre, pas pour cultiver mais pour se loger. De telles occupations de terres se sont multipliées dans les États du Rio Grande du Sud et de Sao Paulo, où en janvier 2012 une armée de 2 000 policiers a délogé de force les 9 000 occupants du site de Pinheirinho, à Sao José dos Campos.

La société brésilienne cultive les inégalités, y compris à l’intérieur de la classe ouvrière. Mais si elle est une des plus inégalitaires du monde, c’est d’abord et avant tout à cause de la richesse extrême accumulée par la bourgeoisie. Les bourgeois brésiliens sont certes en position subordonnée par rapport à la bourgeoisie des pays impérialistes. Cela ne les empêche pas de s’enrichir de façon scandaleuse, dans la banque, dans l’industrie, dans l’agro-industrie, dans les prêts à l’État et aux États. Car l’énorme dette publique brésilienne est détenue, non seulement par les banques impérialistes et leurs clients fortunés, mais aussi par de riches Brésiliens. Ces riches se retranchent dans leurs villas et dans leurs quartiers réservés, cerclés de miradors et de gardes. Dans ces « ensembles fermés », les maisons sont entourées d’arbres et de gazons, on ne voit ni grilles ni murailles, à la différence des quartiers ordinaires où tout est sous grille et sous cadenas. Mais à l’extérieur de ces zones de paix, ce sont les rondes incessantes de gardes armés et de chiens qui empêchent tout intrus de s’introduire dans le paradis.

Car, pour imposer et maintenir cette inégalité brutale, la répression est omniprésente. On sait que le Brésil est un pays violent, où chaque année 40 000 homicides sont enregistrés. Beaucoup sont dus à la violence de la misère, entre pauvres souvent, ou dans des vols à main armée et des hold-up. Mais toute une partie sont commis au service des riches, contre des grévistes, des manifestants, des syndicalistes, des paysans revendicatifs, des Indiens dont on convoite les terres, des mendiants dont on veut nettoyer les rues, des jeunes et des Noirs qu’on sent dangereux, des habitants de favela qu’on veut impressionner et soumettre. Chaque année, la police reconnaît près de 2 000 cas de « résistance suivie de mort ». Les escadrons de la mort n’ont pas disparu. Ils sont passés de la répression politique à la répression sociale, contre les pauvres. Les vrais riches sont parfois victimes d’enlèvements crapuleux. Ils s’en protègent en s’entourant de gardes du corps et en se déplaçant en hélicoptère ou en voiture blindée, de leur résidence sécurisée au gratte-ciel de leurs bureaux ou à un centre commercial réservé, comme le Daslu, dans lequel les employées de couleur ont la consigne impérative de rester muettes. Le Brésil est le paradis des sociétés de sécurité, des voitures blindées et des hélicoptères privés, qui dans le ciel de Sao Paulo connaissent de vrais embouteillages.15

 

Dilma Rousseff réélue

Elle remporte de nouveau l'élection présidentielle, le 26 octobre 2014, avec 51,64 % des voix, l'emportant de justesse sur son concurrent de droite, Aécio Neves, qui a obtenu 48,36 % des voix

Le vote Rousseff domine toujours dans le Nordeste. Il atteint par exemple près des deux tiers à Salvador de Bahia : les programmes d'assistance mis en place par Lula il y a une dizaine d'années assurent un minimum vital aux populations très pauvres de cette région. Neves l'emporte dans le Sud-Est, région la plus développée et la plus riche, avec par exemple les deux tiers des voix dans l'État de Sao Paulo, le berceau du Parti des travailleurs (PT) de Lula et de Rousseff. Il reçoit les voix non seulement des classes riches, qui votent traditionnellement à droite, mais aussi des « nouvelles classes moyennes », ces salariés relativement aisés créés par la prospérité des années Lula et qui aspirent à un changement.

Dans son discours après sa victoire, Rousseff a d'abord remercié Lula. Comme il y a quatre ans, l'ancien métallo fondateur du PT a tout fait pour son élection, la présentant comme son héritière et la garante d'une politique favorable aux ouvriers et aux pauvres.

Pour son second mandat, Rousseff a promis d'être meilleure. Elle en a appelé à l'unité nationale, annonçant le dialogue et le changement. Elle a renouvelé son engagement de lutter contre la corruption. On peut douter de l'efficacité de cette lutte, quand on voit les scandales politico-financiers qui secouent les partis et le gouvernement. Rousseff a aussi annoncé une réforme politique, sans en préciser le contenu. C'est déjà ce qu'elle avait proposé en juin 2013, dans l'intention de mettre fin à la vague de manifestations, et dont elle n'avait plus reparlé. Il est vrai qu'il suffit de parler de réforme politique pour braquer la totalité des politiciens et des partis brésiliens.

Enfin, et plus important, elle s'est engagée à collaborer avec « la production et la finance », c'est-à-dire à poursuivre sa politique en faveur des industriels, de l'agro-business et des banques. Sur ce terrain, elle n'aura pas de mal à réaliser l'unité : José Serra, un des ténors de la droite, a déjà assuré que le PSDB, le parti de Neves, « ne fera pas d'opposition destructive ».

Dans ce discours, Dilma Rousseff n'a rien annoncé pour les travailleurs, qui ont en majorité voté pour elle, de peur des attaques de la droite. Mais, par ses engagements de maîtriser les dépenses publiques et la consommation, on devine ce qu'elle leur réserve : le blocage des salaires, la flexibilité du travail et la réduction de tous les services publics, santé, enseignement, transports.

Ces thèmes avaient été au cœur des manifestations de juin 2013. Rousseff aura sans doute encore à se mesurer au mécontentement des couches populaires.16

 

Le règne de la corruption

« Avec courage et jusqu’à la souffrance, le Brésil a appris à pratiquer la justice sociale pour les plus pauvres, ainsi qu’à appliquer durement la main de la justice contre les corrompus. »

Le 8 mars 2015, en entendant cette phrase de Dilma Rousseff, nombre de Brésiliens ont dû se demander si leur présidente vivait vraiment au Brésil, pays champion des inégalités sociales et de la corruption politique.

Dilma Rousseff intervenait à propos du scandale Petrobras, qui secouait depuis des mois le monde politique, et en particulier son gouvernement. Dans cette affaire, quatorze sénateurs et vingt-quatre députés sont officiellement mis en cause. Ils appartiennent à quatre partis, dont les trois plus importants du gouvernement, notamment le PT, parti de la présidente, et le principal parti de l’opposition de droite. On trouve parmi eux, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat, un ancien président de la République ayant démissionné pour corruption, deux ex-Premiers ministres, plusieurs ex-ministres, des ex-gouverneurs, etc. Quant à la commission parlementaire censée enquêter sur l’affaire, la moitié de ses membres, dont son président, ont bénéficié des largesses des entreprises corruptrices. C’est tout le milieu politique qui se trouve accusé, gauche et droite confondues.

Le système utilisé pour la corruption est simple : des entreprises alimentent les caisses des partis politiques, qui leur retournent la politesse par le biais de marchés publics surfacturés. C’est déjà ce qui avait servi dans l’affaire du Mensalao (la « grosse mensualité » versée à des dizaines de parlementaires pour qu’ils votent les projets du gouvernement), sous la présidence de Lula, dont le procès a duré huit ans. Au terme de huit ans de procédure, les politiciens condamnés ont tous sans exception bénéficié du régime ouvert, où l’on ne rejoint la prison que la nuit.

Il s’agit cette fois de milliards d’euros. Et le rôle central est joué dans l’affaire par Petrobras, la compagnie pétrolière nationale, première entreprise brésilienne et un des poids lourds de l’industrie mondiale, qui traite avec toutes les grandes entreprises du pays, et au-delà. Les dirigeants de Petrobras, nommés par le pouvoir politique, passaient avec les entreprises, de travaux publics en particulier, des contrats systématiquement surfacturés, de façon à pouvoir verser des pots-de-vin aux partis. Le secteur public, c’est-à-dire en fin de compte le contribuable, payait pour les campagnes et la grande vie des politiciens ainsi que pour les profits des entreprises.

Pas facile alors pour la présidente d’imposer aux travailleurs austérité et réformes rétrogrades, en s’appuyant sur des partis déconsidérés par la corruption ! Il est possible qu’elle soit elle-même atteinte par le scandale, car elle a été ministre de l’Énergie et a siégé au conseil d’administration de Petrobras : une manifestation était appelée le 15 mars 2015 pour demander sa destitution. De plus, au moment où le Brésil subissait les atteintes de la crise économique mondiale, il était question d’exclure des marchés publics une trentaine d’entreprises corruptrices, ce qui mettait en danger un demi-million de salariés et pouvait bloquer des chantiers tels que le barrage hydroélectrique géant de Belo Monte en Amazonie, des aéroports, ou le stade du Corinthians, où s’est déroulée l’ouverture de la Coupe du monde l’an passé.

Dilma Rousseff, qui a commencé en janvier 2015 son second mandat présidentiel, promet une enquête « large, libre et rigoureuse ». Elle y est bien obligée, quand le scandale est aussi large et aussi public. Mais qu’elle ne parle pas de justice sociale pour les plus pauvres, alors qu’ils subissent au même moment les pénuries d’eau, les coupures de courant, les hausses de tarifs, la dégradation de la santé et de l’éducation, le report de l’âge de la retraite. Et qu’elle ne parle pas non plus de justice dure pour les corrompus, alors que c’est eux qui siègent à ses côtés, impunis depuis des décennies, dans les ministères et au Parlement.17

 

La nomination de Lula au gouvernement

Le 17 mars 2016, Dilma Rousseff nomme son prédécesseur Lula, qui est accusé de corruption et de blanchiment d'argent, ministre d'État et chef de cabinet du président de la République, la fonction la plus élevée du gouvernement, ce qui empêcherait celui-ci d'être mis en détention. La veille, une écoute téléphonique réalisée entre elle et Lula, et rendue publique par le juge fédéral Sérgio Moro, laisse entendre qu'il y a eu arrangement entre eux pour stopper les poursuites pénales ordinaires contre Lula. L'impartialité du juge Sérgio Moro est alors remise en cause par les partisans de Dilma Rousseff ; il se voit dessaisi de l'enquête sur le scandale Petrobras après la publication de cette écoute. Le 18 mars, le Tribunal suprême fédéral suspend la nomination de Lula pour entrave à la justice. Le procureur général du Brésil, Rodrigo Janot, demande ensuite l'autorisation d'ouvrir une enquête contre Dilma Rousseff pour « obstruction à la justice ».

 

Procédure de destitution

En octobre 2015, le Tribunal des comptes de l'Union (TCU) appelle les parlementaires brésiliens à rejeter les comptes publics de l'État de 2014, année de la réélection de Dilma Rousseff, au motif qu'ils auraient été sciemment entachés d'irrégularités. Afin de minimiser l'importance des déficits publics, la présidente a en effet signé, en 2014 et 2015, des décrets faisant supporter provisoirement à des banques publiques des milliards de réaux de dépenses incombant au gouvernement. Elle a également approuvé des dépenses non inscrites à la loi de finances sans demander l'accord préalable du Parlement.

Face à ces manipulations comptables, le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, hésite dans un premier temps sur la stratégie à suivre alors qu'il est lui-même mis en examen pour corruption passive et blanchiment d’argent. Il lance finalement une procédure d'impeachment contre la présidente le 2 décembre 2015. Dilma Rousseff dénonce un « coup d'État » et se défend d’avoir commis un quelconque « crime de responsabilité » administrative pouvant justifier sa destitution. Elle affirme que ses prédécesseurs avaient également recours à cette pratique ; des médias soulignent cependant le fait que ses prédécesseurs s'étaient montrés plus mesurés.

Alors que la majorité des députés brésiliens font l'objet de poursuites judiciaires, le journal français Le Monde indique que les soupçons d'enrichissement pesant sur elle concernent aussi « la grande majorité des députés » appelés à se prononcer sur sa destitution. Le processus de destitution résulterait en réalité d'une sanction contre « les fautes diplomatiques, économiques et politiques qui ont contribué à faire d’elle la chef d’État la plus impopulaire de l’histoire de la jeune démocratie brésilienne ».

Plus de trois millions et demi de Brésiliens manifestent le 13 mars 2016 pour réclamer le départ de la présidence de Dilma Rousseff, tandis que les études d'opinion indiquent que plus des deux tiers des Brésiliens souhaitent sa destitution. Après le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) du vice-président Michel Temer, le Parti progressiste (PP), le Parti républicain brésilien (PRB) et le Parti social démocratique (PSD), tous membres de la coalition gouvernementale, donnent pour consigne de voter en faveur de la destitution. Dans le même temps, plusieurs ministres quittent le gouvernement.

Le 17 avril 2016, 367 députés se prononcent en faveur de la procédure de destitution, soit plus que la majorité des deux tiers (342 voix) qui était requise pour la poursuite de la procédure ; seuls 137 députés s'y opposent. Le vote se fait dans un climat de haine politique, l'un des députés saluant la mémoire du colonel Ustra, qui avait torturé en personne Dilma Rousseff sous la junte militaire, tandis qu'un député d'extrême gauche évoque « des tortionnaires lâches, des politiques analphabètes et vendus, une farce sexiste ».

Le Sénat, le 12 mai, vote la suspension de ses fonctions pour une durée maximale de 180 jours, par 55 voix contre 22. Le vice-président, Michel Temer, assure la présidence en son absence. Un second vote du Sénat, avec majorité des deux tiers, doit se tenir pour l'écarter définitivement du pouvoir.

En juin 2016, Dilma Roussef propose un référendum sur son maintien au pouvoir, au cas où elle ne serait pas destituée. Le 27 juin, un rapport de trois experts du Sénat indique que la présidente n'est pas responsable des manœuvres fiscales invoquées à son encontre par l'opposition.18

 

Dilma Rousseff destituée, et après ?

Le 31 août 2016, le Sénat brésilien a destitué la présidente Dilma Rousseff, suspendue depuis le 12 mai. 61 sénateurs ont voté pour la destitution, 20 contre. Michel Temer du parti de droite PMDB, élu vice-président avec Rousseff en 2014, est désormais président de plein droit.

C’est la fin d’un feuilleton aux multiples épisodes, commencé mi-2015, au lendemain de la réélection de Rousseff. Celle-ci avait clamé son innocence, évoqué son passé d’opposante à la dictature militaire, dénoncé un coup d’État de la droite et du groupe de presse Globo, dit qu’en sa personne, ce sont les conquêtes sociales qu’on attaque. Elle a bien pu être appuyée par Lula, par une pléiade d’ex-ministres, les dirigeants du syndicat CUT, du Mouvement des sans-terre, du Mouvement des sans-toit, le chanteur Chico Buarque… rien n’y a fait : Cour suprême, commission parlementaire, députés, sénateurs, tous se sont prononcés contre elle.

Pour Rousseff, la partie est donc finie. Officiellement, elle paie quelques ruses dans la présentation du budget de l’État, ruses illégales mais que tous ses prédécesseurs ont utilisées. En revanche elle semble n’avoir pas trempé dans les affaires de corruption qui touchent son parti, le Parti des travailleurs (PT), une bonne partie de ses ministres et la majorité de ses accusateurs. Gleisi Hoffmann, sénatrice PT et ex-Première ministre, pouvait à juste titre s’indigner en constatant que, parmi les 81 sénateurs chargés de juger Rousseff, 59 (y compris elle-même) sont soupçonnés de corruption et visés par des enquêtes !

Et pourtant Rousseff paie pour cette corruption généralisée, qui s’est concrétisée sous la présidence de Lula par l’affaire du Mensalao (la grosse mensualité versée aux députés pour les convaincre d’appuyer le gouvernement) et aujourd’hui par l’affaire Petrobras (la compagnie pétrolière nationale) qui se chiffre en milliards de dollars. Ces scandales touchent indifféremment la droite et la gauche. Ainsi, pour expliquer la difficulté de convaincre les sénateurs de sauver Rousseff, un sénateur PT disait récemment : « Nous n’avions rien à offrir. » Eh oui, sans corruption, sans ministères ou postes lucratifs à distribuer, pas moyen d’affirmer son honnêteté.

Mais les raisons de cette défaite de Rousseff vont bien au-delà de la corruption. Le pays est atteint par la crise économique mondiale, ses exportations diminuent, l’inflation s’emballe, les licenciements se multiplient. Rousseff et le PT ne sont pas responsables de la crise du système capitaliste, mais ils ont contribué, en tant que gouvernement, à la faire payer aux travailleurs et aux petites gens. Du coup, ni le PT, ni la CUT, ni Lula, ni aucun de leurs multiples relais dans la société n’ont convaincu les travailleurs qu’il leur fallait défendre cette présidence et ce gouvernement.

Si la droite l’emporte, ce n’est donc pas seulement dû à ses manœuvres, c’est aussi parce que cette gauche de gouvernement, dont le seul souci est de défendre le capital, s’est en grande partie déconsidérée. La droite peut-elle tenir jusqu’aux élections générales de 2018 ? On peut s’interroger, car elle aussi trempe dans les scandales, et en tout premier le nouveau président Temer, dont l’impopularité égale celle de Rousseff.

Mais, Rousseff ou Temer : dans cette querelle entre politiciens bourgeois, les travailleurs n’ont rien perdu. Ils devront continuer à se défendre, car Temer attaque sur tous les terrains, avec la brutalité d’un homme de droite. Il poursuit des projets qui étaient déjà ceux de Rousseff et du PT : réformes des retraites, de la sécurité sociale, du droit du travail. Et si les travailleurs prennent conscience que leur salut ne viendra ni du PT, ni de la CUT, ni de Lula, en qui ils ont mis leur confiance depuis une quarantaine d’années, ils y auront même gagné quelque chose d’essentiel.19

 

 

Corruption et attaques contre les travailleurs

Le 4 décembre 2016 a été marqué par une série de manifestations dans les grandes villes du Brésil. À Sao Paulo, 40 000 personnes étaient rassemblées contre le gouvernement de droite du président Temer, souvent les mêmes que l’an passé contre la présidente Dilma Rousseff du Parti des travailleurs. Elles protestaient en particulier contre les parlementaires qui tentent d’échapper à la justice.

La destitution de Dilma Rousseff fin août n’a pas mis fin au scandale de corruption lié à la société pétrolière nationale, Petrobras, dans lequel les politiciens et les partis de droite sont au moins autant impliqués que ceux de gauche. Depuis six mois que Temer est président, six de ses ministres ont dû démissionner, le président de la Chambre est en prison, ainsi que l’ex-gouverneur de Rio, le président du Sénat est poursuivi pour détournement de fonds, et Temer lui-même est sous le coup d’une enquête.

Autre épisode : le ministre Geddel, bras droit de Temer, voulait obtenir l’autorisation de construire une tour de trente étages dans un quartier de Bahia classé patrimoine historique, pour des promoteurs amis. Il a fait pression sur son collègue de la Culture, qui a refusé d’accorder un passe-droit, et a fini par démissionner, avant de révéler l’affaire. Geddel dut aussi démissionner.

Autre souci pour Temer : le groupe de BTP Odebrecht, le Bouygues brésilien, au cœur de l’affaire Petrobras, réalisait une grosse partie des travaux surfacturés qui alimentaient les caisses noires des politiciens. Son patron est en prison, condamné à payer une amende de 2 milliards d’euros. Mais, avec 80 de ses cadres et directeurs, il a passé un accord avec la justice, acceptant de dénoncer 200 politiciens qu’il finançait illégalement, en échange d’allégements de peine.

Les élus ont tenté de parer le coup. Le 29 novembre, dans une loi intitulée « dix mesures contre la corruption », ils ont introduit un amendement qui supprime le crime d’enrichissement illégal d’un agent de l’État et la confiscation des biens qui le sanctionne. En revanche, il introduit le crime d’abus d’autorité de la part des juges et procureurs, puni de deux ans de prison. En clair : la corruption est autorisée et qui la poursuit va en prison. Cet amendement a été voté, avec l’aide de la moitié des députés du PT. En riposte, les procureurs de l’affaire Petrobras ont menacé de démissionner en bloc, appuyés par les dizaines de milliers de manifestants du 4 décembre.

Ces péripéties judiciaires et politiques accompagnent une crise économique profonde, dont les travailleurs sont les premières victimes. Le produit intérieur brut devrait reculer en 2016 de 3,5 %, après 3,8 % en 2015. Neuf États, dont ceux de Rio de Janeiro et du Rio Grande du Sud, sont en faillite. Mais la bourgeoisie veut maintenir ses profits, au prix d’une inflation entre 8 et 10 %, d’un chômage record à 12 % et du démantèlement des services publics.

Les entreprises réduisent l’emploi, sous prétexte de baisse des ventes et des exportations. Les cinq plus grandes banques ont encaissé sur le premier semestre 2016 près de 8 milliards d’euros de profits. Mais elles veulent réduire l’emploi. Ainsi le Banco do Brasil, dernière banque publique, projette de fermer 400 agences, d’en réduire 370 autres à un simple guichet, supprimant 9 200 postes et déclassant des milliers d’employés, avec jusqu’à 50 % de baisse des salaires.

Temer veut accélérer une réforme reculant l’âge du départ en retraite et mettant fin à l’indexation des retraites sur l’inflation. Quant au projet d’amendement constitutionnel 55, contre lequel protestaient aussi les manifestants du 4 décembre, il gèlerait pour vingt ans les dépenses publiques, retirant dans les faits des milliards de tous les budgets sociaux, santé, éducation, transports, logement. Le Sénat l’a adopté en première lecture le 29 novembre, pendant que sur l’esplanade des Ministères de Brasilia la police matraquait les 20 000 opposants qui manifestaient.

Temer veut faire payer la crise aux salariés, sans s’embarrasser de verbiage. Est-il capable de le faire ? C’est une autre question, car la classe ouvrière brésilienne pourrait riposter à ces attaques.20

 

 

Des millions de travailleurs en grève

Selon les syndicats, 35 millions de travailleurs ont fait grève au Brésil le 28 avril 2017, soit près d’un tiers des salariés. Cette grève nationale était la première depuis plus de vingt ans.

Dans tout le pays, les transports, les hôpitaux et les écoles étaient paralysés, de nombreuses usines du privé étaient arrêtées et des manifestations parcouraient les rues. Sao Paulo, la capitale économique du pays, a été déserte la moitié de la journée, avec les autoroutes d’accès bloquées, les métros, les trains et bus à l’arrêt. Rio semblait un champ de bataille, avec des barricades, des vitrines de banques fracassées, parcouru de violentes charges de police dans la fumée des pneus et des bus incendiés.

Le gouvernement de droite, relayé par la presse et les patrons, a protesté contre les violences et tenté de nier le succès de la grève, dont 96 % des gens se disaient solidaires. La droite a prétendu parler au nom de ceux qui se lèvent tôt. Le président Temer, dont la cote de popularité est tombée en dessous de 10 %, a prétendu qu’il luttait contre la récession tout en garantissant les droits des salariés. Mais tous les travailleurs voient bien que ces politiciens corrompus, dont beaucoup sont déjà mis en examen, attaquent leurs conditions de travail et leurs retraites.

La Chambre des députés a en effet voté le 27 avril, en première lecture, une réforme du droit du travail. Elle fera passer les accords négociés par branche ou par entreprise avant le Code du travail et la loi. Dans le cadre d’une semaine de 48 heures, le patron pourrait imposer des journées de 12 heures. Le gouvernement veut aussi faire passer une réforme des retraites préparée par l’équipe précédente, dite de gauche. Les hommes partiraient à 65 ans au lieu de 60 aujourd’hui, et les femmes à 62 ans au lieu de 55.

Ces réformes passent mal, alors que le chômage frappe 14 millions de travailleurs (soit 13,7 %), que les salaires des fonctionnaires sont payés avec retard dans un certain nombre d’États et que l’inflation est repartie à la hausse, grignotant les salaires. Après des années de sursis, la crise économique frappe maintenant le Brésil, dont le déficit budgétaire se creuse : 3,5 milliards de dollars en mars 2017.

Si le mécontentement ouvrier a pu s’exprimer ainsi, c’est que la gauche et les syndicats se retrouvent maintenant contre le gouvernement. La gauche a perdu ses ministères et ses places dans la haute administration quand Dilma Rousseff a été chassée de la présidence il y a un an. Quant aux grandes confédérations syndicales, le gouvernement menace leur monopole de la négociation avec les patrons, pour la ramener au niveau régional ou de l’entreprise. Il veut aussi supprimer l’impôt syndical consistant en une journée de salaire versée par tous les travailleurs, perçue par l’État et redistribuée aux centrales. Elles ne veulent pas perdre ces sommes qui leur permettent de faire fonctionner leurs appareils en toute indépendance des travailleurs, sans avoir besoin de militants ni de cotisations.

Les travailleurs brésiliens ont de toute façon à défendre ce qui les concerne directement, leurs emplois, leurs salaires, leurs retraites et l’avenir de toute la société et se préparer à le faire en se défiant des bureaucraties syndicales et politiques qui, en leur sein, se soucient d’abord de leurs intérêts de boutique.21

 

 

Bolsonaro élu, un résultat de la crise et de la faillite de la gauche au pouvoir

Le 28 octobre 2018 , Jair Bolsonaro a été élu président du Brésil avec une confortable avance de 55,2 % des voix. Ce crypto-facho, nostalgique de la période de la dictature, adepte des déclarations les plus réactionnaires et des méthodes les plus autoritaires, a pu profiter d’un alignement néfaste des planètes...

 

Un ex-militaire d’extrême droite au pouvoir

Comment en est-on arrivé là ? Sur fond d’affaires de corruption, après la destitution de la présidente Dilma Roussef et la mise à l’écart de son prédécesseur Lula (mis ensuite en prison), dans un contexte de crise profonde du régime et de coup d’État institutionnel, Bolsonaro a su canaliser une très grande partie du sentiment anti-PT (le parti de gauche au pouvoir pendant 13 ans) et du rejet de la corruption et de la violence sociale très fortes au Brésil.

Capitaine de l’armée pendant la dictature, Bolsonaro n’a jamais caché ni sa nostalgie de la dictature militaire qui a dirigé le pays de 1964 à 1985, ni ses liens avec l’armée. Ses déclarations agressives contre les militants de gauche (qui devront choisir « entre la prison ou l'exil »...), et ses paroles haineuses racistes, sexistes et homophobes, ont encouragé ses partisans à passer à l’acte durant toute la campagne, avec une vague d’agressions perpétrés par ses électeurs, en particulier dans l’entre-deux-tours.

 

Un ultralibéral autoritaire au service de la Maison Blanche

Grands patrons, police, armée, évangélistes et croyants fanatisés… ont poussé à son élection. Ses annonces – réforme des retraites par capitalisation, recul de l’âge de départ à la retraite, privatisation d’au moins la moitié des entreprises publiques... – ont été saluées comme il se doit par les bourses dès son élection. Dans le domaine agricole, la branche la plus conservatrice de l’agrobusiness brésilien l’a soutenu, en raison notamment ses multiples attaques contre les droits des peuples indigènes et ses velléités de remettre en cause l’accord climat signé à Paris.

L’armée est à l’affût : 72 militaires ont été élus comme députés fédéraux et d’États, et plusieurs généraux de réserve ont intégré le gouvernement... Et il voulait accorder un véritable permis de tuer à la police déjà la plus violente du monde.

Niveau politique extérieure, les USA de Trump peuvent crier victoire. Par bien des aspects, de la critique de la Chine aux remises en cause des questions écologistes, le programme de Bolsonaro ressemble à un copier-coller de celui du président US…

 

Résistance !

Pour autant, le pire n’a pas encore gagné, le pays n’a pas été abattu. Le candidat perdant du Parti des travailleurs a rassemblé 47 millions de voix au second tour (16 millions de plus qu’au premier tour), et on compte aussi 42 millions de votes blancs, nuls ou abstentionnistes… Les contradictions sont explosives : la base sociale de Bolsonaro, en particulier sa composante la plus populaire, peut être sensible aux préjugés, à la lutte contre la corruption et à son discours ultra-sécuritaire décomplexé, mais elle ne semble pas prête à le suivre sur la mise en œuvre de ses principales contre-réformes.

Tout cela crée autant de brèches dans lesquelles la colère sociale pourrait s’engouffrer.22

 

 

Bolsonaro s’en va, la crise reste

Le 30 octobre 2022, le deuxième tour de la présidentielle brésilienne a donné la victoire à Lula : 50,9 %, contre 49,1 % à Bolsonaro. Cet écart représente un peu plus de 2 millions de voix.

Au premier tour, 6 millions de voix séparaient les deux candidats. Le nombre d’abstentions étant resté stable, Bolsonaro a donc beaucoup plus progressé que Lula.

Bolsonaro a finalement déclaré qu’il respecterait la Constitution. Quoi qu’il en soit, cette élection a montré une division profonde dans l’opinion, ainsi qu’une perte des repères dans les milieux populaires qui jusqu’ici opposaient gauche et droite.

Bolsonaro ne fait pas l’unanimité chez les bourgeois puisqu’on a vu l’équivalent brésilien du Medef et le syndicat des banquiers faire campagne contre lui. Mais ce représentant de l’extrême droite raciste et anti­ouvrière a gagné des appuis solides dans les classes populaires.

Lula a déclaré : « Ce pays a besoin de paix et d’unité. » Ou encore : « Il n’y a pas deux Brésil : nous sommes un seul peuple, une seule nation. » L’ancien métallo, le syndicaliste qui luttait contre la dictature, le président de 2003 à 2010, a connu l’adversité, les accusations, les condamnations, la prison. Il en est certes sorti vainqueur et a remporté un troisième mandat. Mais le pays qu’il allait gouverner à partir de janvier 2023 a changé et l’affrontement politique dont les élections ont été le théâtre resurgirait sous d’autres formes.

Les grands problèmes qu’aura à affronter Lula sont les conséquences de la crise économique mondiale, la récession, le recul du commerce et des exportations.

En écho à son programme Faim zéro de 2003, Lula a annoncé qu’il allait en finir avec la faim qui frappait 33 millions de Brésiliens et parlait de créer des emplois. Mais il y a vingt ans, lors de son premier mandat, les perspectives économiques étaient bonnes pour le Brésil, dont les exportations battaient des records. Ce n’était plus le cas désormais, et cela avait tout d’une promesse en l’air, alors que Lula n’a même pas dit qu’il allait revenir sur la réforme des retraites que Bolsonaro a imposée trois ans auparavant.23

 

Sources

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Br%C3%A9sil
(2) Ibid.
(3) Camille Meyer http://cadtm.org/Fiche-pays-le-Bresil
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Juscelino_Kubitschek
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Br%C3%A9sil
(6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Jo%C3%A3o_Goulart
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Br%C3%A9sil
(8) Camille Meyer http://cadtm.org/Fiche-pays-le-Bresil
(9) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Br%C3%A9sil
(10) Camille Meyer http://cadtm.org/Fiche-pays-le-Bresil
(11) http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/article/bresil-lula-la-reussite-du
(12) Vincent Gelas http://www.lutte-ouvriere-journal.org/lutte-ouvriere/2205/dans-le-monde/article/2010/11/03/23519-bresil-dilma-rousseff-elue-la-politique-de-lula-sans-lula.html
(13) https://fr.wikipedia.org/wiki/Dilma_Rousseff
(14) https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_protestataire_de_2013_au_Br%C3%A9sil
(15) http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-actuelle-1993/article/bresil-revolte-contre-la-hausse
(16) Vincent Gelas https://www.lutte-ouvriere-journal.org/lutte-ouvriere/2413/dans-le-monde/article/2014/10/29/33550-bresil-dilma-rousseff-reelue.html
(17) Vincent Gelas http://www.lutte-ouvriere-journal.org/lutte-ouvriere/2432/dans-le-monde/article/2015/03/11/36601-bresil-le-regne-de-la-corruption.html
(18) https://fr.wikipedia.org/wiki/Dilma_Rousseff
(19) Vincent Gelas https://journal.lutte-ouvriere.org/2016/09/07/bresil-dilma-rousseff-destituee-et-apres_70496.html
(20) Vincent Gelas http://journal.lutte-ouvriere.org/2016/12/14/bresil-corruption-et-attaques-contre-les-travailleurs_73308.html
(21) Vincent Gelas https://journal.lutte-ouvriere.org/2017/05/10/bresil-des-millions-de-travailleurs-en-greve_91215.html
(22) https://npa2009.org/agir/international/bresil-attention-danger
(23) Vincent Gelas https://journal.lutte-ouvriere.org/2022/11/02/bresil-bolsonaro-sen-va-la-crise-reste_432422.html